Friends With Kids – film de Jennifer Westfeldt

Friends with Kids, c’est avant tout l’histoire d’une bande de copains, qui, la quarantaine approchant, décide de se mettre à pouponner. En fait, d’une certaine façon, à bien regarder l’affiche, ça pourrait être l’histoire des Friends les plus célèbres du petit écran, une fois ceux-ci devenus définitivement adultes et entrés dans l’âge parental. Dans l’esprit de cette comédie romantique écrite, réalisée et interprétée par Jennifer Westfeldt, à vrai dire, il y a un peu de ça.

Tout commence lorsque, au cours d’un de leurs rituels petits dîners entre amis dans un restaurant chic, Leslie et Alex annoncent à leurs meilleurs amis Ben et Missy, Jason, et Julie, la grande nouvelle : ils vont avoir un bébé ! Mais alors que tout le monde regarde, dégoûté, les enfants de la table à côté jouer avec leur nourriture et hurler, Alex et Leslie jurent leurs grands dieux qu’ils ne seront jamais ce genre de parents et que la venue d’un enfant ne changera rien à leur mode de vie ni à leurs relations avec leurs amis.
Quatre ans plus tard, bien sûr, tout a changé. Alex et Leslie sont débordés par leurs deux enfants. Ben et Missy, autrefois le couple le plus amoureux et adorable qu’on puisse imaginer, ont eu un fils et semblent depuis se détester. Jason et Julie, seuls célibataires de la bande, se demandent si c’est le fait de se reproduire qui a rendu leurs amis si aigris. Mais désirant avoir des enfants malgré tout, ils songent que c’est plutôt la vie maritale et la vie familiale qui sont inconciliables. Refusant le piège qui semble se refermer sur le couple dès lors que l’enfant paraît, ils décident de faire un bébé ensemble, en toute amitié, et de continuer à vivre leur vie amoureuse chacun de leur côté. A priori le plan est parfait.

Disons-le tout net : Friends with Kids n’est pas la comédie du siècle. Du point de vue du déroulement narratif de la comédie romantique en elle-même, genre balisé s’il en est, cette première réalisation de Jennifer Westfeldt n’est franchement pas très originale. Elle prête à sourire mais n’a pas le génie hilarant et décalé des productions Apatow, vers lesquelles elle semble pourtant lorgner.

Mais elle a un mérite considérable toutefois : celui de désacraliser le modèle familial conventionnel et de montrer que la parentalité peut se construire dans des formes alternatives. A l’heure où au niveau mondial s’effectuent des réflexions sur le droit de tous les couples au mariage et à l’accès à la parentalité, notamment par le biais de l’adoption, il est agréable de voir un film hollywoodien clamer qu’il n’existe pas une façon unilatérale d’être parent, et que le fait de former un couple non-conventionnel ne nuit pas forcément au bien-être de l’enfant. On regrettera toutefois que la seule figure féminine qui affirme son non-désir d’enfants soit présentée comme une bimbo sans cœur. Sans cela, on n’aurait pu que s’extasier du progressisme social de cette comédie romantique, quand le genre l’est généralement peu – voire pas du tout.

En outre, les personnages sont indéniablement attachants, et bien interprétés, notamment par quatre acteurs vus dans la production Apatow Mes Meilleures Amies : Kristen Wiig, Maya Rudolph, John Hamm — plus connu sous le nom de Don Draper dans la série Mad Men — et Chris O’ Dowd. Alors que le cinéma hollywoodien s’est longtemps fait le chantre de l’éternelle jeunesse, réservant les love stories à des personnages de trente ans au plus, comme si passé ce chiffre fatidique, les individus avaient dépassé leur date de péremption et ne pouvaient plus prétendre au marivaudage ; il est réjouissant de voir des quadragénaires non seulement présents sur les écrans, mais vivre des errances amoureuses réalistes. Car dans Friends with Kids, les femmes ne se contentent pas d’attendre bêtement que leur prince charmant se pointe sur son cheval blanc ; les couples ne se rencontrent pas par un merveilleux hasard en se cognant l’un dans l’autre au coin d’une rue – lorsque collision il y a, elle est soigneusement préparée et calculée. On s’y rencontre via de maladroites tentatives de drague, via des amis soucieux d’arranger des rendez-vous. L’être aimé possède un passif ; il est parfois divorcé. On y entend dire que même dans les plus belles romances, l’amour peut ne pas jaillir réciproquement. Parfois même, il est bel et bien là, passionné et fort… puis s’éteint, et alors il vaut mieux ne pas s’efforcer d’en retenir les miettes sous peine de se faire du mal. On peut s’y rater bêtement pour de simples histoires de timing. Et on a droit à l’échec.

Tous ces éléments contribuent à faire de Friends with Kids une comédie romantique plaisante et moins niaise qu’à l’accoutumée, en dépit d’un déroulement narratif assez convenu. Un bon divertissement, pourvu d’un fond social assez bien perçu, en somme.

Raphaëlle Chargois

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Champs-Elysées Film Festival 2012 (du 6 au 12 juin 2012)

• Avant-premières américaines

De Jennifer Westfeldt 

Avec Adam Scott (Jason Fryman), Jennifer Westfeldt (Julie Keller), Jon Hamm (Ben), Kristen Wiig (Missy), Maya Rudolph (Leslie), Chris O’Dowd (Alex), Megan Fox (Mary Jane) et Edward Burns (Kurt) 

Durée : 106 min.