Frédéric D’Elia : “L’école des 3M est une formation d’acteur pluridisciplinaire”
Fondateur de l’école des 3M, Frédéric D’Elia nous consacre une interview en immersion dans son école et nous offre ses conseils pour améliorer son art et son travail de comédien.
Qu’est-ce que l’école des 3M ?
C’est une formation d’acteur pluridisciplinaire, à raison de 20 heures de cours par semaine, dans laquelle on découvre et on développe son côté comédien, jusqu’à l’assumer et en avoir confiance. Pour cela il y a beaucoup de cours de jeu mais aussi d’autres disciplines qui sont complémentaires dans le développement du jeu d’acteur, à savoir le chant, la danse urbaine, la danse contemporaine et africaine, mais aussi le yoga, la boxe, le mime… C’est une école sur deux ans, qui comprend cinq tournages par année pour les élèves.
Pouvez-vous nous expliquer la différence entre un enseignement de théâtre et un enseignement de cinéma ?
À vrai dire, je ne vois pas de différence. Pour moi ce sont les mêmes fondamentaux : développer son attention, sa concentration, l’interaction avec le partenaire, le conditionnement des états pour ouvrir les portes émotionnelles. Tout cela constitue pour moi les fondamentaux de l’acteur, quelque soit la discipline spécifique. En revanche, il y a des contraintes techniques propres au théâtre ou au cinéma. Par exemple au théâtre, on doit être entendu jusqu’au dernier rang. Tandis que l’une des contraintes techniques au cinéma est d’être capable de se plonger dans un état émotionnel, dans une immédiateté de jeu pendant 30 secondes, là où au théâtre nous nous retrouvons dans un plan-séquence d’environ 1h30.
En plus d’enseigner le jeu d’acteur, l’école propose un réel accompagnement professionnel pour les comédiens. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Comme je suis aussi comédien, réalisateur et metteur en scène, j’ai une sensibilité accrue et un sens de la responsabilité envers les élèves qui souhaitent devenir comédien et vivre de leur passion. Je prends cette responsabilité très à cœur. L’enseignement se fait volontairement à effectif réduit afin que les élèves puissent passer au maximum sur le plateau, se livrer dans un état d’esprit bienveillant, car les élèves sont tout d’abord admis pour leurs qualités humaines. Il n’y a aucune différence entre moi, le professeur, et les élèves, il n’y a pas de hiérarchie établie. J’ai surtout voulu instaurer un esprit d’équipe, c’est la raison pour laquelle les auditions, qui durent 1h30 par élève, me tiennent beaucoup à cœur. Au-delà de leur qualité artistique, je tiens compte de l’homogénéité d’une équipe de manière à ce qu’elle soit fusionnelle mais avec une pluralité de caractères qui amène une énergie et une dynamique très importante, où l’introverti va pouvoir s’apercevoir que s’exprimer est important de la même manière que l’extraverti va s’apercevoir que quelquefois, c’est aussi bien de se canaliser comme le fait l’introverti. Je considère qu’il est important qu’ils puissent avoir accès à des professionnels dans le cadre de la formation, je les présente à des directeurs de casting de la région.
Les élèves ont donc de la matière et de l’expérience à présenter en sortant de l’école, n’est-ce pas ?
Effectivement. Ce qui importe, c’est le développement de leur confiance et la découverte du comédien qui est en eux. Ce sont mes responsabilités en tant que pédagogue de l’école mais je pense surtout à la suite, leur apprendre à se vendre, à se mettre en avant, savoir ce qu’est un intermittent du spectacle. C’est la raison pour laquelle à l’issue de cette école, vous avez la confiance et la matière pour vous présenter au mieux : une bande démo, une séance photo professionnelle et un CV formaté grâce à l’intervention des directeurs de casting à l’école.
Quelle est la “méthode” des 3M ?
J’ai pu remarquer que la plupart des pédagogues de ma génération, contrairement à la génération précédente, ne sont pas nécessairement les messagers d’une formation à part entière. Nous avons plus été nourris par toutes ces différentes méthodes qui vont de la commedia dell’arte, à la méthode Stanislavski, Meisner… Je trouve que c’est une bonne chose que les pédagogues ne soient pas prisonniers d’une seule méthode. C’est aussi constructif pour un élève d’aborder la commedia dell’arte pour la gestion du corps et de l’énergie, de l’imaginaire, que la méthode Actor Studio basée sur la véracité, l’état émotionnel, la vérité du moment et le lâcher-prise, ainsi que l’abandon avec le partenaire.
Avez-vous un conseil à donner aux jeunes talents qui nous lisent ?
Il ne faut pas oublier que ce métier ce n’est finalement que raconter une histoire dans la peau d’un personnage, et c’est exactement ce qu’on faisait quand on avait entre 8 et 10 ans, par plaisir. C’est donc un véritable privilège de pouvoir vivre de cette activité car elle est basée sur le plaisir. Il ne faut jamais oublier cet aspect et c’est pour cela qu’à l’école des 3M il y a un esprit bienveillant et une quête du plaisir plus qu’une quête du résultat. Plus vous prendrez du plaisir, moins vous vous soucierez du résultat. Il faut savoir faire preuve d’intégrité et savoir développer sa singularité car c’est ce qui fait la différence. Il ne faut pas baser sa profession sur un physique, un regard, une superficialité, il s’agit de s’amuser, de prendre du plaisir en étant soi-même. Je considère que cette philosophie qu’on a tendance à partager avec les élèves correspond aussi à celle de la vie. Il faut assumer ses défauts comme ses qualités, car ce que nous prenons pour des défauts s’avèrent très souvent être des qualités. C’est notre faiblesse, notre fébrilité, qui va humaniser le personnage que nous interprétons. Nous ne sommes pas des patineurs artistiques, nous sommes des comédiens qui avons pour responsabilité d’endosser une personne avec sa complexité, sa dualité, sa vulnérabilité et ses faiblesses.
Plus d’informations sur le site Internet de l’école.
Propos recueilli par Hiba Bennani
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