Football et cinéma : une succession d’échecs
Coupe du monde de football Du 12 au 13 juillet 2014 |
En ce mois de Coupe du monde, difficile de ne pas être envahi, de gré ou de force, par ce football qui anime les foyers, les bars et les rues. L’occasion de se pencher sur une relation football – cinéma qui a rarement donné vie à des oeuvres de qualité. Infilmable, le ballon rond, ou juste mal-aimé par le septième art ?
On ne compte plus les grands films sur la boxe (de Raging bull à Ali) ou le football américain (L’enfer du dimanche d’Oliver Stone étant l’exemple le plus scotchant). Le sport, et cela se confirme à chaque film, est souvent difficile à filmer, et implique de faire preuve de maîtrise, de précision et d’inventivité. Qualité que n’a pas toujours eu Ron Shelton, spécialiste américain du film de sport, puisqu’il a filmé le base-ball (Duo à trois et Cobb), le basket (Les Blancs ne savent pas sauter), le golf (Tin Cup) et la boxe (Les Adversaires). Les films de football, quant à eux, ont rarement donné satisfaction aux passionnés de ballon rond comme aux cinéphiles. Même lorsqu’un cinéaste tel que John Huston s’est intéressé au sujet, c’est pour tourner un À nous la victoire plus que boîteux, coproduction mondiale au casting improbable (Pelé, Michael Caine, Sylvester Stallone) et au scénario approximatif (jouer au foot contre les nazis n’y est qu’une façon de faire diversion pendant que l’on tente de s’échapper d’un camp de prisonniers). Une curiosité, mais pas franchement un grand film sur le foot. Du côté des français, le football a souvent inspiré les réalisateurs de comédie, pour un traitement populiste, voire néo-beauf, de l’univers footballistique. L’abominable Les Collègues, petite pantalonnade made in Marseille avec Joël Cantona et Patrick Bosso, ferait presque passer les piteux Trois zéros (Fabien Onteniente) et Les Seigneurs (Olivier Dahan) pour des sommets d’humour… Tout récemment, la comédie horrifique Goal of the dead, diptyque réalisé par Benjamin Rocher (La Horde) et Thierry Poiraud (Atomik Circus), a fait nettement plus de ravages positifs en termes de narration et de mise en scène, mais sa sortir ultra confidentielle n’aura hélas pas permis de le faire savoir au-delà d’un cercle d’avertis. Fort heureusement, les deux “mi-temps” de Goal of the dead vient de sortir en double DVD, et c’est à rattraper absolument. Outre Goal of the dead, il y a eu d’autres vraies réussites : le Coup de tête de Jean-Jacques Annaud (avec Patrick Dewaere en attaquant du club de Trincamp) a souvent marqué les esprits à raison. Dans un tout autre genre, le documentaire-concept Zidane, un portrait du XXIème siècle, par Philippe Parreno et Douglas Gordon, a eu de quoi subjuguer. Focalisé au sens propre sur Zinedine Zidane, que la caméra suit en temps réel pendant l’intégralité d’un match du Real Madrid, le film mis en musique par Mogwai est un monument d’hypnotisme, une oeuvre âpre et enveloppante qui a cependant grand besoin d’un écran de cinéma pour déployer toute sa puissance. Plus terre à terre, la trilogie Goal ambitionnait de suivre un jeune footballeur de ses premiers dribbles jusqu’à la finale de la Coupe du monde… mais la linéarité de l’intrigue et le maigre succès public ont fini par enterrer cette série de films, dont le troisième volet n’est même pas sorti dans les salles françaises. Et ce malgré la présence au générique d’un grand nombre de stars du football, censées apporter plus de crédibilité aux scènes de ballon rond… En fait, si les films sur les à côtés du monde du football sont parfois passionnants (L’angoisse du gardien de but au moment du penalty, fameux Wim Wenders qui ne tarde pas à s’éloigner du terrain), l’échec régulier des films de foot semble dû à l’incapacité de la plupart des metteurs en scène à donner corps au combat physique, à la bataille tactique. Le foot pose des problèmes de réalisation et de montage, car les moments forts d’un match sont parfois à compter sur les doigts d’une main. Nul doute que quelques grands noms du cinéma américain (ou des réalisateurs venus d’autres horizons mais bénéficiant de budgets suffisants) auraient sans doute de belles choses à dire et à montrer sur le football. On imagine ce que pourraient en faire David Fincher ou Martin Scorsese. Ou au contraire, on ne peut l’imaginer, des noms aussi talentueux étant sans cesse capables de nous surprendre par leur façon hors normes de filmer le réel. Les meilleurs stratèges, ce sont eux, capables de poser un oeil différent sur ce qui se présente à eux. Lucile Bellan À découvrir sur Artistik Rezo :
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