Film socialisme – Jean-Luc Godard
Le film présenté à Cannes dans la section Un certain regard se décompose en trois chapitres : « Des choses comme ça », « Notre Europe » et « Nos humanités » ; il débute sur un paquebot, nous parle de l’Europe à travers un condensé des horreurs de l’histoire, nous bombardant de références pour nous confronter à l’échec de nos civilisations, à cette « pauvre Europe corrompue par la souffrance ». Godard nous parle de l’abandon de l’Afrique, de Staline, Hitler, Napoléon et l’incendie de Moscou, la guerre d’Espagne, le conflit israélo-palestinien, de l’or égyptien.
L’aspect poétique veut clairement émerger et offre parfois de beaux moments visuels à la Godard, comme on les connaît : de longs silences imagés, des symboles à l’instar de deux trapézistes incarnant l’harmonie possible entre deux peuples, des images aux couleurs retravaillés, pixellisées, expressionnistes.
Au moment où le film commence à prendre forme il bascule complètement au second chapitre mettant en scène la famille Martin. La narration ne réussit décidément pas à Godard. Deux gamins insolents et agaçants demandent des explications sur la liberté, l’égalité, la fraternité. On rentre alors dans des clichés un peu lourds à l’image de l’adolescente accrochée à son livre des Illusions perdues de Balzac. Le film prend le ton d’une mauvaise pièce de théâtre de l’absurde : maman fait la vaisselle, on discute politique en se lavant les dents, France 3 régional est là et on case des « Top cool non ? ». Les réflexions pertinentes se retrouvent étouffées par de très mauvais jeux d’acteurs : c’est à se demander si les enfants comprennent ce qu’ils disent, et on s’endormirait dans la monotonie des textes récités, sensés pourtant incarner la jeunesse révolutionnaire et insoumise. Quelques belles idées émergent malgré tout : « Les idées nous séparent, les rêves nous rapprochent », « il faut savoir dire nous pour pouvoir dire je », « avec le verbe être le manque de vérité devient flagrant ».
Enfin arrive la troisième partie : visite de six lieux de légendes : Egypte, Palestine, Odessa, Hellas, Naples et Barcelone. Un vrai plaisir visuel, le spectateur est submergé d’images prenantes, de références à l’art pictural et sonore, de citations. Godard montre les berceaux de notre humanité, mais une fois encore, qu’y voir ? Le message fataliste d’un échec ou l’espoir du renouveau d’un monde ?
C’est sans doute ça le vrai problème du film, le spectacle de désolations prend le dessus sur la révolte et l’envie de changement. L’espoir semble quoi qu’on en dise, bel et bien relégué au second plan.
Amandine Joannès
Film socialisme
Un film de Jean-Luc Godard
Avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger, Agatha Couture
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Sortie le 19 mai 2010
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