Festival de Cannes 2011
Petite revue scintillante et printanière, histoire d’y croire…
L’étonnante douceur d’avril, cette année, annonce-t-elle une montée de sève singulière, du 11 au 22 mai prochains à Cannes ? La météo n’est pas la moindre des préoccupations festivalières, même si le cinéma, a priori, favorise le refuge en salle, la pénombre, voire la vie intérieure… Il pleut et l’on bougonne. Il « canicule » et l’on cancane. Il tempête et l’on frissonne ! Etonnant paradoxe : aux marches du Palais, l’humeur, bien souvent s’accorde à celle du temps. Et, plus largement, à celle du monde alentour. Le cinéma, de fait, captive bien souvent parce qu’il condense et capture la vie, ici, maintenant. Et le Festival de Cannes, rendez-vous majeur du 7ème art — en externe comme en interne — en est l’une des synthèses les plus spectaculaires. L’un des reflets les plus saisissants.
Un exemple récent ? En 2009 et 2010, la noirceur et la gravité des films en compétition, toutes sections et tous pays confondus, dressent un panorama pour le moins désespéré de ce siècle débutant. De fait, Thierry Frémaux, délégué artistique du Festival, reconnait avoir du mal à boucler sa sélection, tant l’économie du cinéma, même à ce très haut niveau, est bousculée. Il est vrai que la crise est mondiale, et que ni Isabelle Huppert, présidente du jury 2009, ni Tim Burton, président du jury 2010, n’ont, de toute façon, l’humeur taquine. Encore moins badine. Les Palmes d’or (pour Michael Haneke et son impressionnant Ruban blanc, ou pour Apichatpong Weerasethakul et son plus confidentiel Oncle Boonmee) distillent alors, au minimum, comme un sentiment d’inconfort. Alentour, si la foule en quête de stars fugitives se presse toujours sur la Croisette, les professionnels, eux, s’inquiètent. Et les quelque 4’000 (!) journalistes accrédités itou. Un vent frileux se lève, pour tout dire : personne n’a envie de (trop) rigoler.
Un, deux, trois… Soleils
La 64ème édition sera-t-elle un tout petit peu plus légère, douce, sinon réconfortante ? Un tout petit… indice autorise un… tout petit espoir : le Marché du Film, là même où vendeurs et acheteurs font leurs emplettes internationales, dessinant la carte du cinéma de demain, ce marché aussi énorme que discret enregistre une hausse de 10% en terme d’inscriptions cette année à Cannes, ce par rapport à 2010. En parallèle des festivités glamour et hautement télévisées – la fameuse montée des marches, chaque soir – le retour de la croissance (?) pourrait ne pas être qu’un fantasme. De là à avoir une météo au beau fixe, dans les salles et à l’extérieur, pendant ces douze jours de projections, de cohue, de fêtes, de vanités, de débats, de paillettes, d’ovations, de rejets, de création et de “deals”… Il ne faudrait pas trop titiller le ciel, non plus !
Quand même, histoire de conjurer le sort et d’inciter les anticyclones à fréquenter la Croisette, à cette période au moins, osons débusquer quelques éclaircies, voire quelques soleils prometteurs, dans la future programmation…
– Midnight in Paris, le nouveau film de Woody Allen, en ouverture de cette édition 2011. Une comédie romantique, avec « notre » Marion Cotillard, Adrien Brody et… en « guest-star », la première dame de France, alias Carla Bruni-Sarkozy. Pour sûr, la première montée des marches sera scintillante et… les commentaires piquants sinon toujours… éblouis.
– Le président du jury, Robert De Niro, un habitué du Festival (il y est venu à 8 reprises, la première pour Taxi driver, en 1976, de Martin Scorsese, qui remporta la Palme d’or !). L’acteur avec un grand “A” est aussi réalisateur, producteur et organisateur de festivals : un sacré palmarès, de toute façon ! Il sera bien entouré : par la belle actrice de Tarantino, Uma Thurman ; l’écrivain Linn Ulmann, fille d’Ingmar Bergman ; le non moins joli acteur britannique Jude Law ; le réalisateur français Olivier Assayas ; le cinéaste hon-kongais Johnnie To, etc.).
– Le retour, très attendu, de l’immense et trop rare réalisateur américain Terrence Malick, avec son long métrage (en compétition, donc postulant pour la Palme), Tree of life. Parmi les comédiens, qui l’accompagnent dans cette aventure : Brad Pitt et Sean Penn. Là encore, ça va… flasher sur le tapis rouge…
– Les retrouvailles avec quelques habitués de Cannes, grands cinéastes qui, parmi les festivaliers, ont leurs défenseurs, leurs exégètes ou leurs farouches opposants (débats et controverses en perspective, sans lesquels le Festival ne serait pas le Festival) : Pedro Almodovar (qui n’a jamais eu la Palme et qui commence à trouver cela irritant…), Nanni Moretti, Lars Von Trier, les frères Dardenne, et, plus cinéphiles mais tout aussi recommandables, le turc Nuri Bilge Ceylan (chaque fois qu’il vient, il repart avec un prix…), la japonaise Naomi Kawase, le finlandais Aki Kaurismaki, etc., etc. De « vieilles » connaissances, en quelque sorte : rien de très neuf, en effet, mais le talent ne se démultiplie pas forcément…
– L’hommage à Jean-Paul Belmondo : une soirée spéciale, le 17 mai, lui est consacrée, en sa présence, histoire de célébrer l’acteur français le plus populaire et le plus aimé de sa génération. Un charisme et une gouaille formidables, une filmographie aussi large qu’unique (Godard, Melville, Resnais, Deray, Oury, Lelouch…) : on pourrait dire… qu’il était temps.
– Et puisque Cannes, ça n’est pas seulement l’actualité du cinéma, mais aussi, un peu, son patrimoine, l’hommage à Stanley Kubrick (en présence de Malcom McDowell, comédien inoubliable de… l’inoubliable Orange mécanique), celui à Jean-Paul Rappeneau (projection de l’éblouissant Le sauvage, en présence de Catherine Deneuve), ou celui encore à Jerry Schatzberg (Palme d’Or pour L’épouvantail, en 1973) et auquel on doit la superbe photo de l’affiche 2011 (avec la non moins superbe Faye Dunaway) draineront, probablement, les foules et les invités endimanchés lors des séances de Cannes Classics.
Sans oublier les surprises probables de la sélection un peu plus défricheuse d’ « Un certain regard »… Ou, pour finir, « le » buzz de cette année, à savoir le film de Xavier Durringer – hors compétition… – intitulé La conquête et… consacré à l’irrésistible ascension d’un certain Nicolas Sarkozy (un film de fiction sur un président en fonction : une première en France !). Autant de raisons d’espérer, a priori, que le mois de mai à Cannes sera… décoiffant, comme un vrai et durable printemps. Allez, on y croit…
Ariane Allard
Trois critiques d’Artistik Rezo — Ariane Allard, Lucile Bellan et Edouard Brane — sont présents à Cannes.
-> Retrouvez les périgrinations de Lucie Bellan et d’Edouard Brane.
A découvrir également sur Artistik Rezo :
– La Sélection officielle
– La Quinzaine des Réalisateurs
– La 50ème Semaine de la Critique
– Des codes et des couleurs
– Bilan du Festival de Cannes
– Le palmarès
[Visuel : Affiche du festival : Faye Dunaway © photo by Jerry Schatzberg – Artwork: H5]
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