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Festival de Cannes 2012 – 21 mai 2012

22 mai 2012
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Festival de Cannes 2012

Il pleut encore sur Cannes, la température baisse encore pour se rapprocher un peu plus de l’hiver. Un temps qui s’accorde avec un moral en berne grandement accentué par la sélection officielle aux thématiques glauques ou à la qualité discutable. Heureusement que cette année, la compétition Un certain regard vient réveiller tout ça. C’est avec ces pensées monomaniaques que je me réveille… tôt. On vit en autarcie pendant le festival, coupés du monde et de l’actualité. Il semble que le mauvais temps ne sévit qu’ici, que personne ailleurs ne comprend l’importance de ce qui se joue entre les salles du festival. Penchés sur nos nombrils et celui du cinéma international, le cerveau en ébullition malgré la frivolité des sujets qui nous importent. Un monde de fiction et d’illusions.

Un peu comme le dernier film (dont on espère bien qu’il ne sera pas le dernier) d’Alain Resnais Vous n’avez encore rien vu, en compétition officielle et que je vais voir à 8h30. Le ton est espiègle et grave, faux testament d’une carrière fleuve, majeure et d’un amour inconditionnel pour sa famille de cinéma, ces acteurs qu’il aime tant. Le texte de Jean Anouilh doublé de la mise en scène virtuose du réalisateur créent un univers hors du temps et des codes, servent une histoire universelle d’amour et de mort.

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J’ai réservé du temps à ma première conférence de presse dans le palais des festivals. Je découvre un monde, des codes qui ne m’avaient jusqu’alors pas encore touchés. Le système des badges et de la hiérarchie des journalistes est roi encore une fois et mon badge bleu me permet pourtant d’entrer dans la minuscule salle (comme toujours l’infrastructure n’est pas toujours adaptée à un festival de cette ampleur). Des sièges avec tablette intégrée, un peu façon université devant une plateforme où les noms des personnalités présentes sont apparaissent déjà sur de petits cartons. Le placement est libre mais il vaut mieux arriver à l’avance pour bénéficier d’une bonne place… comme pour les films, il faut compter une heure d’attente. La conférence est régie par un minutage parfait… les journalistes autres que les photographes et caméramen (tous au fond de la salle, au même niveau que la plateforme) ont 5 minutes pour s’amasser devant la scène et faire quelques photos des personnalités présentes pendant leur installation. Une dame au faux air de gouvernante anglaise (avec chignon et tout) surveille la salle et décide de vie ou de mort sur les questions de la presse. C’est elle dont il faut accrocher le regard pour avoir la chance de poser une question, c’est aussi elle qui fait des signes à son équipe pour taper sur les doigts de certains dont le téléphone sonne ou qui prennent des photos en dehors du créneau.

La conférence dure 45 minutes, la fourchette haute de ce que l’on peut voir à Cannes, mais Alain Resnais est bavard, passionnant, humble malgré sa culture du cinéma (il dit que ses capacités ne lui permettent pas d’être professeur à la Sorbonne… même si il aurait aimé cette casquette) et de la vie.

S’en suit la projection des court-métrages de la sélection Talents de l’Adami. Chaque année, 6 court métrages de réalisateurs confirmés sur une thématique commune et dont le but est de mettre en avant les comédiens, talents d’aujourd’hui et de demain (et que j’ai prévu d’interviewer le lendemain). Je quitte la salle avec enthousiasme, convaincue par la majorité des films présentés, charmées par la liberté de ton, d’écriture et de mise en scène accordée aux réalisateurs.

Encore un film et ma journée est finie… J’ai l’impression de n’avoir rien fait si je n’ai pas assisté à au moins 3 projections par jour, minimum, au point d’en oublier les rencontres et les expériences uniques que je vis ici. Cette année, plus que les précédents, mon bilan se fera autant sur un palmarès personnel que sur des visages, des discussions enflammées, d’heureuses rencontres.

Je ne sais pas ce qui m’a poussé à tenter Despuès de Lucia, le nouveau film du réalisateur mexicain Michel Franco (qui avait commis Daniel y Ana il y a quelques années)… sûrement un hasard du planning et un petit désir optimistico-masochiste d’aller voir ce qui va sûrement être le pire film du festival.

Je ne suis pas déçue à ce niveau. D’un putasserie sans nom, complaisant dans la torture physique et psychologique qu’il inflige à ses personnages, Despuès de Lucia est aussi le seul film où une belle jeune comédienne vient présenter son film avec une mini-robe très seyante et des talons aiguilles à paillettes et que je n’ose ensuite pas regarder dans les yeux tellement je me sens triste pour elle. Tout nous est infligé comme à elle, de la violence physique à la scatologie-urologie, du viol aux pires humiliations publiques… C’est le première et sûrement la seule fois que je me demande si je ne dois pas quitter la salle (certains ne se sont pas gênés) et qui provoque en moi une telle colère. Michel Franco est un petit malin sadique de la pire espèce c’est enfin confirmé.

Il est déjà l’heure de courir à l’appartement se préparer pour un dîner. Une invitation, qui, ici ne se refuse pas. L’Adami m’a en effet convié à son dîner de gala, tables rondes sous des tentes en plein milieu de la croisette. Cette soirée riche en rencontres me rappelle que c’est dans ce genre d’évènements que l’on croise des personnalités « de l’ombre » au moins aussi intéressantes (si ce n’est plus) que les stars qui foulent le tapis rouge.

Cendrillon n’a pas quitté le bal. Alors que je tente désespérément de me préserver pour les journées suivantes, la magie du lieu, du moment et des personnes que j’ai croisées m’ont fait oublier mes bonnes résolutions. Il est plus de 2 heures du matin quand je rejoins l’appartement. La projection matinale semble sévèrement compromise.

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Lucile Bellan

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