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Festival de Cannes 2011 – Bilan

20 mai 2011
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Terrence Malick

Pas question de se faire voler la vedette ! Seul festival à mêler avec autant d’aisance bling-bling et création, et premier au monde en termes de fréquentation, de marché et d’aura, Cannes n’aime rien tant qu’occuper le devant de la scène médiatique. Formidablement. Passionnément. Et même, parfois, abusivement…

Les vieux routiers, festivaliers addictifs en dépit de toutes les fatigues, le savent bien, égrenant leurs  rituels, douze jours durant, comme autant de mantras dédiés au dieu « Spectacle ». Sur l’écran noir de leurs nuits blanches, tous, ici, se font leur cinéma. C’est ainsi, assurent-ils, qu’un bon Festival doit se distinguer d’abord par sa foultitude de stars ; ensuite, éventuellement, par sa météo aléatoire ; enfin, incidemment, par sa sélection oscillant entre coups de cœur et coups de gueule. Histoire de faire parler. Si, en outre, une polémique redonne quelques couleurs au fameux tapis rouge, alors, assurément, la Croisette est à la fête !

Feuilleton franco-new-yorkais

Pourtant, cette édition 2011, 64e du nom, a bien failli être éclipsée par un feuilleton d’autant plus aveuglant qu’il était, lui, sans précédent. Certes, comme prévu, badauds et cinéphiles ont oscillé entre gros soleil et petite ondée intermittente, guettant people (Faye Dunaway, Catherine Deneuve, Jean-Paul Belmondo, Jean Dujardin, Brad Pitt, Jodie Foster, Antonio Banderas, etc.), passe-droits, fêtes, projections, limousines, invitations improbables et nuées de starlettes… jusqu’au coup de tonnerre DSK. Car alors, les écrans cannois — les grands comme les petits — ont subitement semblé sidérés par cette affaire d’état en forme de thriller franco-new-yorkais télévisé. En direct « live », qui plus est. Du jamais vu, en effet.

A l’intérieur du palais, où se croisent chaque jour des milliers de journalistes venus du monde entier, mais encore d’acheteurs du Marché du film, c’est peu dire que les chaînes d’info en continu, diffusant leurs images stupéfiantes d’outre Atlantique, ont éclipsé les retransmissions, en boucle pourtant elles-aussi, des conférences de presse quotidiennes des oeuvres en compétition. Jusqu’à l’apparition du cinéaste danois Lars Von Trier ! Tada… Ses provocations stupides sinon nauséabondes, ses excuses, puis son excommunication par le Festival (une première), ont finalement permis à Cannes la prima donna de reprendre (un peu) la main, ou plutôt les regards. A nouveau les gros titres des médias, à nouveau le buzz. Et tant pis si, quand même cette année, la réalité a donné une sérieuse leçon à la fiction !

Pronostics

Pourtant, il y avait, et il y a encore à quelques heures du palmarès, moult raisons pour que ce Festival essentiellement spectaculaire attise, malgré tout, les feux d’une rampe changeante. De fait, puisque c’est à la fois sa raison d’être et son moteur, la qualité globale des films sélectionnés a de quoi à peu près rasséréner leurs futurs spectateurs (en attendant leur projection en salle). La voilà peut-être, la vraie bonne nouvelle : Cannes 2011 était bien plus homogène que Cannes 2010, aussi bien dans les compétitions officielles qu’au dehors. Singulièrement à la Semaine de la Critique, d’ailleurs, nantie, elle et carrément, d’une excellente cuvée. Dominée par le formidable Take shelter, second long métrage américain du très doué Jeff Nichols, cette sélection parallèle a généreusement révélé deux tempéraments français prometteurs. A savoir Valérie Donzelli (La Guerre est déclarée) et les sœurs Coulin (17 filles).

Certes, au sein… du « saint des saints », aucun des grands cinéastes venus présenter leur dernier opus – et, peut-être, glaner une Palme, donc – n’a fait l’unanimité auprès des « professionnels de la profession ». Hormis les multiprimés frères Dardenne avec leur impeccable (mais sans surprise) Le Gamin au vélo. Ou ce doux rebelle alternatif qu’est Aki Kaurismaki (Le Havre est un port cinéphile très attachant, en effet). Mais, finalement, c’est tant mieux ! Aussi bien pour la légende cannoise que pour la diversité artistique (et l’exercice de la pensée critique) !

Ainsi Terrence Malick, Américain mystérieux, voire “culte”, ovationné ou hué, c’est selon, pour ce long métrage épique et cosmique, extraordinaire au sens littéral du terme, qu’est The Tree of Life. Ainsi, à un moindre degré, ce dépressif furieux de Lars Von Trier (au-delà de ses déclarations, Melancholia, son film, divise la critique). Ainsi, l’habituel chouchou qu’est Pedro Almodóvar (La Piel que habito, son thriller fantastique, a déçu pas mal de ses fans, il faut bien le dire). Pour ne citer que les plus connus et attendus (trop, peut-être).

Pour autant, comme chaque année là encore, les inévitables pronostics ont fleuri. Alimentant les conversations et les gazettes, bien sûr. Puisque c’est cela, au fond – rester dans l’actualité – qui importe. Au moins provisoirement. Dans la presse anglo-saxonne (via le magazine Screen, une référence), ce sont donc Le Havre, puis Le gamin au vélo, puis ex-æquo The Tree of Life et The Artist (long métrage très élégant du français Michel Hazanavicius) qui semblent se détacher pour la Palme (rappelons que le président du jury est l’ami américain Robert De Niro…).

Et dans la presse française, via cette sorte de bible qu’est Le Film français (chaque jour, pendant la durée du festival, une poignée de critiques délivre ses étoiles pour chaque film en compétition), The Tree of Life arrive en tête (en tout cas vendredi), suivi par The Artist, puis par Polisse, l’œuvre vive et vibrante (quoique un peu bancale) de Maïwenn, puis par Melancholia. Pour mémoire, la compétition se termine le samedi 21 mai et le verdict est rendu ce dimanche 22.

Evidemment, pour parfaire sa réputation, une fois pour toutes, le Festival de Cannes pourrait, comme l’an passé avec l’improbable Oncle Boonmee, dénicher un outsider. Alain Cavalier et son Pater, par exemple ? Vu l’ambiance médiatico-déchaînée du moment (ce ne sont pas Xavier Durringer et sa petite Conquête ou Pierre Schoeller et son très intéressant Exercice de l’Etat, dans la sélection Un certain regard, qui s’en plaindront), un film qui interroge à la fois le pouvoir politique et sa représentation, serait tout à fait raccord. Sauf que cet Ovni, à des années lumière de l’actuelle « série télé » franco-américaine, est peut-être… un tout petit peu trop modeste. Lui.

Ariane Allard

Trois critiques d’Artistik Rezo — Ariane Allard, Lucile Bellan et Edouard Brane — étaient présents à Cannes.
-> Retrouvez les périgrinations de Lucie Bellan et d’Edouard Brane.

A découvrir également sur Artistik Rezo :
les pronostics d’Edouard Brane
les films du Festival de Cannes à Paris

le palmarès du Festival de Cannes 2011

[Visuel : Terrence Malick]

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