Fausta, la teta asustada
Alors que l’écran est encore noir, le film commence par un chant de femme, un chant comme surgi de nulle part. Ce chant c’est celui de la mère mourante de Fausta, un chant de cygne, dernier cri triste et beau qui rend compte du drame de cette jeune péruvienne et de sa mère, violée alors qu’elle était enceinte de cette enfant.
Ce chant revient tout au long du film, mais transformé, comme un écho qui perd de sa substance mais sans s’en vider. C’est un chant qui évolue et se transforme, à l’image de Fausta qui doit affronter la mort de sa mère, réussir à en faire le deuil, et faire le choix de la vie.
Par ce retour incessant de cette voix qui chante, le film prend des allures de contine populaire, du genre de celles qu’on devait chanter autrefois lors des veillés dans les villages, pour transmettre un certain savoir aux enfants.
Fausta, c’est donc une histoire, celle de la malédiction de cette jeune fille qui, du ventre de sa mère, a vu l’offense qui a été faite à celle-ci, qui a senti sa douleur et qui s’est appropriée sa peur. C’est par le lait que cette malédiction s’est portée sur Fausta, « le lait de la douleur », « la teta asustada ». L’oncle de Fausta raconte que les enfants qui ont bu de ce lait n’ont pas d’âme, car leur âme effrayée a quitté le monde pour se réfugier sous terre. Et en effet, le film nous montre une Fausta apeurée et éteinte, merveilleusement incarnée par une Magaly Solier au jeu intense et juste. Ses yeux, soulignés par une frange brune et épaisse, sont impénétrables. Malgré les inserts qui les mettent en valeur, ses yeux, d’un noir si profond que l’on ne peut distinguer les pupilles, ne laissent rien voir de l’âme de Fausta, qui s’est réfugiée, vraisemblablement, dans quelque endroit inaccessible.
Le son grave de la guitare emplit le décor désertique et sableux où évoluent les personnages et l’image est, de manière générale, d’une beauté épurée, poétique. Mais le film n’est pas pour autant dépourvu de gaieté : l’histoire est rythmée d’une demi douzaine de mariages, plus kitch les uns que les autres, mais qui montrent que l’on peut trouver de la joie et du bonheur n’importe où, et que le drame de Fausta, finalement, n’est qu’intérieur. C’est que, pour se protéger des agressions extérieures, Fausta cache en son sexe un tubercule, une pomme de terre glissée là pour répugner ceux qui sont répugnants. Mais une pomme terre germe, elle ne produit pas de fleur, elle ne s’épanouit pas, comme Fausta qui est anéantie par sa peur, qui est noyée dans le lait maternel. Seule l’eau salée de la mer, qui ensevelira le corps de la mère, sera à même de venir à bout de la malédiction. De manière symbolique, une fleur sera substituée à la pomme de terre, signe d’une deuxième naissance de Fausta, sa naissance à la vie.
Fausta, la Teta asustada, c’est donc un film d’une grande beauté dont la tristesse, atténuée par la douceur du chant et de la musique, finit par se dissiper et laisse à l’esprit une impression rêveuse et comme apaisée.
Chloé Goudenhooft
Fausta, La Teta Asustada a été récompensé en 2009 de l’Ours d’Or de la 59e édition de la Berlinale.
Réalisé par Claudia Llosa
Ours d’Or à Berlin (52)
Avec Magaly Solier, Susi Sánchez, Efraín Solís
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Film espagnol, péruvien. Genre : Drame
Durée : 1h 33min. Année de production : 2009
Titre original : La Teta Asustada
Distribué par Jour2fête
Fausta la teta astustada
Un film de Claudia Llosa
Espagne – Pérou
2009 – 1h33
DVD Région 2
Audio : Espagnol Dolby Digital 2.0
Vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 1.85, Format DVD-9, Film en Couleurs
Sous Titres : Français
Bonus : Commentaire de la réalisatrice Musique originale de Selma Mutal (12′) Making of (4’30”) Scènes coupées Court-métrage (2′)
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