Estelle Lemeunier : “La force des histoires en documentaire, c’est que c’est vrai”
Estelle Lemeunier, jeune réalisatrice, a participé au concours de court métrage mené par Arte en juin dernier. Retour sur sa réalisation et son parcours.
Bonjour Estelle, peux-tu nous en parler de Besoin de personnes, le court métrage que tu as réalisé dans le cadre du concours d’Arte ?
Il s’agit d’un concours lancé en décembre 2020 en faveur des réalisatrices, dont le cadre est le court métrage documentaire de maximum 12 minutes. À l’issue du concours, 10 films sont sélectionnés par Arte, puis 5 films achetés et diffusés sur la chaîne au cours d’une soirée. Le premier prix est le financement d’un moyen métrage de 52 minutes par la chaîne. La thématique du concours était “Besoin de Personne” au singulier, que j’ai choisi de détourner avec le titre Besoin de personnes pour en faire un film sur la force collective.
Tu peux nous expliquer pourquoi tu as choisi de détourner ce thème ?
Il m’est apparu au départ que le sujet de l’indépendance du fait que l’on n’avait besoin de personne dans nos vies était loin de mes valeurs : j’ai voulu donc faire un film sur la solidarité. J’ai suivi une association qui s’appelle “De la rue à la scène”. Le but de l’association est d’aider des gens dans le besoin en leur apportant nourriture, vêtements et réconfort. Il m’est apparu que les bénévoles avaient besoin de soutien tout autant que les bénéficiaires.
Dans ton film on découvre le fondateur de cette association, Yves Pontonnier ; pour lui c’est un besoin que d’aider les autres. L’idée d’aider son prochain apparaît comme un bienfait, c’est quelque chose d’important pour toi ?
Oui tout à fait. Je crois que c’est plus facile de dire “je n’ai besoin de personne autour de moi” que de reconnaître que l’on a besoin d’aide. C’est ce qui m’a intéressée dans le film, et c’est le sentiment que j’ai voulu transmettre au travers de celui-ci. Comme le dit Hend Zouari dans le film : “On est des humains, si on ne s’aide pas entre nous je ne vois pas pourquoi on existe.”
Comment t’est venue l’idée de faire ce court métrage ?
Pour le concours, c’est ma mère qui m’a envoyé le lien. Après avoir passé quelques temps à réfléchir sur mon sujet, je suis tombée par hasard sur un article parlant de l’association De la rue à la scène. Cette association m’est apparue comme une évidence, je devais raconter leur histoire. J’ai vite eu l’impression, après avoir découvert le sujet du concours, que le détournement était plus fort que le sujet de base. Sans vouloir parler d’affranchissement des limites données, je me retrouvais plus dans les valeurs d’entraide que dans celles que le concours prévoyait.
Il s’agit donc d’un court métrage documentaire, ce n’est pas forcément le format qui plaît le plus. Tu en avais déjà vu avant, toi ?
Dans le cadre de mes études, oui, à l’EICAR et dans mes recherches afin de comprendre comment les faire. C’est tout de même mon premier travail documentaire ; jusque-là, je n’ai fait que de la fiction et c’était une étape nouvelle pour moi. Il s’avère aussi que l’époque est compliquée pour tourner de la fiction. J’ai passé les derniers mois à écrire et ai voulu retourner derrière une caméra. C’était quasi un besoin de tenter des choses, de découvrir le monde du documentaire.
Comment as-tu travaillé ce documentaire ?
J’ai commencé par envoyer un mail à l’association pour leur parler du projet dès que j’ai découvert leur existence. On a échangé puis on a pu se rencontrer à la fin du mois de décembre 2021. Je suis repassée plusieurs fois par semaine aux locaux de l’association afin de la comprendre, l’assimiler et faire que ses membres aussi me découvrent et aient confiance en moi. En soi, cela s’est apparenté à une répétition, pour découvrir tous les participants du film. Je crois que le mot central ici, c’est la confiance. J’ai aussi fait un travail de repérage comme dans un film de fiction avec ma chef-op afin de découvrir l’endroit, les plans nécessaires afin de raconter leurs histoires. J’ai aussi participé à des maraudes avec l’association afin de montrer aux bénéficiaires qui j’étais.
Est-ce que tu crois que ce travail que tu as fait avant ce documentaire a eu un impact sur ta manière de faire ?
Bien sûr ! J’ai souvent cette impression qu’il existe des documentaires très cérémonieux et ça m’énerve. J’ai voulu montrer quelque chose de dynamique. Le travail que j’ai fait avant en fiction m’a aidée en ce sens, dans la manière de raconter des histoires, de saisir des personnes, leur caractère. J’aime écrire des personnages forts et là c’était génial d’en rencontrer, de pouvoir les découvrir, avec leurs idées, leurs forces… C’est un travail important que nous avons fait avec mon monteur, de rendre le tout dynamique pour que le spectateur ne s’ennuie pas. Il ne faut pas oublier que c’est un travail d’équipe. En fiction on est souvent limité par une idée de réalisme, de se dire “non le spectateur ne va pas y croire” ; la force des histoires en documentaire, c’est que c’est vrai.
Tu as l’air d’avoir apprécié cette expérience, est ce qu’elle peut t’aider pour la suite ?
J’espère ! J’ai déjà quelques idées…
Un dernier mot ?
Je voudrais remercier mon équipe ainsi que toutes les personnes de l’association.
Propos recueillis par Jacques-Emmanuel Mercier
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