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Enora Hope : “J’aime transposer mes peurs en trames de films”

Célia Buhlmann 21 mars 2022
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© Enora Hope

L’univers éclectique d’Enora Hope jongle entre ses cours à la fac, TikTok et son job étudiant. Créatrice de contenus du genre SF sachant utiliser les moyens du bord comme personne, elle rassemble pas moins de 390 000 abonnés sur les réseaux ! 

Peux-tu te présenter ? 

Hello à tous les lecteurs d’Artistik Rezo !

Je suis étudiante en Langues Etrangères à l’Université d’Aix-Marseille la journée, baby-sitter le soir et créatrice de contenus la nuit ! Si j’en suis arrivée à cet emploi du temps chargé, c’est d’abord en découvrant une caméra lorsque j’étais petite et boom, alchimie ! J’ai commencé à écrire des histoires, des poèmes, et rêvé de faire des films jusqu’au jour où une de mes enseignantes en primaire m’a découragée de poursuivre dans cette voie parce qu’il fallait être “américain” pour faire des bons films de science-fiction. Alors, par peur de devoir renoncer, j’ai commencé à apprendre l’anglais qui était cela-dit déjà plutôt répandu dans ma famille jusqu’à l’étudier à la fac ! J’ai aussi tenté une Licence en audiovisuel, mais en vain, puis filmé quelques trucs dans mon petit appartement étudiant ou encore faire des concours d’écriture. Pendant le confinement, j’ai découvert l’application TikTok qui faisait énormément parler d’elle. Et comme beaucoup, je suis devenue accro ! Et puis, un jour, j’ai commencé à poster mes mini-films pour épargner un peu de stockage sur mon téléphone. Étant donné que ce genre de contenu n’était absolument pas présent ni populaire sur l’application, je ne me serais jamais doutée que ça marcherait. Mais quelques mois plus tard, les gens ont commencé à accrocher à mes petites histoires…

Aujourd’hui, j’essaye d’alterner entre ma vie étudiante, sociale, d’employée et de créatrice de contenu. Mais toutes les personnes autour de moi sont d’un soutien incroyable !

Tu as remporté deux prix d’écriture : Charlie Hebdo et Space X. Peux-tu nous raconter l’histoire de ces expériences ? 

Rien que de voir ces deux grands noms et le mien à côté, c’est fou ! Le premier date de 2016, lorsque j’étais en Seconde. J’écrivais énormément à cette époque, presque toutes les heures. Je n’étais pas bien dans ma peau, dans un lycée international très élitiste où j’avais du mal à supporter la compétition et la pression, d’autant plus en internat. Alors je passais mes nuits à écrire ce que je ressentais. Une nuit, j’ai vu un lien vers un concours d’écriture qui proposait de publier un texte sur le thème : “Et si on remplaçait le bac par…?” du journal satirique Charlie Hebdo, tristement célèbre à l’époque. Parfait pour moi qui ruminait sur ma place dans l’éducation. Alors j’ai pas vraiment réfléchi et j’ai laissé mon inspiration me guider. Quelques mois plus tard, je reçois un mail m’indiquant que j’ai été sélectionnée ! Alors je m’intéresse un peu plus au concours et je m’aperçois de l’envergure de ce dernier. Je n’en revenais pas. Même si je ne gagnais pas, c’était pour moi déjà une victoire : la première fois que mes écrits étaient remarqués. Puis, de fil en aiguille et avec beaucoup de soutien de mes amis et de la communauté qui me lisait sur Internet à l’époque, j’ai eu la chance de remporter le concours avec deux autres jeunes filles, Aurélie et Alice. On a pu publier nos textes dans le journal, rencontrer l’équipe sur Paris, être interviewées et recevoir une bourse de 1000 € que j’ai précieusement gardé “pour faire mon premier film”, comme je disais.

Pour Space X, c’est un concours en collaboration avec CLSA et le site de rencontre AdopteUnMec. Les règles étaient simples : écrire une lettre d’amour qui pourra être sélectionné et envoyée dans l’espace (l’ISS) avec la fusée Falcon 9 de Space X. Fan d’écriture et d’espace, mon regard s’est arrêté sur l’Abribus où l’affiche annonçant ce concours était collée et je me suis dis : “C’est pour moi !”. J’écris ma lettre, je la poste et j’attends. Jusqu’à en oublier ma participation. Quelques mois plus tard : un appel des organisateurs m’annonçant que ma lettre a été sélectionnée, qui plus est pour un envoi manuscrit. Mon niveau en maths est pathétique (vraiment !) donc je savais que je n’irais jamais dans l’espace et que je ne pouvais qu’en rêver. Mais grâce à cette opportunité, une partie de moi se balade dans l’univers et ça c’est incroyable !

Les lettres reviendront sur Terre en juin. Et je peux vous confier un secret ? La vérité stratégique derrière tout ça, c’est que j’offrirais cette lettre d’amour à la personne qui partagera ma vie, comme ça elle sera obligée de m’offrir un bon paquet de bouquets de fleurs avant d’arriver au niveau d’une lettre spatiale, haha ! (Je plaisante évidemment !)

La plateforme TikTok a longtemps eu une mauvaise réputation suite au nombre de vidéos inadaptées pour un certain public, le souci de l’harcèlement et des violences verbales entre autres. Malgré cela, tu es une créatrice de contenus très active sur l’application, depuis combien de temps ? Quasiment 390K, félicitations !

Merci, c’est vraiment énorme ! Je pense toujours aux 390K en me disant que s’ils se trouvaient avec moi dans mon 9m2, on serait vraiment à l’étroit, haha ! La plateforme a eu quelques débuts controversés, en effet. J’ai commencé à réellement publier à l’été 2021. C’est vrai que TikTok est réputé pour des contenus “superficiels” et parfois toxiques, le culte du corps parfait ou le harcèlement. Mais cette plateforme regorge aussi de créateurs authentiques, créatifs et innovateurs. Et je trouve que depuis quelques mois, ce type de contenu est de plus en plus mis en avant par l’application. J’ai des amis TikTokeurs plus que talentueux. Dans mes commentaires, je reçois souvent le compliment : “Tu n’as pas ta place sur la plateforme, c’est beaucoup trop bien.” Et au-delà du fait que ce genre de retours est extrêmement positif et me donne davantage envie de créer et faire plaisir à ma communauté, je pense que c’est faux : chaque plateforme a ses atouts et ses inconvénients, il faut juste changer la façon dont on l’utilise. Je n’ai personnellement jamais subi de harcèlement ou de négativité sur mon contenu et j’en suis très heureuse. Ma communauté est vraiment bienveillante.

© Enora Hope

La science-fiction semble avoir une part importante dans ta vie. Comment trouves-tu l’inspiration au quotidien, notamment pour la rédaction des scénarios de tes courts-métrages ?

En ayant grandi avec une passion pour les dinosaures et l’espace, je suis vite tombée dans l’univers de la science-fiction. En plus, j’adore faire passer des messages à travers mes écrits ou mes vidéos, et je trouve que la SF est le moyen parfait pour faire réfléchir sur notre monde sans que ça ressemble trop à un spot de prévention. L’inspiration me vient,  je pense, de tous les films et livres que j’ai pu voir ou lire dans ma vie, mais surtout de mes rêves : j’imagine par exemple, comment serait la vie dans l’espace, en fonction de notre société et de ses changements. La plupart du temps, j’écris le soir. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être que mon inspiration est plus grande lorsque la nuit est tombée ? J’aime aussi transposer mes peurs en trames de films, je me dis qu’avec un peu de chance, ça fera peur aux spectateurs aussi et que la société évoluera de sorte à ne pas tourner en scénario catastrophe. Quoique… depuis quelques années, la réalité rattrape la science fiction !

En fait c’est ça ! Pour l’inspiration quotidienne, je lis les infos, haha !

© Enora Hope

Tes vidéos montrent une maîtrise technique du montage, mais aussi littéraire avec le texte. Quel aspect de la production/réalisation est pour toi, le plus difficile ? 

J’aime absolument toutes les étapes de la création d’une vidéo. Mais la partie la plus difficile et la plus longue reste le tournage. Je suis étudiante et je n’ai presque pas de revenus mensuels, alors je fais avec les moyens du bord et ça peut prendre des heures : mon appart est minuscule, ma caméra est capricieuse (mais c’est une grand-mère, elle a 7 ans !) et je n’ai pas de matériel à part une “ring-light”. Quand je prétends être dans l’espace, j’utilise un plaid noir que j’accroche avec mes placards à conserves, c’est pour dire ! Et je peux passer une heure à essayer désespérément de faire tenir le plaid au scotch ou de faire fonctionner ma caméra (et je fais d’ailleurs le focus à l’aide de mon balai, technique fonctionnelle à 15% !). Pour le montage, je monte sur mon téléphone à la bibliothèque universitaire, parfois même en cours (j’espère que mes professeurs ne liront pas ça !).

Mais je crois, après plusieurs discussions avec des abonnés, que c’est ça qui leur plait dans ce que je fais : c’est que peu importe qui on est ou notre budget, on peut faire n’importe quoi avec un peu de débrouille et beaucoup, BEAUCOUP de patience. Je cite souvent Orelsan qui, dans sa chanson Notes pour plus tard : “Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui film. Dire “J’ai pas d’matos” ou “pas d’contacts”, c’est un truc de victime.”

Pour ce qui est des backstages, tes vidéos ont une certaine esthétique. Par le maquillage, l’habillement, mais aussi les décors en fond. Combien de temps généralement te faut-il pour tout mettre en place ?

Comme affirmé plus haut (oups, en avance sur la question !), tout dépend de la volonté de mon matériel : parfois, tout le décor qui se résume à mon plaid et ma caméra posée sur un tas de meubles ou sur un trépied capricieux, tient du premier coup, parfois cela prend des heures. Je poste souvent en bonus les backstages de la mise en place et ça fait beaucoup rire. Pour le maquillage, je garde souvent celui de ma journée et pour ce qui est du SFX, ça prend environ une demi-heure à une heure (quand j’ai essayé de mettre mes lentilles, catastrophe, j’en ai eu pour deux bonnes heures !).

Alors, je dirais qu’en tout, entre le maquillage, le changement de tenue, la mise en place du fond, je mets environ une heure et demie.

© Enora Hope

Peux-tu nous parler d’un, voire de plusieurs projets dont tu es fière ?

Je crois que ça tombe à pique ! Hier, j’ai appris que TikTok lançait un concours de courts-métrages où le gagnant pourra remporter des places pour le Festival de Cannes. Ma communauté a été très rapide pour m’en informer et je compte bien y participer. Les prochaines semaines vont être consacrées à ce projet, alors je ne peux qu’espérer le remporter ! En dehors de ça, j’essaye de contacter des producteurs pour ma mini-série 2073 qui a beaucoup plu sur les réseaux. J’aime beaucoup la trame et j’espère un jour être fière de la voir sur grand écran.

Mais j’avoue que de savoir ma lettre dans l’espace est clairement ma plus grande fierté de cette année. C’est vraiment un rêve unique qui s’est réalisé.

Que peut-on te souhaiter pour la suite ? 

J’espère sincèrement pouvoir vivre de ma passion et parvenir, dans le court terme, à avoir mon année universitaire ! Je tente Sciences Po en Master et j’espère pouvoir réussir à allier tout ce qu’il se passe dans ma vie en ce moment. Mais la chose la plus dingue serait de me rendre au Festival de Cannes avec le concours TikTok et qui sait, de voir un de mes films au cinéma ? En continuant d’avoir le soutien inestimable de mes proches.

En tout cas, moi, je vous souhaite une très grande réussite car il y a peu de médias aujourd’hui qui s’intéressent à cette plateforme dans une approche bienveillante et je vous en remercie. Et je remercie Célia de s’être intéressée à mon travail et de me donner l’opportunité de partager mon univers avec les lecteurs !

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Propos recueillis par Célia Buhlmann

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