Emmanuel Papillon, directeur du Louxor : “Être un cinéma d’art et d’essai“
Rencontre avec Emmanuel Papillon, directeur du Louxor et ancien distributeur. Il nous livre une part de son expérience, ses appréhensions et sa vision de l’évolution du 7e art et plus particulièrement du cinéma d’art et d’essai.
Comment êtes-vous arrivez au poste de directeur du Louxor ?
Tout d’abord, je suis arrivé là par la cinéphilie, j’ai travaillé un temps dans la distribution, puis j’ai été directeur d’un cinéma à Tremblay-en-France pendant vingt ans. J’ai ensuite été directeur d’un département à la Fémis : distribution et exploitation, enfin j’ai postulé pour la reprise du Louxor et j’ai été retenu avec mon équipe (Carole Scotta et Martin Bidou) par la Ville de Paris. Le Louxor est une DSP (délégation de service publique) et les murs appartiennent à la Ville de Paris, il faut donc déposer une candidature afin d’en avoir la responsabilité.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire du Louxor ?
Le cinéma est sorti de terre en 1921, sous les hospices de l’Égypte. On n’a pas de raison particulière sauf celle de la tendance à l’Égyptomanie qui coïncide avec l’époque. Le Louxor est le dernier cinéma qui puise cette influence égyptienne en France. Le projet était à l’origine privé, il a ensuite été très vite racheté par Pathé qui le détenait jusqu’en 1983. Le cinéma est ensuite passé entre les mains de la famille Ouaki (propriétaire des magasins Tati) et est resté fermé durant trente ans. Le bâtiment devenait vétuste et sous la pression d’associations de quartier, la ville a enfin pris possession du cinéma qui a pu rouvrir en 2013.
Dans quelle démarche cinématographique s’inscrit le Louxor ?
Le Louxor est donc une DSP et est soumis à un cahier des charges qui concerne tout ce qui est technique et entretien du bâtiment, mais également culturel. La volonté de la ville est que ce cinéma soit un cinéma d’art et essai d’exclusivité. On sort donc les films en sortie nationale, l’organisation est dynamique et le cinéma est considéré comme un cinéma d’art et essai car nous ne sortons quasiment que des films d’art et essai au Louxor. Notre particularité est que nous n’avons pas de concurrents directs, nous avons donc une liberté totale de programmation ce qui est tout de même une véritable chance. Nous tentons de réaliser un vrai travail sur le cinéma grand public au travers de démarches comme l’organisation d’un ciné-club. Nous travaillons énormément en direction du jeune public et particulièrement vers les scolaires en programmant des activités avec les écoles.
Comment choisissez-vous votre programmation ?
Ce que l’on souhaite, c’est d’être un cinéma d’art et essai de quartier, offrir à un public proche, des films porteurs d’art et essai. La programmation actuelle est assez typique, nous avons à l’affiche : The Father, Drunk et ADN. Ce sont des films que les gens attendent et ça fonctionne. Le retour du public est très positif, les spectateurs me disent régulièrement qu’avant ils allaient une fois au cinéma et depuis que le Louxor est ouvert ils y vont une fois par semaine.
Avez-vous un impératif de temps vis-à-vis des distributeurs ?
Nous avons effectivement un impératif de temps. Si, je prends l’exemple de The Father, UGC qui est donc le distributeur nous impose de l’exploiter quatre semaines. Il est vrai qu’au bout de deux semaines, l’engouement ne va pas être le même qu’aux premières projections. La période est particulière, celle du post-covid, énormément de films sortent et en ajoutant à cela le couvre-feu, le nombre de séances est réduit.
Pensez-vous qu’avec le confinement, les spectateurs ont redécouvert le cinéma ?
Ce serait difficile à dire, nous venons tout juste de sortir du confinement. La VOD a effectivement pris de l’importance. Je reste confiant envers l’attractivité des salles de cinéma, à la fois comme un phénomène culturel mais également comme un phénomène social. Les gens ont énormément besoin de se retrouver que ce soit au restaurant, en concert mais également au cinéma. Aller au cinéma ce n’est pas juste voir un film, c’est une expérience collective que les portails de VOD ne permettent pas. Ce qui peut arriver, c’est que sur un jeune public, des habitudes peuvent être créées. Aller au cinéma pourra être une activité moins importantes. Pour être définitif, il faudrait attendre un petit peu.
Avez-vous eu des attentes vis-à-vis des réouvertures ?
En termes de public, oui, et la première semaine a très bien marché. On a senti, compte tenu des 35% d’occupation de salles et de la réduction des séances, un véritable engouement de la part du public. Les choses étant assez fraîches, il faut attendre un petit peu avant d’être plus catégorique.
Avez-vous senti une pression de la part des distributeurs avec cette réouverture ?
Il y a énormément de films, la position des distributeurs n’est pas simple. Pour les petits et moyens distributeurs, la possibilité de trouver des écrans est très faible. Le problème n’est pas résolu et n’est pas en bonne voie pour se résoudre, certains films passeront directement en VOD car ils ne pourront pas trouver d’écrans pour être projeté. On ne peut pas écluser quatre cents films en quelques semaines. Pour l’instant les choses sont assez raisonnables mais nous sommes tout de même sur des semaines avec une trentaine voire une quarantaine de sorties, c’est énorme, le spectre est large. De plus, certains cinéastes ont deux projets en simultané ce qui est complètement dingue. La production ne s’étant pas tellement arrêtée pendant ce confinement, de nouveaux projets voient le jour. L’offre étant très importante, il va falloir choisir.
Propos recueillis par Julian Debiais
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