Derrière la Colline – drame d’Emin Alper
Au cœur de l’Anatolie, cette splendide région aride de la Turquie qui a donné son appellation au berger du même nom, l’un des plus beaux chiens du monde, un fermier solitaire vit avec son métayer et sa femme. Son deuxième fils arrive avec sa famille. Le patriarche va rapidement laisser sa placidité pour un comportement étrange fait de paranoïa et de peur qu’il distille au reste du clan, persuadé que derrière la colline rôde une menace insidieuse et silencieuse.
Si le terme de mise en scène, si souvent galvaudé, surévalué pouvait retrouver une once de légitimité dans une critique, ce pourrait bien être pour évoquer le travail d’Emin Alper, tant le cinéaste a poussé son processus filmique dans des degrés de sophistication rarement atteints. On pourrait remonter à « Drive » pour trouver un tel travail, toute comparaison gardée par rapport aux moyens employés, bien sûr. Avec une minimalisation des moyens, le cinéaste, doublement primé au festival de Berlin 2012, va orienter son propos non point dans une révolution de l’art cinématographique mais dans une utilisation du pré-existant, le faisant sien et au service de son histoire.
C’est ainsi que Derrière la colline se fond dans tous les genres, du western au suspens, du drame à la quasi comédie, le vent de l’absurde soufflant aussi sur ces paysages arides de l’Anatolie. Le climat de paranoïa inonde le propos, rendu par un montage qui ne cesse de jouer avec les nerfs du spectateur autant que ceux des protagonistes, entre plans généraux inquiétants car au champ totalement vide (ou supposés) et séquences au plus prés des personnages. Le cinéaste s’offre par ailleurs quelques plans d’une étourdissante beauté et d’une audace inouïe sans qu’ils ne soient jamais esthétiquement superfétatoires, pour terminer sur un final simplement magistral. Qu’importe ensuite si la composante plus ethnologique peut nous échapper (le film peut être perçu comme une allégorie de la Turquie d’aujourd’hui), le résultat renversant de ce premier long métrage pouvant se regarder dans sa simple composante esthétique.
Franck Bortelle
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Derrière la Colline
D’Emin Alper
Avec Tamer Levent, Reha Özcan et Mehmet Özgür
Durée : 94 min.
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