Claire Dijkman : “S’entourer de personnes passionnées par l’ouvrage”
Rencontre avec Claire Dijkman à propos de l’adaptation de La Quête d’Ewilan de Pierre Bottero, par le studio d’animation Andarta Pictures. Elle nous raconte les complexités de l’adaptation d’œuvres littéraires.
Pouvez-vous nous présenter le studio et en quoi consiste votre profession ?
Andarta Pictures est un tout jeune studio d’animation 2D, né en 2017 et créé par Sophie Saget. Productrice depuis des années pour différents studios parisiens puis valentinois, elle souhaitait créer son propre studio d’animation pour monter des projets ambitieux et novateurs. Son poste peut s’apparenter à de l’assistanat de réalisation.
Amies depuis longtemps, je l’ai accompagnée dans cette aventure dès le début. J’ai alors développé plusieurs casquettes au sein d’Andarta Pictures. Responsable du studio, je m’occupe de toute l’organisation et des aspects éditoriaux (lecture des projets et retours aux auteurs). Pour le projet de La Quête d’Ewilan, je suis également garante de l’œuvre. Ce rôle est donc encore plus intéressant et important, puisque je prépare le travail des designers en récupérant toutes les descriptions et la chronologie pour que les dessinateurs puissent les avoir facilement à portée de main.
Comment avez-vous découvert les livres de Pierre Bottero ?
Grâce à ma fille. Elle qui est très sportive, s’est cassée le bras et était frustrée d’être immobilisée le temps du plâtre. Un ami m’a alors gentiment prêté la bibliothèque de ses fils qui comportaient une quinzaine de livres, dont La Quête d’Ewilan. Je les ai lus avant de les passer à ma fille, d’à peine 10 ans, et je les ai adorés. L’impact sur ma fille à fini de me convaincre. Je les ai alors offerts à Sophie en les présentant comme un projet qui pourrait être sympa à adapter. Elle a eu un gros coup de cœur pour l’œuvre. Elle montait le studio en parallèle de ce projet.
Les différentes séries de l’auteur se relient toutes entre elles. Comment cela va-t-il jouer un rôle dans l’adaptation ?
Nous avons à cœur de prendre en compte l’ensemble de l’univers créé par Pierre Bottero. Nous réfléchissons à introduire certains détails très tôt dans la série, comme des clins d’œil aux fans. Une facette importante de notre travail : garder en tête les différents opus pour préserver la cohérence de l’univers. Ce travail demande de bien connaître l’intégralité des livres, afin de pouvoir renforcer certains éléments, ou caractères, et de les amener au bon moment, pour que ça serve l’histoire. En résumé, nous nous efforçons de créer des liens. Pour l’instant, nous travaillons sur la première trilogie. Nous espérons que la série plaira et que nous pourrons aller plus loin.
Comment se passe le processus du découpage du livre pour correspondre au format de la série ?
Le passage d’un médium à l’autre représente un travail conséquent sur la structure du récit. Ce qui passe bien dans un roman n’est pas forcément adapté pour l’audiovisuel. Cela demande un découpage précis avec des actions, une montée en tension et puis une trajectoire des personnages dans chaque épisode. Le travail d’adaptation consiste à modifier ou changer des aspects de l’histoire pour qu’elle puisse convenir à ce nouveau support. C’est là que mon rôle intervient, car les auteurs n’ont pas forcément toujours lu la totalité de l’œuvre de Pierre Bottero. Je vais faire très attention que ces modifications n’entraînent pas la suppression d’un aspect de l’ensemble de l’univers.
Quelle est votre partie sur laquelle vous préférez travailler dans l’adaptation ?
Dans la phase de développement, les meilleurs moments sont quand nous commençons à parler en détail avec les scénaristes des personnages. Quand nous adaptons un roman, notre priorité est de rester fidèle aux personnages. En effet, si nous pouvons modifier des aspects de l’intrigue pour correspondre au format de l’animation, on ne peut pas se tromper sur les personnages. Avec les scénaristes, nous travaillons sur leurs comportements, leurs motivations, leur sensibilité, et comment le traduire au mieux dans le script. C’est assez long et fatiguant, parfois, mais ça nous tient à cœur de travailler tous ensemble sur ces points essentiels.
Peut-on dire qu’une adaptation en dessin animé offre plus de libertés artistiques qu’en prises de vues réelles ?
La liberté dans la création repose avant tout sur le budget. Toutefois, on peut se permettre certaines libertés dans les décors, avec des structures, par exemple, qui ne tiendraient pas dans la vraie vie et qu’un architecte ne validerait pas du tout. D’ailleurs, si quelqu’un essayait d’adapter La Quête d’Ewilan en films live, il y mettrait un sacré budget, rien que pour la ville d’Al-Jeit.
Pour adapter n’importe quel roman d’heroic fantasy, il faut un budget énorme et une préparation antérieure de plusieurs années, parfois, comme pour Le Seigneur des Anneaux où la construction du village des Hobbits avait d’ailleurs commencé deux ans avant le début du tournage. L’adaptation en animation contourne ces contraintes.
Dans la série finale, retrouverons-nous le même design qu’on a pu apercevoir dans le trailer ?
Les designs du teaser nous plaisent et nous aimerions continuer à développer le design des personnages dans cette direction, les pousser encore un peu plus loin. Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’une modification jusqu’à la dernière minute ! Le diffuseur peut demander des modifications.
Selon vous, quel est le plus important dans l’adaptation d’un roman ?
S’entourer de personnes passionnées par l’ouvrage. Fin connaisseurs des romans, ils ont déjà une certaine sensibilité par rapport à cet univers très riche et dense. Cela peut simplifier une partie du travail de développement. Si le designer est un fan, il aura déjà les clés en main pour l’interpréter. Il l’aura d’ailleurs déjà probablement imaginé lors de sa lecture. C’est le cas de notre concept artist, Gabriel Sepulchre, mais aussi de notre compositeur, Adrien Sepulchre. Il nous a contacté en nous proposant un thème musical, à travers lequel on pouvait ressentir la passion qu’il avait pour les livres. Nous avons utilisé ce thème dans le trailer.
Quelle est la prochaine étape de la production ?
Le 16 mars 2021, car nous allons lancer une campagne de financement participatif sur Kickstarter. Elle va nous permettre d’ajouter de l’argent dans le budget et donc d’aller plus loin dans le développement. C’est aussi l’occasion d’impliquer la communauté de fans dans la création de la série. Ils nous suivent depuis le début. Leur soutien est inestimable !
Propos recueillis par Julie Hallot
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