Belle Epine
La réalisatrice signe ici son premier long-métrage. Avec bonheur. Parce que le sujet, ni singulier, ni original, est abordé avec une étonnante maîtrise pour une première incursion dans le long métrage. La caméra est en constante intimité avec l’actrice. Elle accompagne ses gestes d’adolescentes, ses hésitations – visage fermé, regards perdus. Rebecca Zlotowski entraîne doucement le spectateur dans le « no man’s land » de Prudence.
Prudence est en errance, dans ces premiers jours qui suivent la mort d’un être aimé, où le deuil est encore illusoire ; cette errance intérieure est filmée avec subtilité et délicatesse. Avec un ton juste aussi. Pas de crises de larmes, ni de souffrance emphatique. La jeune fille se laisse dériver, portée par un sentiment inconnu : l’abandon. Elle s’échoue dans un monde jusque-là ignoré et soudain tellement attirant, celui des motards : univers viril, passionné, sauvage, étourdissant.
S’étourdir : c’est ce que cherche Prudence – et ce qu’elle trouve, sur le circuit de Rungis où les motards tournent sans fin dans l’ivresse de la vitesse. Le circuit moto, rarement filmé de nuit, apporte une ambiance qui nous plonge dans un enfer de sons et de clairs-obscurs. Ils donnent au film ses plus belles images. Léa Seydoux interprète une petite musique intérieure, sincère, sensible, à la fois muette et bruyante, bouleversante.
En toile de fond, un décor sobrement esquissé, la fin des années 70. Rébecca Zlotowski conjugue le temps à l’imparfait, peint son film en gris, couleur mélancolie. Pour Prudence, il y a un « avant » ; il y aura un « après ». Plus tard.
Sylvie Ramir
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=GkdsykBPL0s[/embedyt]
- 2 nominations : Prix du jury MK2, pour le meilleur 1er film et Prix de la meilleure jeune actrice (Anaïs Demoustier)
- Prix du jury MK2
Belle épine
De Rebecca Zlotowski
Scénario : Rebecca Zlotowski & Gaëlle Mace
Avec la collaboration de Christophe Mura & Marcia Romano
Avec Léa Seydoux, Anaïs Demoustier, Agathe Schlencker et Johan Libereau
Sortie le 10 novembre 2010
Articles liés
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...