Charles Gachet-Dieuzeide : “Tout se passe dans le développement, le tournage n’est que la face émergée de l’iceberg”
Dans le cadre d’une semaine thématique intitulée “Comment la culture change le monde” animée par Lucy Decronumbourg chargée de production de la compagnie La Poursuite du Bleu, les étudiants de 5e année de l’ICART ont accueilli plusieurs professionnels engagés dans le secteur culture. Ils ont notamment reçu Charles Gachet-Dieuzeide, cofondateur et directeur général de Secoya.
Bonjour Charles, pouvez-vous nous parler de votre parcours et de la création de Secoya ?
J’évolue dans le secteur audiovisuel depuis quinze ans, d’abord dans la production de courts-métrages puis j’ai travaillé dix ans en tant que régisseur sur des tournages de films, c’était une très belle expérience, mais pas suffisamment verte. En 2018, je voulais faire changer les choses, parce que j’ai réalisé qu’il manquait une cohérence entre mon métier et mon engagement personnel. Après avoir essayé de produire le film Le Redoutable de Michel Hazanavicius de manière éco-responsable, tentative qui n’a pas été concluante, j’ai compris que les changements dans le secteur allaient être compliqués à mettre en place et qu’il fallait donc un véritable accompagnement. J’ai alors créé avec mon associé Mathieu Delahousse, Secoya une agence de conseil spécialisée dans l’application de stratégies RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) dans le monde de l’audiovisuel. On s’est structuré autour des enjeux RSE et pas uniquement autour de l’éco-responsabilité, parce qu’à notre sens l’écologie sans social, c’est du jardinage.
Comment fonctionne Secoya et quel type d’accompagnement proposez-vous ?
Tout d’abord, nous avons un label qui repose sur dix thématiques RSE qui vont de l’énergie à l’impact sociétal, avec des critères non-négociables qui doivent tous être respectés. Plus concrètement, notre activité se partage en trois axes principaux. La base, c’est la sensibilisation avec des conférences et des formations pour présenter ses nouvelles méthodes de production.
Ensuite, nous proposons du conseil stratégique sous forme de consulting pour établir une stratégie RSE, avec de l’accompagnement pour la mettre en place. Pour cela, on a tout d’abord les éco-managers, des personnes de nos équipes qui vont sur le terrain accompagner les productions. On propose aussi deux outils, Seco2 et Secoset.
Seco2 est un simulateur carbone, qui permet d’estimer l’impact carbone d’une production audiovisuelle. Il permet de cibler les grands postes de dépenses et de mieux comprendre son impact.
Secoset est un outil de pilotage RSE où l’on retrouve tous nos savoir-faire et notre cahier des charges, pour accompagner les productions dans la mise en place de leurs stratégies RSE.
Enfin, on propose aussi de la formation. On forme des personnes au sein des productions à devenir éco-référentes, nous leur apprenons notamment à utiliser ces deux outils. L’éco référent est chargé de la stratégie RSE d’une production.
Un exemple concret de votre accompagnement auprès des productions ?
Il faut prendre conscience que tout se passe dans la pré-production. La question est de
savoir comment accompagner les grosses productions à se mettre au niveau des plus
petites et à travailler en amont de la production. Sur chaque projet que l’on accompagne, un éco-manager est présent pour suivre, conseiller les équipes au quotidien, c’était le cas avec Baron Noir. Il s’occupe de la gestion de différentes tâches très concrètes notamment la gestion des déchets, la gestion des mobilités douces. Secoya essaie de faire beaucoup de sensibilisation et coordination auprès des équipes pour expliquer la démarche et les objectifs.
Cela dépend beaucoup de la taille de la production, c’est simple d’agir sur les petites, sur des tournages avec 1 500 figurants tous ne connaissent pas les consignes de tri. Les questions logistiques et organisationnelles sont des problématiques énormes sur les gros projets. C’est pour cela que L’enjeu d’aujourd’hui est d’accompagner les grosses productions à intégrer ces stratégies RSE, de la création même du projet à sa diffusion, car tout se passe dans le développement, le tournage n’est que la face émergée de l’iceberg.
Avez-vous vu une évolution des mentalités dans le milieu et comment vous y prenez-vous pour que vos interventions soient bien reçues ?
Il est clair que les mentalités ont évolué rapidement ces dernières années et que le dialogue est plus simple aujourd’hui. Cependant, malgré les efforts pour instaurer des pratiques RSE sur les tournages, il reste encore beaucoup à faire. Certains interlocuteurs souhaitent mettre en place une stratégie RSE sans tenir compte de la parité, ce qui n’est pas acceptable pour nous, Secoya ne travaille pas seulement pour la responsabilité écologique.
Il est important que notre travail ne vienne pas exclusivement de l’extérieur. Le but est
d’inculquer les changements aux “donneurs d’ordres” tels que les directeurs de production
ou les chefs de poste qui ont plus d’influence que nous sur les plateaux. C’est pourquoi le fait que l’éco-référent vienne de l’intérieur est important pour nous, la transformation doit vraiment se faire au sein des productions puisque notre objectif à long terme est que ces méthodes deviennent des réflexes et que les productions soient complètement autonomes.
Pour en apprendre davantage, vous pouvez vous rendre sur le site Internet de Secoya.
Propos recueillis par Guillaume Houël, Emma Augereau et Laurine Grimonprez
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