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Ce cher mois d’Août

24 juin 2009
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L’origine

Précisons les conditions de production pour que l’on y voit un peu plus clair. Miguel Gomez, réalisateur, est embauché par un producteur pour tourner un film. Le producteur n’a pas d’argent et demande à Miguel Gomez de patienter le temps de rassembler un petit pécule pas bien gros. « En général, dans la vie et surtout dans le cinéma, le temps fait disparaître l’argent plutôt que d’en apporter. J’ai alors pensé que le film devait changer et je l’ai pris en main (…) nous sommes partis au mois d’août 2006 pour filmer des choses que je connaissais » dit-il.

 

C’est la première partie du film, à visée documentaire, où les amateurs, les idiots de l’équipe du film parcourent l’arrière-pays portugais à la recherche d’acteurs, de l’insolite, de drôlerie, de musique, de plans, de cinéma. C’est d’une richesse inouïe. Premier plan du film : des poules dans un poulailler filmées en très gros plan, de l’autre côté du grillage, l’œil du renard à l’affût. Le renard ouvre la porte et canarde. Miguel Gomez est déjà en chasse d’images, en recherche et nous prévient.

 

Il continue en filmant ce qu’il ne devrait pas : une scène de bal, quasiment la même que celle de Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli, mais en portugais. Sauf que les fusibles pètent les plombs et dans un noir presque total, ça discute ampérage.

 

Ou est-ce qu’on est ?

Il faudrait s’étendre. Il y a aussi le casting sauvage, des documents exceptionnels sur les actants de la région. Par exemple, ce camion de pompier qui dévale les chemins d’oliviers sous soleil plombant filmé de face, en travelling arrière, caméra épaulé par de la valse musette. C’est ça le pays, le vrai et si le cinéma se confond à la réalité, il faut qu’on le voie : le cadre déborde, les micros, l’équipe technique sont filmés plein champ comme si la caméra ne filmait que l’envers. De retour à Lisbonne, Miguel Gomez retouche le scénario et poursuit le tournage l’année d’après au même endroit. Guère plus de sous mais une histoire écrite d’après les repérages, l’histoire qui aurait pour titre « Ce cher mois d’août » et que l’on va nous montrer.

 

Parsemé ici et là de restes documentaires, la question que l’on peut se poser est d’une remarquable simplicité : Où est-on ? Sur le plateau ou en dehors ? Dans un document sur ces pailloux ? A voir les vacances de l’équipe technique ? Est ce que ce sont des acteurs ou pas ? On voit ici l’intérêt second de cette mise en condition préalable. « Ce cher moi d’août » condense le film, les repérages du film et son making-of sur la même séance. C’est un Lost in la mancha en plus ambitieux, qui vaut le détour par la difficulté à définir clairement le registre de l’image. Ce jeu, le réalisateur l’alimente par la non-différentiation esthétique entre les images tournées en off et les images du film. Tout est en 16 mm à la différence d’un Etreintes Brisées.

 

Question de production

On ne peut pas évoquer « Ce cher mois d’août » sans discuter de la production du film, plus généralement au cinéma. On ne peut ainsi cacher que la question sous-jacente à ce subtil mix entre fiction et documentaire, qu’elle soit consciente ou inconsciente, est le doute qu’entretient le réalisateur à l’égard des producteurs. Le film que veulent les producteurs c’est « Ce cher mois d’août » mielleux à la moralité bien-pensanteoù les acteurs surjouent. Il y a une scène de domino, l’équipe technique installe des dominos comme à Domino Day pour ce qui serait le premier plan du film. Le producteur entre, fait tomber les dominos avec la porte et efface comme ça, trois peut-être quatre heures de dur labeur. Il refuse par sa négligence les fantaisies du réalisateur, et ce sans discussion. Notre chance, et Miguel Gomez nous rappelle aussi qu’on est dans un film, c’est que le plan est filmé et montré. On le voit, c’est très beau. S’ensuit une explication verbale entre le producteur et le réalisateur. Le producteur ne comprend pas ce que le réalisateur fabrique car les images qu’il tourne ne sont pas celles du scénario qu’il doit suivre. En somme, la figure du producteur rejette la première partie du film et soutient la seconde. Au contraire, le spectateur de cinéma jubile devant la première, distingue en travers d’une porte les bénéfices que les repérages apportent au faux film bien qu’il s’ennuie lamentablement devant les résultats du supposé vrai film « Ce cher mois d’août ».

 

A partir de là, Miguel Gomez stigmatise les producteurs et leurs considérations pour le cinéma. Olivier Assayas disait, sans doute à juste titre que la plupart des chefs d’œuvres du cinéma (L’Aventura, Psychose, Intolérance,…) ne trouveraient plus producteur aujourd’hui. Les chiffres lui donnent raison. Ce cher mois d’août, film aussi complexe qu’ambitieux déplace peu de monde : 2 641 entrées sur 5 salles en première semaine d’exploitation sur la région parisienne contre 114 132 pour Tellement Proches, film drôle pour qui rira, pompeux c’est un point de vue mais dont on ne peut de toute évidence pas nier l’absolu manque d’ambition cinématographique. La réjouissante venue de “Ce cher mois d’août” est donc à saluer et son réalisateur, un homme à suivre.

Florent Boucheron.

 

Film de Miguel Gomez, sortie le 17 juin 2009

 

 

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