Catherine Deneuve – Actrice libre
Elle est épatante de premier degré, rapide, concrète, curieuse, rieuse : Catherine Deneuve décoiffe, sur grand écran et en interview. Rencontre avec une femme (et une actrice) libre…
Eloge du mouvement… Nul hasard si Catherine Deneuve s’est accomplie avec une telle constance dans le cinéma. Tout en elle – sa parole, son débit, mais aussi le rythme de sa vie, un jour à Paris, un autre au Japon – témoigne de cette intensité, de cette rapidité, de ces changements à vue. Ainsi, au naturel, dans l’exercice pourtant formaté (au moins en minutes) d’une interview, elle sait être tour à tour impeccable et rieuse. Vive, incisive, puis émouvante. Ou concrète, voire quotidienne, quand on l’attend légendaire. L’idée étant, on le devine sans qu’elle s’y attarde pour autant, de ne jamais (trop) perdre son temps… Vite et bien. Sans doute parce qu’estampillée « star » depuis ses quasi-débuts (ceux avec Jacques Demy) – ce qui aurait pu la figer – elle a eu le talent, toujours, de rester imprévisible, curieuse, libre. Sa filmographie – l’une des plus riches et fines du cinéma français – témoigne de cet appétit inaltéré. Sa conversation aussi. On n’est donc pas surpris de la redécouvrir, formidable de premier degré, dans le rôle d’une « potiche » en voie d’émancipation (le film éponyme, jubilatoire, de François Ozon sort en salle le 10 novembre). A des années lumière de son propre parcours. Pas plus que l’on est étonné de la voir se démener, en interview et au débotté, avec une fenêtre et un rideau récalcitrants, histoire de laisser entrer un peu d’air dans la pénombre sophistiquée d’un grand hôtel parisien ! C’est dit : entre deux très fines cigarettes, Catherine Deneuve enchaîne sans s’essouffler. Comme galvanisée. On comprend mieux pourquoi la comédie et ses dialogues en forme de ping-pong lui vont si bien. Prenons-la aux mots… sans chichis. Ozon « On s’est connus sur le tournage de 8 femmes, bien sûr, mais je n’ai pas pu avoir de rapport direct avec lui, nous étions nombreuses, il avait moins de temps à accorder à chacune, forcément (elle sourit). Mais j’avais beaucoup aimé le film. Donc quand il m’a recontactée pour Potiche, en fait quand il m’a parlé de la pièce, et de son projet de l’adapter, tout de suite j’ai eu confiance. Je sais comment il peut transgresser les choses, leur donner une vision aiguë, moderne. Il sait bien casser les choses mine de rien, il a l’art du décalage. Et puis il y avait le plaisir de retravailler avec lui ! » Tournage « Je craignais un peu le rythme du tournage, j’étais quasiment de toutes les scènes cette fois ! Et en effet, le rythme a été incroyable, mais ça collait parfaitement avec le film ! François est rapide, intense, léger et en même temps très pointilleux. Il a cette vitalité nécessaire pour une comédie, il veut toujours tourner… Je me suis sentie très proche du film, du projet, de lui. Le fait de tourner en extérieur, en Belgique, a beaucoup aidé aussi. On se voit davantage, ça créé un esprit de troupe. Ce tournage était très joyeux, vraiment… » Depardieu « Je l’aime et l’admire énormément. C’est vrai que l’on a un passé de cinéma ensemble que l’on ne peut pas éviter, et qui installe une évidence entre nous (Potiche est leur 7e long métrage commun). Et puis c’est un partenaire très généreux. Il est drôle et… impatient ! Il veut toujours accélérer les choses, on a eu de la chance que François ait cette même rapidité ! Dans la vie, Gérard fait de plus en plus de choses en dehors du cinéma… C’est même un peu… éclaté… (elle sourit). Il s’occupe énormément de son restaurant par exemple… » (elle rit) Musique (Dans Potiche, le personnage de Catherine Deneuve chante “C’est beau la vie“, une chanson que Jean Ferrat avait écrite pour Isabelle Aubret). « J’écoute toujours beaucoup de musique… En ce moment, j’aime Plan B et Anthony and The Johnsons. Et puis j’aime bien voyager, aussi, avec les chansons de Julien Clerc. Un projet de disque ? Oui, mais ça n’est pas évident ! Ces dernières années, je me souviens d’une chanson, Adorée, très belle, que j’avais enregistrée avec Etienne Daho pour le film de Gaël Morel, Après lui… (elle devient songeuse). Et puis, à un moment, nous avions un projet avec Benjamin Biolay, mais j’étais trop occupée ailleurs. Je le ferai peut-être un jour…, qui sait ? » Têtu (Pour la promo de Potiche, elle a fait la Une du magazine Têtu avec un beau jeune homme très… déshabillé). « Il fallait qu’on sente le décalage, qu’il y ait ce truc de clin d’œil qui passe dans la photo. Il ne fallait surtout pas que ce soit cheap… (elle m’interroge, inquiète : “ça va, ça passe ?” Oui, oui, pas de souci…). C’est pour ça que j’ai voulu que François soit là pendant la séance photo. Il a un très bon œil, il est assez ironique et il est très attentif. Sur le tournage, d’ailleurs, c’est lui qui est à la caméra et qui fait le cadre. Donc je savais que pour cette photo, il le dirait si ça n’allait pas… » Demy « Jacques Demy m’a éveillée au cinéma. Je l’ai dit souvent, mais c’est vrai, absolument ! Ses films ont gardé une fraîcheur étonnante, non, vous ne trouvez pas ? » L’attaché de presse lui fait un signe, elle se lève, docile et souveraine à la fois, félicite, au passage, une journaliste pour son tatouage “zen” au poignet, rallume son portable, jette un oeil par la fenêtre qu’elle est parvenue à ouvrir… et s’en va, souriante et déjà ailleurs. Dans le mouvement, éperdument. Propos recueillis par Ariane Allard |
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