Cannes 2015 : jour 2 (géant endormi et fête des sens)
68e Festival de Cannes Du 13 au 24 mai 2015 |
Le vendredi 15 mai 2015
Première journée complète au 68e Festival de Cannes. Pour notre envoyée spéciale, c’est un début de festival un peu particulier, aussi cinéphile que gastronomique… Rendez-vous de bon matin au Miramar pour la projection de Sleeping giant, premier film canadien (et qui concourt donc pour la Caméra d’or) présenté en compétition à la Semaine de la critique. La salle est comble et arrivent pour la présentation du film les acteurs, trois adolescents dégingandés, casquette vissée sur la tête pour deux d’entre eux, étiquettes encore collées sous les chaussures neuves. Le réalisateur est jeune, il parle avec passion de son film qu’il nous reste encore à découvrir pour cette première mondiale. Sleeping giant a pour décor les îles près de l’Ontario, des espaces naturels habités et inhabités verdoyants, aussi beaux qu’inquiétants. La nature qui envahit tout et la dureté des falaises, voici ce qui peuple l’été d’Adam, Riley et Nate. Ils ont 15 ans. L’un est un insulaire, l’autre est son cousin et le dernier est un vacancier dont les parents viennent d’acquérir une maison de charme sur le bord de l’eau. Leur amitié se construit sur le test permanent de leur virilité, blagues potaches, bravades et luttes permanentes. Ces gosses ne sont pas sans rappeler les adolescents paumés de Larry Clark. Et la nature, comme un personnage cruel, est bien celle du Mud de Jeff Nichols. Ces trois-là demandent juste à grandir et leur besoin viscéral d’exister les entraînera trop loin. Le drame est tapi dans l’ombre. Finalement, c’est moins par son final attendu que le film se démarque mais par l’extrême sensibilité de son portrait d’ados et d’adultes. L’interprétation de chacun y est d’une justesse à donner des frissons. Après cette belle découverte, qui rappelle la pertinence d’une sélection comme celle de la Semaine de la critique, il est temps de se restaurer sur la magnifique plage Nespresso. Douceurs sous le soleil et face à la mer, l’espace est un lieu de calme, de volupté et de pur plaisir mis à la disposition des festivaliers (et où l’on croise avec délice les équipes des films présentés à la Semaine de la critique, stars confirmées ou jeunes artistes). On me propose une visite guidée du Palais des Festivals. Une invitation que je ne refuse pas malgré 7 ans de pratique (je visite, en effet, toujours les mêmes espaces et le lieu est un labyrinthe). Terrasse cachée avec vue imprenable sur le tapis rouge, infrastructure, Q.G. des partenaires et marché du film n’ont plus de secrets pour moi. Le Palais, qui fait travailler tant de locaux pendant les périodes comme le festival, est une véritable petite ville dans la ville. Et puis il est temps de rencontrer Yves Camdeborde, chef officiant dans le cadre de l’opération “Les chefs font leur cinéma” sur la plage Nespresso. Le chef a choisi comme inspiration pour son dîner de 5 plats le film Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat. Un choix qu’il explique par une éducation religieuse poussée et par une véritable découverte et réflexion autour du film au moment de sa sortie, en 1987. De ses amuse-bouches, baptisés en toute simplicité “le corps et le sang du Christ”, à la religieuse au grand cru Arpeggio, l’expérience culinaire est totale et la réinterprétation du souvenir du film de Pialat est pertinente. Du classicisme et de l’audace, de la rigueur et de l’impertinence. Un menu iconoclaste que 60 (chanceux) convives vont découvrir pour trois soirs seulement dans un espace exceptionnellement et spécialement décoré pour l’occasion. Une soirée aussi délicieuse ne pouvait que se finir sur un set du D.J. du Silencio. Le taxi me ramène à 2h du matin. Ce n’est pas tellement raisonnable : dès le lendemain, les projections s’enchaînent. Il ne faudrait pas oublier que Cannes, c’est avant tout du cinéma… et donc des projections à 8h30 (et puis 11h, 14h, 19h et 22h). Lucile Bellan [Image 2015 © Lucile Bellan] |
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