Cannes en direct – Ouverture
Ouverture… Etienne Daho l’a chanté si joliment (dans son album “Corps et armes”, en 2000) ce moment d’attente fébrile, comme suspendu, qui précède “la” rencontre, l’évidence, la fusion. Tant espérée, maintes fois manquée. Et puis, un jour, un soir, le temps qui s’accélère, la noirceur qui s’éclaire, la lourdeur qui s’allège, le monde qui soudain se déchiffre et s’apaise : l’ouverture, enfin.
Passion cinéphile oblige, jamais rassasiée, Cannes et son Festival du film ont l’incroyable toupet de répéter, chaque année, cette magie ineffable, cet instant unique où toutes les promesses, tous les désirs, tous les avenirs sont encore possibles. C’était hier mardi, et c’est encore aujourd’hui, oui, puisque c’est ce 12 mai 2010, à 19h, que Kristin Scott Thomas, radieuse maîtresse de cérémonie, donnera à cette 63e édition le droit de s’emballer, de s’envoler, voire de convoler, qui sait ?
A venir, 19 longs métrages (pour la compétition), des sélections parallèles fureteuses sinon audacieuses (la Quinzaine des réalisateurs, par exemple, où l’on attend, notamment… Mick Jagger, si, si !), des projections (gratuites) sur la plage si le vent et la pluie se mêlent d’être sages, des “Leçons de cinéma” (avec Marco Bellocchio), des jurés glamour (pour la Palme d’or, le ténébreux président Tim Burton ou le “hotissime” Benicio Del Toro, ou, pour la Caméra d’or, le non moins latin Gael Garcia Bernal), des rumeurs, des humeurs, des convictions (une pétition signée en faveur de Roman Polanski par l’ensemble des cinéastes en sélection cette année) : en somme, des moments de grâce et de disgrâce.
Jusqu’à, peut-être, cette fameuse ouverture – acmé de ce que chacun espère être une montée – histoire de narguer la crise endémique alentour, celle-là même qui inciterait au repli… Le cinéma, qui ne fait jamais que poser une multitude de regards sur le monde, qui les mélangent, les confrontent, les partagent, est bien capable d’une telle espièglerie. Ce mardi, de fait – nul hasard – la Croisette grouillait des derniers préparatifs qui précèdent, évidemment, un tel événement. Et qu’importe les volcans islandais, au loin, ou les mini-“tsunami” voisins : tout le monde était là. Puisque c’est là, à Cannes, que tout se joue et se jouera, pendant ces douze jours d’illusions et de paillettes, sans doute, mais d’ouverture à toutes les cultures, assurément !
J-1
Un tapis rouge que l’on dispose en “direct live”, sous le regard insatiable des badauds. Une affiche – Juliette Binoche, tout en noir, traçant le chiffre 63 munie d’un faisceau de lumière – qui ponctue chaque échoppe, chaque vitrine, chaque coin de rue. Presque aveuglante, à force. Un ami-confrère-partenaire que l’on croise, au détour d’un slalom de valises à roulettes sur le trottoir encombré, et qui vous parle, nonchalamment, de son rendez-vous avec Michael Douglas, prochainement, au palais Stéphanie… Des limousines qui embouteillent, des caméras qui filment et/ou surveillent, des photographes, comme scotchés à leur escabeau, qui veillent : voilà pour l’ambiance à J-1, entre anxiété, frénésie et déconnexion enjouée. Foule dans les allées, en bord de plage, puisque le soleil se décide enfin à rincer la mer de son dernier coup de vent. Foule aux abords du palais des Festivals, puisque c’est là que les 25 000 professionnels (acteurs, réalisateurs, producteurs, vendeurs, acheteurs) et les 4000 journalistes viennent se faire dûment badger et accréditer. C’est dire si l’ouverture, géographique et numérique, est de mise !
Érotique, en revanche, c’est moins sûr… N’en déplaise aux fans transies qui vont guetter éperdument, derrière leurs barrières de sécurité, un regard magnanime, voire complice de la star Russell Crowe, la première mondiale du Robin des Bois de Ridley Scott – en guise d’ouverture officielle du Festival mercredi soir – ne leur… ouvrira pas, pour autant, les bras de leur idole ! Faut pas (trop) rêver, non plus…
Ariane Allard
Festival de Cannes 2010
Du 12 au 23 mai 2010
Bande-annonce Robin des Bois
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