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Cannes en direct – Des hauts et des bas

18 mai 2010
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Ombres et lumières. En voilà une dialectique appropriée au cinéma ! Idem pour ce mouvement perpétuel, irrépressible, qui anime toute vie : des hauts et des bas. D’abord, bien sûr, parce qu’il n’y a rien de tel, tout bêtement, qu’un grand écran pour lever la tête, singulièrement lorsqu’on a le privilège d’être assis dans l’une des salles somptueuses (de confort) du Palais des Festivals. C’est peu dire qu’ici le 7e art – techniquement – est roi. Ensuite, parce qu’une œuvre réussie est de celles, forcément, qui tirent vers le haut, spirituellement cette fois. Plus qu’aucun autre, le cinéma est art de la transcendance. Parfois, il la tutoie. Souvent, en panne de vérité intérieure, il déroute et déçoit. Plus dure sera la chute, alors, surtout si, à l’origine, le film était accompagné de mille attentes et d’autant d’espérances.


Grâce


Démonstration et confirmation ce mardi 18 mai à Cannes. Peu de gens, a priori, s’attendaient à ce que le frémissant – voire sombre et douloureux – Xavier Beauvois (auteur de “Nord”, “N’oublie pas que tu vas mourir” ou “Le petit lieutenant”) s’aventure dans la chronique d’un monastère en Algérie. Avec Des hommes et des dieux, le cinéaste français – troisième postulant hexagonal de la compétition officielle cette année – s’inspire librement, en effet, de la vie des moines de Tibhirine, dans l’Atlas algérien, de 1993 jusqu’à leur enlèvement en 1996.  Et… c’est peu dire qu’il a bien fait ! Projeté juste à la mi-temps de cette assez tiède 63e édition, ce film est certainement celui qui a reçu le plus grand nombre d’applaudissements, jusqu’à présent, de la part d’un public professionnel (donc exigeant, pour ne pas dire blasé ou coincé…).


Un moment de grâce, tout simplement. En dépit, peut-être, d’un léger surjeu du côté de Lambert Wilson – bien meilleur chez Tavernier dont le film, pourtant, est moins réussi – cette œuvre sobre, modeste, dépouillée formellement, distille de bout en bout un sentiment réconfortant de fraternité. Et de justesse. Forcément, en ces temps âpres d’exclusion et d’errance, cet élan ne peut que porter, et de façon universelle. Que l’on soit croyant ou pas. “Chacun, acteurs, scénariste, réalisateur, s’est laissé habiter par ces frères“, expliquait face aux journalistes, un rien nerveux, ce cinéaste de toute façon hypersensible. Peut-être troublé, qui plus est, par la prestation – cette fois en “live” – d’un Lambert Wilson franchement cabotin… “Il est rare, dans une société égoïste, de voir des gens s’intéresser aux autres. Je pense que mon film tombe au bon moment, dans une France où l’on cherche sans arrêt à monter les uns contre les autres“, reprenait-il néanmoins, et sans forfanterie aucune. De fait, “Des hommes et des dieux va au-delà de la religion, cela parle d’hommes, de leurs choix et de leur foi bien sûr, mais aussi du sentiment qu’ils ont d’être à leur place“, tranchait gentiment Xavier Beauvois, au côté de son scénariste, Etienne Comar et d’un Michael Lonsdale, tout en douceur et mansuétude. Clairement, en projection et après, ce fut la divine surprise de la journée.


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Du coup, “Copie conforme”, l’autre film postulant pour la Palme ce mardi, parut d’autant plus inaccompli. Décevant. Alors que, précisément, Abbas Kiarostami, son auteur-réalisateur, cinéaste iranien récompensé à Cannes en 1997 pour “Le goût de la cerise”, donc homme du Top Ten sinon du sérail, était ô combien attendu… Certes, cet exercice de style aux accents pirandelliens, assez cérébral, sur le thème de la rencontre amoureuse, n’est pas non plus à vouer aux gémonies. Encore moins aux enfers. Il est juste terriblement artificiel. Ironiquement, même, puisqu’il tisse son histoire autour du motif artistique de la copie et de l’original. Dommage pour Juliette Binoche, toujours au bord des larmes, même dans ses sourires, un peu (trop) à la façon de l’Annie Girardot des années 70 (bouhhh…) : cette actrice sensible, intense, dans la beauté touchante de sa maturité épanouie, mérite mieux que ces petits jeux entre amis… du microcosme (on y voit passer, notamment, l’écrivain-scénariste Jean-Claude Carrière).


Nul hasard si la conférence de presse qui suivit, mardi en début d’après-midi, fut dirigée comme rarement par le cinéaste lui-même. Metteur en scène jusque dans la “vie civile”, on dira… Bel homme sombre, retranché derrière ses lunettes noires, celui-ci a attaqué bille en tête, actualité oblige, sur le sort de son compatriote Jafar Panahi, cinéaste iranien emprisonné depuis le mois de mars. Dénonçant, bien sûr, cette situation : “il n’est possible ni de rester indifférent, ni de cesser d’espérer”, martelait-il, relayant la mobilisation en Iran et à travers le monde. Juste posture, quand bien même d’aucuns l’ont accusé d’avoir été relativement discret jusqu’alors… Mais, du coup, peu d’échanges ont pu être formulés sur son long métrage proprement dit. Surtout, cet avant-propos quelque peu cannibale a franchement éclipsé les interventions de la tendre Juliette. Essentiellement au bord de l’émotion tout le long. Un peu court, pour une comédienne qui fut révélée sur la Croisette, en 1985, grâce à “Rendez-vous”, le film d’André Téchiné. Qui y revint moult fois, jusqu’au saisissant “Caché” de Michael Haneke, primé en 2005. Et qui, cette année, en est tout simplement l’égérie, via  son affiche…


Des hauts et des bas, oui, en effet. Le festival de Cannes, décidément, est un concentré, parfois cruel, parfois éclatant, des ombres et lumières qui traversent nos pauvres destins d’humains.


Ariane Allard


 


Des Hommes et des Dieux
De Xavier Beauvois
Avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale,
Olivier Rabourdin
Durée : 2h

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Sortie le 8 septembre 2010



“Copie conforme”, d’Abbas Kiarostami, avec Juliette Binoche et William Shimell, sortie en salle le 19 mai.

 

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