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Cannes 2017, jour 2 : reprendre le rythme

19 mai 2017
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Jupiter's moon

69ème festival de Cannes

du 17 au 28 mai 2016

compte-rendu du jeudi 18 mai

Entrée de plein fouet dans le festival, notre envoyée spéciale retrouve son rythme et ses habitudes, pendant que les déceptions et les surprises s’entrecroisent…

Si le jour 1 c’est celui qu’on retient, le jour 2 pose le rythme d’un festival où il faudra quand même voir une petite cinquantaine de films pendant une dizaine de jours. Donc on s’accroche au carnet où on religieusement noté toutes les informations capitales (planning, durée des films, sélections au complet, rattrapages et numéro de téléphone du colocataire au cas où) et on avale un solide petit déjeuner (c’est à dire non pas une mais bien deux barres de céréales) avant de filer pour la première fois de l’année dans la grande salle Lumière du Palais. Aguerrie, on se dit qu’arriver à 7h50 pour une projection réservée à la presse qui commence à 8h30 c’est pas déconnant. Mais c’est sans compter sur les tout nouveaux portiques de sécurité qui multiplient le temps de contrôle par deux. La cohue est réelle, les réflexions fusent, on entend qu’à 7h30 « c’est passé tout seul » (tu m’étonnes) et on regarde consternée les agents du palais ouvrir consciencieusement chaque boitier à lunettes trouvé dans les sacs des journalistes accrédités (les consignes ont été données).

Wonderstruck, film de Todd Haynes présenté en compétition officielle est, c’est le moins qu’on puisse dire, une belle déception. Le réalisateur de Carol, habitué des reconstitutions historiques, a placé son intrigue dans le New York des années 20 et des années 70, diluant avec des effets datés son histoire mollassonne et sans attraits. C’est l’ennui, la consternation et surtout la déception. Où sont passés le chic et le glamour ? Il n’y a ici que mauvais goût. Et on entend même pour la première fois, de francs ronflements sur la droite.

On court à la salle Debussy pour le premier film de la compétition Un certain regard, Western de la réalisatrice allemande Valeska Grisebach. La polémique gronde chaque année à propos du nombre de films réalisés par des femmes sélectionnés à Cannes, je mets un point d’honneur à en voir le plus grand nombre (notez l’ironie, puisqu’il y en a si peu). Le Western de Valeska Grisebach est poisseux, malaisant et téstostéroné. Il place dans les collines bulgares une lutte aux relents colonialistes, où un petit d’ouvriers allemands venus améliorer les infrastructures jouent aux cowboys et bouscule la vie d’un village tranquille. Le propos est politique et le regard est affûté. Solide.

À 11h et des poussières, j’envoie le sms suivant « programme chargé, j’ai prévu de boire/pisser/manger vers 19h environ ». Ce n’est pas une blague. Ça y ressemble mais non. Après la séance allemande, je tente ma chance avec 1h de queue pour entrer dans une salle de quelques centaines de places pour voir Barbara, film de Mathieu Amalric inspiré par la chanteuse et présenté en ouverture d’Un certain regard. Dans la file réservée à ma couleur de badge, je sais que seulement une poignée d’entre nous rentreront. Je m’acharne. Nous avons dû être une vingtaine mais je suis dans la salle. Juste sous l’écran. J’ai décidé de sacrifier ma rétine au cinéma, je n’ai pas prévu de faiblir. Barbara est un film singulier qui, plutôt que de proposer un biopic, raconte comment un réalisateur interprété par Amalric construit son film sur Barbara incarnée par Jeanne Balibar. La nuance est cruciale, elle apporte tout son sel au projet. Ce n’est pas Barbara qu’on raconte mais l’essence de Barbara qu’on touche du doigt. Et si le procédé rend le résultat un peu désincarné, il est impossible de ne pas être touché par la Balibar actrice, chanteuse, qui tâtonne et transcende. Elle y est magistrale, mais ce n’est pas étonnant de la part de la femme qui a sublimé Ne change rien (Pedro Costa, 2009).

Probablement à cause d’une crise d’hypoglycémie aigüe, mon cerveau bugue et je sors du Palais pour m’installer à une table de café pour manger, boire et écrire un texte. Je reste convaincue pendant une heure que ma prochaine séance est à 19h avant qu’un message opportun ne me rappelle que ce n’est pas le cas. Et le film que je m’apprête à rater n’est rien de moins qu’une de mes trois plus grosses attentes du festival : Jupiter’s moon, film hongrois de Kornél Mundruczó, en compétition officielle.

Jupiter’s moon surprend, à la fois par sa grande maîtrise du cadre et de la réalisation et un réél défaut d’écriture et de ton. Les scènes époustouflantes (l’ouverture avec les migrants qui débarquent en Hongrie) ne rattrapent pas le propos confus. Il confirme que Kornél Mundruczó est un cinéaste à suivre, c’est une promesse pour le futur : son chef d’oeuvre est encore probablement à venir.

Je rentre écrire, parce qu’il faut bien. Je retrouve la table, la rue bruyante et les barres de céréales arrosées de Coca-Cola (toute source de caféine est bonne à prendre). Et 3 heures et quelques milliers de signes plus tard, je reçois un sms : “j’ai une place en plus pour la soirée d’ouverture de la quinzaine des réalisateurs, tu viens ?”. J’enlève mon sweat à capuche, j’enfile mes escarpins. La nuit s’arrose au champagne sur des vieux (bons) sons de NTM. Presque 24 heures typiques au festival de Cannes.

 

Lucile Bellan

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Festival Cannes 2017 : récap clap après clap !
Lucile Bellan

[Image 2017 © Pyramide Distribution]

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