Cannes 2017 : faire le bilan
70ème festival de Cannes du 17 au 28 mai 2017 |
compte-rendu final Après dix jours intenses et riches en films, c’est l’heure de dresser un bilan thématique et émotionnel de ce 70ème festival de Cannes. En attendant l’année prochaine. On a beaucoup entendu sur place que cette édition du festival était faible en terme de qualité des films, molle en terme de soirées. Les « c’était mieux avant » ont fusé. Je me demande si, en 9 éditions de festival de Cannes, je n’ai pas entendu ça tous les ans. J’ignore donc à quel « avant » on fait référence. Moi, j’ai trouvé que même si nous n’avions pas vu de film pour lequel j’aurais été prête à vendre ma mère, nous avons vu de très bonnes choses. Et le bilan sur l’état du monde proposé par ces 48 films ne m’a pas laissée indifférente. Il me semble bien que les problématiques liées aux migrants, la peur de la guerre civile, et le questionnement sur les valeurs morales sont des notions tout à fait contemporaines et essentielles. Je n’ai pas goûté de cocktails étranges, préférant me cantonner au rosé, à la bière et au champagne. J’ai découvert une pâtisserie. J’ai pris le soleil. Et, après des années à incuber des virus dans les salles climatisées après s’être pris une averse sur la tête, on peut dire que le soleil est un point essentiel de la réussite du festival de Cannes. Il a brillé cette année. C’est le suédois Ruben Östlund qui a remporté la mythique Palme d’Or. Avec The Square, celui qui a déjà si bien croqué les petites médiocrités de nos âmes, aborde encore via un film foisonnant (et époustouflant visuellement) l’humanité d’aujourd’hui. Ou pourquoi certains de nos semblables en viennent à louer les oeuvres d’artistes contemporains défendant des valeurs humanistes tout en refusant cent fois par jour de donner une pièce à des sans-abris dans la rue. C’est un cinéma des questions. Celui du Qui suis-je et du pourquoi. Le miroir qu’il nous tend a la force tragi-comique du cinéaste. La seule conclusion/morale qu’il oppose est la suivante : ce sont nos enfants qui nous jugeront. Peut-être que malgré tout, on a perdu le léger. Peut-être que c’était surtout nécessaire. Cette année, il fallait se faire embarquer dans l’expérience VR de sept minutes d’Alejandro González Iñárritu qui, pieds dans le sable et sac sur le dos, plongeait ses spectateurs dans la peau d’un migrant à la frontière mexicaine. Cette année, dès qu’une télévision ou une radio était allumée dans un film, c’était pour parler de migrations et de conflits. Cette année, on a fait la queue des heures pour passer un portique et le contrôle des sacs « pour notre sécurité », parfois presque dix fois par jour. Cette année, on a vu l’évacuation de zones entières pour cause de sacs oubliés. On a vu la police, les agents de sécurité et les chiens renifleurs. Et on a sursauté quand, le dernier soir, le feu d’artifices a éclaté. Peut-être qu’il n’était pas possible pour le festival de rester un lieu de fête déconnecté des réalités du monde et que c’est justement son rôle de proposer un état des lieux. On y trouve toujours pourtant des tenues à paillettes laissant peu de place à l’imagination, le tapis rouge, le champagne et la coke, les clubbers et les cinéphiles, les critiques qui huent, les spectateurs qui applaudissent, les équipes qui pleurent. On y trouve de l’argent, ce qui fait le cinéma de demain et celui d’après-demain. On y trouve de belles choses, la communion des émotions, le courage et l’espoir. Mais on y trouve aussi la peur et les cicatrices du passé, comme celles du présent. Nous sommes en 2017 et c’était le festival de Cannes.
Lucile Bellan A découvrir sur Artistik Rezo : [Crédits Photos : Photo 1 : 2017 © Lucile Bellan / Photo 2 : ©BestImages] |
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