Cannes 2016, compte-rendu n°6 : the limits of contrôle
69ème festival de Cannes du 11 au 22 mai 2016 |
compte-rendu du mardi 17 mai Et si trop de contrôle tuait le contrôle ? Heureusement, du cinéma français ou philippin vient faire oublier les complications liées à l’état d’urgence. Ce n’est pas un film, le sujet le plus discuté sur la Croisette cette année. C’est cette impression de vide, de contrôle, cette ambiance pesante qui nous touche tous même quand on est trop occupés pour y penser. Cette année, la croisette est vide. Elle l’a été même pendant le long week-end. Cette année, les soirées sont moins vivantes (principalement parce que les services de sécurité respectent plus que jamais le nombre maximum de personnes présentes dans le lieu). Cette année, les journées sont rythmées par des contrôles incessants. Les sacs sont contrôlés et parfois vidés (montée en puissance de la sécurité, certains se font bloquer pour des contrôles digne d’aéroport, j’ai vu de mes yeux un mec gagner une fouille complète de son sac de voyage parce qu’il avait un coupe ongles et une paire de mini-ciseaux dans sa trousse de toilette), on écarte les bras pour se faire passer recto et verso au détecteur de métaux. 4, 5, 6 fois par jour. Et ce ne sont pas les seules mesures de sécurité puisqu’il faut préalablement faire scanner sa carte d’accréditation nominative (pour laquelle il faut fournir des documents d’identité). Pour accéder aux plages, on montre sa carte. Pour entrer en soirée, on donne son carton d’invitation. Montrer patte blanche, toujours, semble être le nouveau credo du festival. Et ces précautions aseptisent, engourdissent, entourent de coton les festivaliers. Cannes a perdu sa folie, son essence et perd aussi la présence de festivaliers et badauds. Et c’est bien de ça dont on parle, dans les files d’attente, sur les plages, en soirée et dans les taxis. C’est sur ce constat amer que commence ma sixième journée de festival (après un contrôle qui s’est éternisé parce que j’avais une barre céréalière au fond de mon sac et quelques pièces dans la poche de ma veste). Je rentre quand même à temps dans la grande salle du théâtre lumière pour Julieta, nouveau drame de Pedro Almodóvar présenté en compétition officielle. Julieta est beau, de sa mise en scène aux petits détails de couleur disséminés ça et là. Et la performance d’Emma Suarez est une des plus belles du festival. Seulement il manque quelque chose pour s’approcher du chef d’œuvre. Un souffle, un personnage, 15 minutes de tension supplémentaire, ou que sais-je encore. Julieta reste en surface, émeut mais ne prend pas aux tripes. Et si on lui reproche tant de ne pas remplir son contrat c’est bien parce qu’il l’effleure, qu’il donne envie sans jamais concrétiser le désir. Dans la sélection Un certain regard, le film des sœurs Coulin Voir du pays est attendu. D’une part parce qu’il fait partie des trop rares « films de femmes » du festival et d’autre part parce qu’Ariane Labed et Soko sont des noms qui ont de quoi faire briller les yeux des cinéphiles. Voir du pays est un film féministe, fort et inventif. Les deux comédiennes livrent des performances puissantes. À tous les niveaux, le film est profondément politique et s’engage. Le deuxième film français de cette sélection porte haut les couleurs de son pays.
Lucile Bellan [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=SQ4nqo6FuS8[/embedyt] À découvrir sur Artistik Rezo : [Image 2016 © Pyramide Distribution] |
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