Cannes 2014 : compte rendu du jour 5
Cannes : compte rendu du jour 5 Le 18 mai 2014 |
Cannes, cinquième jour : où la fatigue commence à altérer le jugement sur les films (et où l’on rencontre David Cronenberg)…
Dans mon souvenir, le dimanche, c’était un jour calme. Un jour calme dans les critères cannois. C’est-à-dire que je me souviens d’avoir parfois eu le temps d’aller m’asseoir sur la plage pour prendre un peu le soleil et, éventuellement, de manger trois repas dans la journée. Mais ce n’est pas le cas cette année. Dans le carnet où j’ai écrit mon planning parfait la veille de partir, il y a ce dimanche cinq films… La sélection se fait naturellement, je ne suis pas physiquement en état de me lever à 7h30. Je barre donc mentalement The Homesman de Tommy Lee Jones (compétition officielle) de mon emploi du temps. Et au passage, j’y gagne 1h30 de sommeil. La journée commence donc à 11h avec Force majeure (Un certain regard), film du Suédois Ruben Östlund. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un réveil en fanfare. Sous couvert de ce dynamitage des clichés sur les hommes et les femmes (les hommes doivent être forts et protéger leur famille, en particulier), le film se paye une bonne tranche de déculpabilisation masculine. Oui, les hommes ne sont parfois pas très vaillants mais regardez comment ils nous touchent et nous font rire. Faire rire, en effet, le film y réussit à grand renfort d’effets pachydermiques. Et on rit plus souvent jaune que de bon cœur. À 14h, c’est au tour d’Hermosa juventud (Un certain regard). Il est intéressant de voir que les conséquences sociales de la crise financière commencent à faire des émules. Ici, c’est un jeune couple en Espagne qui se bat contre des moulins à vent. Pas de travail, pas d’espoir, pas d’envie autre que la survie, on imagine bien le drame qui se joue. Il finira d’ailleurs sur une note pessimiste mais pas misérabiliste. 16h30, c’est l’heure de Jauja de l’Argentin Lisandro Alonso avec Viggo Mortensen (Un certain regard). Jauja, c’est une claque, une reconstitution en costume de l’extermination des indigènes en Patagonie en 1882. C’est à la fois hypnotisant, passionnant et vibrant… mais aussi profondément ennuyeux. Le rythme ne correspond pas à l’hystérie qui règne ici. Les codes non plus. Viggo Mortensen y est immense et il ne parvient cependant pas, dans ce contexte, à me prendre par la main. Maladie typiquement cannoise, le film est sacrifié sur l’autel de la fatigue. Mais il m’a tellement marquée qu’il faudra que j’y revienne… à tête reposée. Dans la journée, je reçois un SMS. On me propose une interview de David Cronenberg le lendemain. J’exulte mais je m’inquiète. Je suis obligée de voir le film à la première séance presse, ce qui signifie que je vais effectuer entre 2 et 3 heures de file d’attente sans aucune certitude. Heureusement, il fait beau dehors et la conversation inepte des deux journalistes américains autour de moi me berce gentiment. Je fais donc partie des quelques chanceux porteurs de badge de couleur bleue qui vont voir Maps to the stars. Et j’en avais bien besoin. On rit beaucoup. Comme dans un de ces petits trains à touristes, on se laisse balader au rythme des rebondissements jouissifs de cette descente aux enfers hollywoodienne. Julianne Moore y fait une nouvelle fois preuve de son grand talent (en n’omettant pas qu’elle est également plus radieuse et lumineuse d’année en année). C’est un film mutin et sombre, pessimiste mais amusé. Pas cynique pour un sou. C’est une curiosité et un plaisir. Lucile Bellan |
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