Cannes 2014 : compte rendu du jour 4
Cannes : compte rendu du jour 4 Le 18 mai 2014 |
Cannes, jour 4 : des spécificités du week-end aux coups de cœur en pagaille (Bonello et Rohrwacher)…
C’est le week-end. Le moment où la Croisette grouille de badauds et de curieux qui s’arrêtent devant le moindre hôtel pour apercevoir une star qui entre ou sort de voiture. Les oreilles bourdonnent des conversations sans fin, des exclamations des photographes de rue qui cherchent à gagner leur croûte aux artistes en représentation rêvant d’être repérés par un agent ou un producteur. Ce sont les jours les plus compliqués à gérer pour le festivalier. Chaque déplacement relève de l’épreuve de force. Il faut être patient et surtout prévoyant (c’est-à-dire multiplier par 4 le temps prévu pour un trajet). Je commence cette journée complètement surexcitée. Je vais enfin voir le nouveau film de Bertrand Bonello, Saint Laurent (présenté en compétition officielle). Projet non adoubé par Pierre Bergé (contrairement à l’opus de Jalil Lespert), Saint Laurent promettait beaucoup. Et je n’ai pas été déçue puisqu’en plus d’un casting quatre étoiles (et même un petit clin d’œil du réalisateur himself), Saint Laurent est un monument d’émotion, de sensualité et une ode à l’art et à la création. Le film lui-même est une œuvre atypique, colorée, parfois répétitive, déconstruite et pourtant cohérente. On ne sent pas passer les 2h30 du métrage et on en sort comblé. Bertrand Bonnello est un grand, il le prouve une nouvelle fois avec Saint Laurent. À Cannes, il faut accepter de rater des films. De ne pas réussir à entrer dans la salle, de ne pas arriver à temps, d’avoir choisi le mauvais alors qu’en face les autres crient au chef-d’œuvre. Il faut accepter de se tromper, ça fait partie du chemin et de l’expérience du festival. On ne peut pas être partout et les interviews et autres activités de festivalier sont difficilement cumulables avec les plannings de projections (qui se chevauchent déjà tous un peu). Je choisis donc de voir Run (Un certain regard), un film ivoirien qui, j’avoue, m’a laissée sur le carreau. On y suit le parcours de vie du fameux Run, appelé ainsi parce qu’il a la particularité de fuir tout le temps. Il voulait devenir faiseur de pluie, il finira par tuer le Premier ministre du pays. Le scénario est touffu, confus, impossible de savoir s’il faut aimer, mépriser ou plaindre le héros. C’est un mauvais choix parmi tant d’autres, en ce qui me concerne. Et pour la petite anecdote cannoise : le film, projeté samedi, a été fini le samedi d’avant. L’équipe du film, qui est venue pour le présenter au public, l’a découvert en même temps que nous. S’ensuit Eleanor Rigby (Un certain regard), drame avec Jessica Chastain qui traite des difficultés d’un couple à gérer la perte de leur enfant. Le sujet n’est pas original, le traitement non plus et le film souffre de vraies longueurs. Ça lorgne du côté de Rabbit Hole et de Blue Valentine… sans leur arriver à la cheville malheureusement. LA RENCONTRE DU JOUR À 16h15 (avec 15 minutes de retard dues à l’affluence sur la Croisette), je rejoins un salon du prestigieux hôtel Carlton pour une conférence de presse de la présidente du jury Jane Campion autour de la sortie du livre Jane Campion par Jane Campion. Fidèle à elle-même, généreuse et disponible, cette femme de grand talent et de convictions nous a offert 30 minutes d’entretien en compagnie du critique Michel Ciment. La soirée se termine avec Le Meraviglie (compétition officielle) d’Alice Rohrwacher. Et c’est un véritable coup de cœur. La réalisatrice réussit le portrait d’une famille nombreuse aux diverses origines. C’est une réflexion sur la fin de l’enfance, le cordon qu’on coupe, les premiers émois, les petits drames du quotidien, la violence et la cruauté du monde. Gelsomina veut rêver mais elle sait que ce sont les derniers instants de naïveté et de beauté. Le film est simple, sans prétention, sans artifices et donc plein d’honnêteté et de poésie douce. Je finis la journée enchantée, la tête encore pleine de mes deux plus gros coups de cœur de la compétition à ce jour. Lucile Bellan |
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