Can Ulkay : “Le réalisateur fait le pont entre le public, l’histoire et ses connaissances”
Can Ulkay, réalisateur de publicités depuis 1994, décide de faire son premier pas en cinéma en 2015. Depuis, il a réalisé deux films biographiques, parmi les meilleurs du cinéma turc : Ayla et Müslüm. On a rencontré Can et son assistant Selcuk Odabaşı, qui travaille avec lui depuis le début.
Est-ce que vous pouvez m’expliquer comment vous voyez le travail d’un réalisateur ?
Quand vous lisez un livre, vous commencez à visualiser et imaginer le livre, vous commencez à créer votre propre film dans votre tête. Chaque personne imagine une scène différente avec des personnages différents et des décors différents. Donc le réalisateur doit pouvoir entrer dans l’imaginaire des spectateurs, il doit pouvoir mettre les éléments de leur imagination sur la scène. S’il reste enfermé uniquement dans ses visions il ne réussira pas. Pendant qu’il fait tout cela, il doit utiliser tous ses souvenirs : les livres, les films, les personnes, les lieux, les jeux des lumières… C’est à ce moment que le travail d’un réalisateur devient compliqué : pouvoir transmettre toute cette accumulation de souvenirs avec un film, tout en restant attaché à son histoire et en provoquant l’imagination des spectateurs : il fait le pont entre le public, l’histoire et ses connaissances.
Vos deux plus récents films sont des films biographiques, Ayla et Müslüm. Quelle était la difficulté de filmer un film biographique par rapport à une fiction?
La biographie est un sujet très délicat et difficile à traiter. La partie préparatoire doit être plus longue et méticuleuse et il faut ensuite pouvoir sélectionner les éléments importants car on ne peut pas transmettre toutes les détails de la vie d’une personne : soit cela devient très long, soit cela n’intéresse pas les spectateurs. Müslüm était l’une des biographies les plus difficiles à faire en Turquie parce que tout le monde le connaît et l’adore. En plus de cela ce n’est pas une personne qui a vécu au Moyen-Âge, c’est une personne de notre époque. Parmi les spectateurs il y a forcément des personnes qui l’ont rencontré et même si ce n’est pas le cas, tout le monde connait des choses sur sa vie et surtout sa musique. Pour ces raisons on n’avait pas de marge d’erreur. Pour pouvoir faire un film de deux heures sur la vie d’une telle personne, la résumé de sa biographie ainsi que le choix des point importants est le cœur du travail. On devrait aussi s’adresser à toute la population parce que Müslüm est un chanteur que toute la Turquie adore, d’où son surnom “Le Père”.
Quelles ont été les plus grandes difficultés pendant le tournage de Ayla et Müslüm ?
Pendant qu’on filmait Ayla et Müslüm, la plus grande difficulté à surmonter était l’histoire, très longue pour une telle production. À ce jour, ce sont les deux tournages les plus longs de l’histoire du cinéma turc. Les tournages ont duré plus de 100 jours pour chacun, avec plus de 1000 figurants en scène, donc le même nombre de costumes… On a du faire une partie du tournage au Corée du Sud, une autre partie en Turquie, ce qui n’a pas facilité notre tâche. Avec toutes ces étapes, la production d’Ayla a durée un peu plus de 18 mois.
Une question plus personnelle : pourquoi vous avez choisi ce secteur et comment vous êtes arrivés là ?
Je suis diplômé d’une académie de cinéma. Le cinéma était toujours dans ma vie, et il transparait quand vous regardez les publicités que j’ai faites : elles sont différentes de ce qui existe déjà en pub. Les couleurs, le cadrage, les lumières… ressemblent davantage à un film qu’une publicité. Je suis resté dans le secteur de la publicité pendant 30 ans avant de recommencer à créer des films parce que la pub est un secteur très dynamique, actif et créatif. Je fais toujours des publicités parce qu’elles vous nourrissent d’une différente manière. D’un autre côté, on peut dire que j’ai arrêté d’attendre le bon projet pour le cinéma et j’ai commencé à créer et choisir mes projets moi-même. Cette transition devait avoir lieu un jour et cela m’est arrivé grâce à mes années en publicité. Un bon projet n’était pas que le scénario pour moi, il était et est toujours un bon scénario avec une bonne équipe technique ainsi que des bons acteurs. Il ne faut pas oublier le financement mais cela ne fait pas partie de la procédure créative. J’ai eu plein d’amis à l’académie qui disaient “il faut commencer par quelque part et le reste se dévoilera”, mais personnellement je ne crois pas à cela. Ils ont eu plein de difficultés à cause de cette mentalité, il y en a certains qui ont même arrêté de travailler dans ce secteur. Donc en observant tout cela je n’ai pas voulu me mettre dans le même état qu’eux, et j’ai attendu d’être prêt. Ayla et Müslüm marquent mon retour au cinéma et maintenant je ne fais plus de publicité.
Propos recueillis par Baran Cengiz
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