Camille redouble – film de et avec Noémie Lvovsky
On dit parfois que recommencer sans cesse les mêmes erreurs est le propre de la folie. Mais ce que ne nous enseigne pas la sagesse populaire, c’est comment apprendre à reconnaître ces erreurs. La question va cependant devenir cruciale pour Camille, quadragénaire larguée par l’amour de sa vie, lorsqu’après s’être évanouie au deuxième coup de minuit pendant le réveillon de la Saint-Sylvestre, elle va se réveiller dans son propre passé.
Revoilà donc Camille à l’aube de ses seize ans, maîtresse d’une destinée dont elle connaît l’issue sans savoir quoi refaire ni à quoi renoncer. Faut-il retomber amoureuse, au risque d’avoir à nouveau le cœur brisé quand elle sera quittée ? Vivre ce grand amour est il une de ces erreurs qu’il lui faudra ne plus commettre, au risque de ne pas voir naître la fille qu’elle aime tant ? Comment empêcher l’inéluctable décès de sa mère, dont elle connaît à l’avance le jour et l’heure ? L’échec est-il toujours synonyme d’erreur ?
Noémie Lvovsky, posant toutes ces questions, replonge dans son adolescence avec une candeur juvénile irrésistible. Elle en dépeint les petits travers, cette façon charmante qu’on a alors de se prendre trop au sérieux sans même en avoir conscience, cette ingratitude d’un âge soumis aux commentaires vachards et au règne de l’apparence, sans jamais caricaturer ses personnages ni porter le moindre jugement négatif sur eux. A vrai dire, ce qui transparaît dans le regard et la caméra de Noémie Lvovsky, c’est surtout une immense tendresse, et cette faculté de continuer à s’émerveiller à tous les âges de la vie, même en en ayant connu les affres de la désillusion.
Alors la mise en scène de Camille Redouble s’avère aussi virevoltante que son interprète principale. Elle ne se dépare jamais de cette entraînante légèreté qui caractérise les excellents films de Noémie Lvovsky, et qu’on ressentait déjà notamment dans Faut qu’ça danse, porté par l’extraordinaire – et trop rare – Jean-Pierre Marielle.
Et si le principal n’était pas d’éviter les erreurs, et si, plutôt que de changer le cours du temps, ce voyage dans le passé était finalement l’occasion d’en comprendre le sens, d’en réapprécier les petits détails qu’on avait oublié de savourer ; d’enregistrer pour toujours les moments qu’on saura la mémoire inapte à retranscrire ? Et si au fond, il importait moins de corriger le passé que d’apaiser le présent ?
A sa mère qui vient la réveiller le matin de la rentrée scolaire, Camille répond : « Non, je n’irai pas à l’école, j’ai déjà donné ! » La délectation de revivre sa propre existence est manifeste. Si refaire les mêmes erreurs est signe de folie, elle se jette dedans à corps perdu, pour le plus grand plaisir des spectateurs emmenés dans ce drôle de voyage temporel.
Comme dans un conte, Camille croise une galerie de personnages opposants et adjuvants, dotés de cette aura presque magique que leur confèrent la désuétude : un mystérieux horloger incarné par un Jean-Pierre Léaud fabuleux ; un prof de physique dévoilant son charme en même temps que ceux de l’univers (Denis Podalydès) ; un abominable prof de lettres aussi vilain qu’un bubon (Mathieu Amalric). Alors, parce que Noémie Lvovsky a eu l’idée géniale de faire conserver à Camille le visage de ses quarante ans, on la voit littéralement rajeunir sur l’écran. Oui, Camille a de nouveau seize ans, et on lit en elle son émoi, le trouble des toutes premières fois.
Ce bain de jouvence est si délicieux, si rafraîchissant, si vitaminé, qu’on éprouve un nostalgique pincement au cœur à l’idée d’en sortir. Car mieux encore qu’un bon film, Noémie Lvovsky réalise ici un film précieux ; un film qui fait du bien.
Raphaëlle Chargois
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Lumières de la presse étrangère 2013 (18 janvier)
- 2 prix : Meilleur espoir féminin et Prix spécial
- Nominations : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleure actrice et Meilleur scénario
Festival Télérama 2013 (du 16 au 22 janvier)
- Sélection Télérama
Festival du Film de Locarno 2012 (du 1er au 11 août)
- 1 prix : Variety Piazza Grande Award
Quinzaine des Réalisateurs 2012 (du 17 au 27 mai)
- 1 prix : Prix SACD
- Nominations : Prix Europa Cinema, Prix Fipresci, Art Cinema Award, Mention spéciale SACD et Prix Illy
Camille redouble
De Noémie Lvovsky
Avec Noémie Lvovsky (Camille Vaillant), Samir Guesmi (Eric), Judith Chemla (Josepha), India Hair (Alice), Julia Faure (Louise), Yolande Moreau (la mère de Camille), Michel Vuillermoz (le père de Camille) et Denis Podalydès (Alphonse)
Durée : 115 min.
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– les films à voir en 2012
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