Bastien Ughetto : “L’art a pour moi la responsabilité d’essayer d’élever les consciences”
Son goût pour le théâtre et les rencontres l’ont amené à devenir acteur-réalisateur. Aujourd’hui âgé de 31 ans, Bastien Ughetto a démarré son apprentissage par diverses expériences et récemment en lice pour le titre de révélation masculine 2021 pour son rôle dans le dernier film Adieu les cons d’Albert Dupontel. Ce tête-à-tête virtuel me le confirme : Bastien Ughetto, est doté de la volonté de ces acteurs qui, à travers leurs rôles, contribuent à un art utile.
Peux-tu m’évoquer cette rencontre, celle qui t’a donné l’envie de faire du cinéma ?
Cette rencontre, c’est celle de mon grand-oncle, aujourd’hui disparu, un homme très cultivé et poète, qui m’a donné envie de faire du cinéma. Il m’a toujours encouragé à exercer des métiers en rapport avec le théâtre, je l’ai vraiment suivi à la lettre. Dans le court-métrage, Symptômes d’amour, réalisé dans le cadre du concours 48 Hours Film Project Montpellier, j’interprète le rôle d’un poète dans la bibliothèque de mon grand-oncle, une très jolie mise en abyme : c’était comme boucler une boucle.
J’aimerais que tu me parles un peu de toi, de ton parcours, comment as-tu évolué dans le milieu du cinéma ?
Après mon adolescence en Argentine, j’avais envie de faire du cinéma mais je ne savais pas trop si je voulais être devant ou derrière la caméra. Je suis rentré en France ; j’ai fait des petits boulots en lien avec le théâtre et les jeux de rôles. À mes 18 ans, j’ai atterri à Paris et j’ai commencé en tant qu’animateur dans une attraction chez Disney, je faisais monter les gens dans un ascenseur et je jouais un personnage. On peut dire que j’ai toujours eu de l’attirance pour le monde du cinéma ; adolescent je faisais déjà des petites vidéos avec le caméscope de la famille où je me mettais en scène : c’était le tout début de Youtube. Le premier jour où la plateforme est arrivée en France j’ai créé un compte. Je faisais des vidéos que je déposais ; à l’époque, ça faisait quelques milliers de vues hyper vite parce qu’il y avait peu de contenus. Mais je n’ai pas du tout persisté ; avec le recul, je suis très content de ne pas avoir fait du podcast Youtube. Je me suis inscrit à l’EICAR, une école de cinéma. Quelques années plus tard, avec Guillaume Desjardins et Jeremy Bernard on a créé le collectif Les Parasites (d’anciens membres de l’EICAR).
Quel a été ton premier rôle au cinéma ?
En 2011, pour mes 21 ans, j’ai joué un rôle dans le film Dans la maison, de François Ozon. C’était une très bonne expérience ; à l’époque j’étais très naïf et je pensais que jouer dans un film de François Ozon allait complètement changer ma vie, mais pas du tout. Il y a des hauts et des bas ; un jour, tu tournes dans un film de François Ozon, et un an et demi plus tard, tu te retrouves à faire des petits-déjeuners à 5h du mat dans un hôtel à la con. Mais en même temps, ces expériences te font relativiser et comprendre la réalité du métier d’acteur. Avec le recul, tu te rends compte que les personnes qui avancent et qui vivent vraiment de ce métier ce sont celles qui sont passionnées et qui ne lâchent rien. C’est un métier de “crève la dalle” pour réussir. Aujourd’hui, voilà quelques années que je vis très bien de mon métier, que ce soit celui de comédien, d’auteur-scénariste et de réalisateur.
Comment a évolué ton jeu d’acteur ?
Je ne pense pas encore “savoir” jouer, je me pose beaucoup de questions, j’écris beaucoup et essaie de réfléchir au sens du métier d’acteur. J’essaie d’intellectualiser parfois et puis, je me dis qu’il faut que j’arrête de réfléchir car le jeu, c’est un truc très instinctif, animal à retrouver. Avec les années d’expériences, tu apprends à prendre confiance et tu commences à te connaître. Tu commences à savoir qui tu es, et ce que tu es à l’image pour t’en servir. Je trouve ça hyper intéressant d’être dans toutes les séquences en ayant ce background là.
Comment s’est créé le collectif les Parasites, à l’origine de la série l’Effondrement ?
Les Parasites sont nés à l’occasion de la participation à des concours vidéo, notamment celui de 48 Hours Film Project. Le collectif est composé de trois auteurs-réalisateurs, Guillaume Desjardins, Jérémy Bernard et moi-même. Au début, nous voulions réaliser une série documentaire issue de notre film La Boucherie Éthique, mais on ne trouvait pas de financements pour ce projet. Un jour, en revenant d’un rendez-vous, on était dans la caisse de Jérémy, sur le périph et on s’est dit : “Ça serait trop stylé de faire une série sur le monde qui s’effondre, vécu par Monsieur et Madame tout le monde.” Pour prendre vraiment le contre-pied des séries américaines. Très vite, on a eu le pitch et on a autoproduit l’épisode de la station service ; on s’est dit que filmer en plan-séquence serait sympa. Ce premier épisode nous a servi de Pilote auprès de Canal +
“L’Effondrement” est une mini-série d’anthologie constituée de 8 épisodes basés sur le thème de la collapsologie, réalisée par le collectif Les Parasites. Dans chacun des épisodes, un type d’effondrement de la société est présenté, et le spectateur découvre les points d’étapes et l’organisation des personnages comme réponse. Une série qui oscille entre peur, angoisse et pression.
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L’utilisation de Youtube comme support de diffusion pour les Parasites ?
Quand on a créé Les Parasites, on a commencé à réaliser des petits courts-métrages qu’on postait sur Youtube. Au début, c’était pour pouvoir montrer aux copains, un peu comme ça, et puis ça a bien marché : on commençait à se faire connaître. En 2013, on s’est un peu prêtés au jeu de YouTube et on parlait à la fin de nos vidéos pour avoir un lien avec nos abonnés. On ne s’est jamais considérés comme des youtubeurs, ce qui nous intéressait c’était le cinéma et c’est toujours le cas aujourd’hui. Pour moi, Youtube, c’est juste un moyen de diffuser des films à une audience qui a l’habitude d’aller sur cette plateforme pour consommer du contenu.Une plateforme de diffusion propre à l’Europe devrait-être créée.
La fiction a-t-elle un rôle à jouer dans la prise de conscience écologique ?
Au moment où on a fait la série, j’étais très convaincu par le fait qu’elle puisse changer les choses. Maintenant, je suis tellement pessimiste quant à l’avenir de l’humanité, qu’on s’amuse, on profite du temps qui nous reste avant de vraiment devoir faire face aux gros problèmes qui s’annoncent. Malgré tout, l’art a pour moi la responsabilité d’essayer d’élever les consciences que ce soit intellectuellement, ou au niveau des engagements sociaux, écologiques et politiques. Il faut faire de l’art utile, je pense, même si ce n’est que divertissant. Il faudrait bannir tout ce qui est télé-réalité et ramener les gens à l’essentiel. On rejoint ici l’éducation et l’art en fait partie. C’est un sujet qui nous inquiète fortement et on est persuadé que l’on se prédestine à une lente érosion plutôt qu’un choc violent. En grandissant, ce sont des questions qui se sont posées.
Propos recueillis par Margaux Debieux
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