Balle perdue – film de George Hachem
1976, banlieue nord de Beyrouth : tandis que le Liban semble se diriger vers une paix presque inattendue, la belle Noha annonce, à quinze jours de son mariage, qu’elle n’ira pas jusqu’à l’autel. Un pays et une femme en crise, dans un même élan rageur…
On peut donc traiter de guerre, de kidnappings et d’émancipation sans verser dans la démagogie ou le misérabilisme. C’est ce que prouve ce beau premier long-métrage, qui dépeint avec souffle les tentatives d’une héroïne et de sa nation pour tenter de s’affranchir de conventions trop archaïques pour eux. Tandis que Noha freine des quatre fers pour éviter d’avoir à subir un mariage dont elle ne veut finalement pas, le Liban danse une cruelle gigue entre guerre et paix, dans un entre-deux crispant qui paralyse chacun de ses habitants.
Le symbolisme pourrait être lourd mais George Hachem fait heureusement preuve d’une grande finesse dans la façon dont il entrecroise les destinées de Noha, des autres femmes de son entourage et du pays qui les emprisonne mais qu’elles ne fuiraient pour rien au monde. Comme l’iranien Reza Serkanian dans Noces éphémères, sorties début novembre, c’est un girl power assumé et construit qui se met en place à l’écran. Ni l’héroïne ni son pays ne sortiront sûrs d’eux de cette journée cruciale ; en revanche, ils auront grandi, mûri, pris conscience de leur potentiel et de leurs aspirations réelles. La simultanéité de ces deux prises de conscience touche autant qu’elle stimule.
Dans le rôle de cette femme qui profite d’une énième crise de doute de son pays pour lui faire perdre une part supplémentaire de ses angoissantes certitudes, Nadine Labaki excelle, elle qui fut déjà excelflente dans ses propres réalisations. Elle injecte sensualité et vigueur dans un film plus actif que plaintif. Un sentiment renforcé par le très beau travail de la chef op Muriel Aboulrouss, qui transcende aussi bien la nature que les décors intérieurs, rendant les convictions du scénario d’autant plus enthousiasmantes. Pour qu’enfin le cinéma politique du Proche-Orient ne soit plus assimilé à une sorte d’art didactique de la grisaille.
Thomas Messias
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Balle perdue
De Georges Hachem
Avec Nadine Labaki, Takla Chamoun et Hind Taher
Sortie le 23 novembre 2011
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