Arrietty, le petit monde des chapardeurs
Les studios Ghibli s’emparent d’un sujet et comme à l’habitude, font de chaque détail une madeleine de Proust. Un animé Ghibli ne se regarde pas, il se respire, se mâche, se ressent ; et ce sont tous nos sens convoqués pour nous faire replonger en enfance.
Alors que le dessin animé primitif suivait les péripéties de tout une famille dans leur cohabitation mouvementée avec les humains, l’intrigue est ici resserrée sur le personnage d’Arrietty, à un moment bien particulier : l’adolescence. Jeune fille audacieuse et héroïque, elle sort pour la première fois dans le monde des hommes, accompagnant son père dans une séance de « chapardage » : sauf qu’ici le magasin, immense, est la maison de leurs hôtes les humains. Elle y fera la rencontre de Shō, un enfant maladif, seul personnage habilité à côtoyer Arrietty. Persuadée qu’elle et ses parents sont les seuls survivants de toute leur race, la jeune fille ose alors aborder le garçon.
Cette fable magnifique sur le choix d’un monde, sur l’adieu à l’enfance et la responsabilité nouvelle multiplie bien sûr les instants de grâce : depuis longtemps Ghibli s’est fait une spécialité de capter ces moments délicats où les décisions font tout basculer et mènent l’enfant au seuil de l’âge adulte : une goutte de rosée, des fleurs abondantes, un gros chat bedonnant, des criquets héberlués, un corbeau pris dans une fenêtre… Mais le film n’hésite pas à distiller quelques touches de noirceur, surtout concernant les personnages adultes, cupides et grotesques. La maison de poupée, bâtie par les humains pour accueillir les petites personnes, n’est qu’un leurre : confortable mais démantibulable, déplacée, disséquée, ce lieu de fantasme pousse finalement la petite famille sur les routes de l’exil. Condamnée à perdre son innocence, Arrietty doit accepter de prendre sa place dans le monde des chapardeurs, qui lui est finalement aussi étranger que celui des humains. C’est toute la signification du personnage de Spiller, lutin sauvage et gesticulant mais adapté à leur mode de vie chaotique.
Le film se termine donc sur une note douce-amère, qui souligne l’étanchéité des mondes, humains-chapardeurs, enfance-âge adulte. On quitte à regret la salle, bercée par la magnifique musique de Cécile Corbel, harpiste bretonne dont la partition magique n’est pas étrangère à la plénitude du moment.
Mathilde de Beaune
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Arrietty, le petit monde des chapardeurs
Un film d’animation de Hiromasa Yonebayashi
Sortie le 11 janvier 2011
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