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Anissa Merdji : “Pour moi, un film est grand quand la forme et le fond sont indissociables”

© Hymen Bourafai

Le cinéma, c’est toute sa vie. Cette jeune productrice en devenir nous raconte avec passion son amour des films et l’importance d’une bonne organisation pour diriger un projet.

Pourrais-tu te présenter et nous présenter ton parcours ?

Je m’appelle Anissa, j’ai 21 ans, je suis en master cinéma. J’ai toujours aimé regarder des films depuis le collège. Au lycée, j’ai pris une option cinéma, qui m’a appris à regarder les films d’une autre façon. Je comprenais beaucoup mieux ce qu’il se passait à l’écran. Au même moment, j’ai commencé à faire des études de sciences politiques, mais au final, je pense que je n’avais rien à faire là. Je me suis retrouvée en prépa lettres à Clermont-Ferrand, avec une option cinéma. Je n’y arrivais pas, sauf dans cette option. À la fin de ma première année, un professeur m’a conseillée de m’orienter à l’université de Lyon 2 en cinéma. Je me suis beaucoup intéressée aux métiers de la production.

Quel est ton rapport au cinéma ?

Je n’arrive toujours pas à l’expliquer. Je m’ennuyais beaucoup l’été au collège, et le cinéma était la chose la plus accessible chez moi. À la télé ou en emprunt à la médiathèque, je regardais beaucoup de films. Très jeune également, une de mes tantes avait un attrait pour la culture, elle m’a montré énormément de choses dont beaucoup de films. Je trouvais ça magique, autant de gens et autant d’énergies pour créer de la mise en scène. J’ai compris plus tard tout ce que l’on pouvait mettre au travers d’une image. Je crois vraiment que c’est ça, les images m’ont beaucoup marquées. Je me prends vite dedans, et j’ai beaucoup appris. On peut vraiment s’échapper avec le cinéma, et c’est quelque chose de trop important dans ma vie, ça ne m’a jamais quittée.

© Hymen Bourafai, avec Clémentine Chardonnet, Julie López & Solène Cobigo

Qu’est-ce qui t’a attiré en premier lieu dans les films auxquels tu as contribué ?

Je pense que c’est les gens qui m’entourent. J’ai toujours fait des projets avec des amis, qui avaient le même attachement que moi pour le cinéma. Depuis quelques temps, je fais plus attention aux sujets qu’on me propose. Avant, dès qu’on avait un projet, on le faisait, c’était pour le plaisir de tourner, on se fichait un peu du résultat. Ça a beaucoup changé quand je suis entrée en faculté. J’ai croisé des gens qui avaient vraiment envie de traiter de sujets précis. Et j’étais toujours là en amont des projets. J’aime bien suivre l’écriture jusqu’à la fin du processus.

C’est pour ça que tu t’es orientée dans la production ?

Oui c’est ça. J’ai compris après que ce que j’aimais c’était la production. J’aime tout voir. Par exemple, un des films sur lequel j’ai travaillé, Terre Terre, c’est celui qui a été le plus cool et le plus personnel. On a essayé de faire les choses le plus professionnellement possible. C’est un projet qui n’aurait pas pu naître sans les deux amies que j’ai rencontrées et avec qui on a passé beaucoup de temps ensemble à travailler sur ce film. D’ailleurs, c’est marrant, la question du film c’est celle que tu m’as posée au début, c’est “pourquoi on en est venu au cinéma ?”. On a aussi chacune une double culture, ce qui a été intéressant pour le film. Maintenant, le sujet et la façon dont on va le traiter, je ne peux plus le différencier, pour moi c’est la même chose, la force du cinéma elle est là. Le film est grand quand la forme et le fond sont indissociables. C’est ce que j’essaie de faire. Pour résumer, c’est les gens, je ne pourrais pas travailler avec des gens avec qui je ne m’entends pas. C’est vraiment important pour moi.

© Alyse Depiat

En tant que femme de culture franco-algérienne, as-tu rencontré des difficultés à travailler dans le cinéma ?

Clairement je n’ai jamais vraiment rencontré de problème, parce que je ne me suis jamais posée la question. Mais c’est vrai que je n’ai pas croisé grand monde qui me ressemblait pendant mes études. La question ne s’est pas vraiment posée. Mais ça ne m’a pas plus ou moins desservi. Pendant mes stages, la majorité des gens avec qui je travaillais étaient des hommes blancs âgés, et c’est étrange quand on est jeune de diriger ces personnes. Le problème, il était même présent avant, avec tous ces métiers que je croyais inaccessibles. C’est peut-être lié au fait qu’il n’y avait pas de représentation, qu’il y avait une barrière culturelle. Je ne sais pas vraiment en fait. Aujourd’hui, au contraire, je trouve que c’est une richesse. Sur mon dernier stage par exemple, je travaillais sur un projet autour de la communauté juive. Ils discutaient beaucoup de choses liées à la culture judaïque, certes une majorité d’hommes bien que je crois que c’est l’équipe la plus diversifiée avec laquelle j’ai travaillé. Il y avait des jeunes sur plusieurs postes et des femmes à des postes là aussi très différents comme des actrices, des intervenantes, des maquilleuses et à la production. Mes origines ont je crois été un plus, cela m’apportait une vision différente.

Est-ce que tu as des projets en préparation ?

En ce moment je travaille avec Camelia Benamrane-Benlembarek sur son dernier film, Algérie 2019, qu’on est en train de terminer et qu’on souhaite projeter en festival. C’est une nouvelle démarche. Envoyer des films en festival, je ne pensais pas que c’était aussi compliqué, c’est vraiment technique, c’est une étape comme une autre du projet, il faut savoir l’organiser. Et c’est surtout de le porter le plus loin possible, que plein de gens le voient. Après j’ai plusieurs idées, je suis en train de les développer. L’idéal serait de faire un long métrage également. J’écrivais un peu avant, ça me plairait de m’y remettre. Le plus compliqué ensuite va être de vivre de tout ça. Si j’y arrive, je serais très contente.

Propos recueillis par Quentin Coutanceau

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