Alexandre Messina, Les Marais Criminels
Alexandre Messina envisage l’entreprise de réalisation comme un parcours de recherche. Il admet la difficulté de concilier une volonté d’originalité avec une réalité cinématographique dont l’horizon serait en quelque sorte arrivé à son extrêmité. Il s’agit de révolutionner non plus sur la forme, puisque tout semble avoir été fait par les plus grands, mais sur le fond. Il se concentre donc sur ce qu’il appelle « l’âme des personnages », le ressenti des acteurs, leur mécanique d’incarnation.
C’est pour cela qu’il a choisi de très peu écrire le scénario des Marais Criminels, laissant ainsi une grande liberté à ceux qu’il dirige et une grande place à l’émotion brute. Il refuse toute tentative de conditionnement du spectateur ; tout décrire sur le papier jusqu’au dernier battement de cil est pour lui plus qu’une aberration. Entreprise louable mais très peu appréciée par les sociétés de production amarrées à la notion de rentabilité. Fort heureusement, il a rencontré des individus qui ont cru en lui et l’ont aidé à mener à bien ce projet. Il cumule ainsi les casquettes de réalisateur, co-scénariste et producteur. Responsabilités lourdes à porter mais c’est un passionné, passionné exigeant qui aime avant tout partager, échanger et faire découvrir.
Alexandre Messina raconte qu’il a découvert le Marais Poitevin un peu par hasard et a été immédiatement séduit par l’atmosphère des lieux. L’omniprésence de l’eau, la tranquilité des espaces, semblaient le meilleur refuge pour ses deux héroïnes en mal d’amour à la recherche d’elles-mêmes. Afin de pousser l’expérience à son paroxysme, internet, télévision et téléphones portables ont été bannis du tournage, obligeant les deux jeunes actrices principales Céline Espérin et Ophélie Bazillou à une introspection parfois douloureuse. Ce processus de création pourrait paraître extrême, néanmoins il a permis aux individus de se révéler, de se réincarner et d’apporter fraîcheur et intensité au récit : « Il y a une grâce sur ce film que je n’ai rencontré nulle part ailleurs », précise t-il.
En amenant ainsi les êtres à se dépasser, Alexandre Messina offre au spectateur un univers rempli d’idéaux brisés et de rêves inaccomplis, qui puise sa force dans le renouvellement constant des individus et de leurs aspirations. Ce film est le projet d’une décennie mais pas celui de toute une vie, alors à quand le prochain ?
Ranjitha Delebecque
Sortie le 3 mars 2010
Interview express d’Alexandre Messina
Le premier événement artistique marquant de votre vie ?
J’avais onze ans et j’ai raconté La chèvre de Monsieur Seguin à la classe de mon petit frère qui avait quatre ans de moins que moi. Médusés, ils m’écoutaient bouche bée et c’est à partir de là que j’ai ressenti le besoin d’écrire des histoires. Par peur du jugement je suis longtemps resté amateur jusqu’à ce que j’admette que c’était une passion.
Existe t-il un espace qui vous inspire ?
Dès qu’il y a la mer, peu importe le pays.
Quelle est votre idée de la consécration artistique ?
Ne plus être jugé. Parvenir à faire les projets dont on rêve de manière instantanée sans avoir à se soucier des contingences matérielles.
Quelles sont vos obsessions et comment nourrissent-elles votre travail ?
Comment concilier un travail d’auteur avec un système commercial et faire des films indépendants et populaires.
Quelle dimension prend votre travail dans votre vie et quel sens prend-il ?
Je ne connais pas les vacances, tout est analysé en permanence en fonction de la dynamique productrice. Au détriment de la vie privée, bien sûr.
Propos recueillis par Ranjitha Delebecque
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