Adieu Falkenberg – Jesper Ganslandt
Adieu Falkenberg est une vraie surprise. Réalisé en 2006 par un jeune réalisateur suédois âgé d’à peine 25 ans, ce film sincère et autobiographique marque les esprits grâce à son thème universel et par l’honnêteté de ses interprètes. C’est sur un coup de tête que le cinéaste Jesper Ganslandt décide de revenir dans sa petite ville natale de Falkenberg. Son objectif est alors de filmer ses souvenirs d’adolescence lorsque lui et ses proches étaient en proie aux doutes et à la peur de passer à l’âge adulte et de devoir prendre des décisions cruciales. Autofinancé, il aura tourné cent heures de rushes et passé trois ans en salle de montage pour parvenir à réaliser un film parfois long mais attachant et émouvant. Artistik Rezo l’a rencontré lors de son passage à Paris à l’Institut Suédois.
Quand vous est venue l’idée de réaliser un film sur votre ville natale de Falkenberg ?
J’ai toujours voulu faire un film sur Falkenberg. Cette idée trottait dans ma tête depuis longtemps et je voulais filmer cette fin d’adolescence et ce passage vers l’âge adulte avec les uns qui restent et les autres qui partent. On a donc commencé à parler du scénario avec mes proches et amis afin de retranscrire au mieux notre passé. Mais le déclencheur a été mon départ pour Stockholm à l’âge de 18 ans.
Qui sont les acteurs du film ?
Il s’agit d’acteurs non professionnels puisque ce sont mes vrais amis accompagnés des membres de leur famille et quelques habitants de Falkenberg. L’objectif était de se rapprocher le plus possible de la réalité.
Etait-il difficile de les convaincre de jouer dans le film ?
Au moment du tournage, personne ne pensait que le film sortirait sur les écrans. Tout le monde avait donc donné son accord et a immédiatement joué le jeu.
Qu’ont-ils pensé une fois le film terminé et projeté ?
Trois ans se sont passés entre le tournage du film et son montage final. On a donc décidé d’organiser une séance spéciale à Falkenberg où tous les habitants furent invités à une projection spéciale. Les gens ne savaient pas trop quoi penser du film au début mais il fut au final très bien accueilli. J’étais très anxieux à l’époque. Je pense qu’ils ont été heureux de voir un film original sur leur ville. Mais celle-ci n’a pas évolué pour autant. J’ai surtout entendu dire qu’ils étaient assez fiers qu’un film évoque leur ville. Pour moi, ce long-métrage n’est pas une histoire sur Falkenberg mais davantage un film sur les questions que de jeunes adolescents peuvent se poser sur leur avenir.
Jusqu’à quel point votre film est-il autobiographique ?
Un film ne peut être à 100% autobiographique sauf s’il s’agit d’un documentaire. La plus grosse partie du film reste du vécu, à hauteur de 65%. Au début du film par exemple, l’un des personnages mange du bacon devant sa mère qui lui demande s’il est déprimé pour manger aussi gras. C’est une histoire dont j’avais déjà entendu parler et par respect, j’avais fait la demande pour la retranscrire à l’écran. Trois ans plus tard, lors de la projection à Falkenberg, la personne à qui j’avais demandé la permission d’utiliser cette anecdote est venue vers moi pour me féliciter de cette scène mais en ayant totalement oublié que cela lui était véritablement arrivé ! Quand la fiction dépasse la réalité !
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Avez-vous créé des personnages de toutes pièces ?
Vous êtes forcément obligés de créer des personnages quand vous réalisez un film. L’idée principale était de partir avec ce que nous avions, prendre les éléments les plus importants et commencer à peindre la fiction. Nous ne nous sommes mis aucune restriction.
Vous jouez dans le film le personnage qui revient dans sa ville natale après l’avoir quittée. Etait-ce important d’apparaître dans « Adieu Falkenberg » ?
Pas forcément. C’était plutôt naturel et il ne s’agissait pas d’un grand rôle. De plus, mon rôle n’est pas à 100% autobiographique, mais s’inspire de ma vie et de quelques autres personnes. Il s’agit ici d’un jeune qui fait souvent des allers-retours entre sa ville et l’étranger. Je n’ai jamais autant voyagé que lui.
L’amitié entre John et Holger est très animale par moments, voir ambiguë. Etait-ce un parti pris ?
Je voulais montrer une relation particulièrement forte entre ces deux amis. S’ils passent autant de temps dans la nature, c’est parce qu’elle offre une sorte d’échappatoire à la vie quotidienne. L’eau, les arbres, l’herbe sont des refuges pour eux. J’ai avant tout montré ce qu’est une vraie amitié entre deux proches.
Quelle a été la scène la plus difficile à tourner ?
Je pense qu’il s’agit de celle où l’un des personnages n’ose pas dire à son frère ce qu’il vient de se passer et se met à courir comme un fou. Il s’agit d’une scène clef mais aussi un moment fort pour nous tous. On avait l’habitude d’improviser pour quelques séquences, mais il s’agissait ici de répéter la scène pour la rendre particulièrement réaliste.
Malgré ses aspects sombres, le film reste optimiste…
Je suis d’accord. Le message principal a toujours été présent, mais il y avait tellement de chose que l’on souhaitait aborder. Au moment du tournage, on ne savait pas vraiment écrire de script. Rien n’était planifié. Nous avons décidé de partir à Falkenberg avec du simple matériel et un directeur de la photographie, puis de tourner tout ce qui s’offrait à nous. C’est pour cela que le montage a duré aussi longtemps. Avec les images que nous avions, nous aurions pu faire trois à quatre films différents. Ce n’est qu’au bout du deuxième montage, un an et demi après le tournage que j’ai décidé de faire un film optimiste sur la vie qui continue malgré les moments tragiques que l’on peut vivre ou connaître. J’aime particulièrement la fin et son générique avec ces photos qui défilent.
La musique est très présente dans le film. Comment avez-vous travaillé avec votre compositeur ?
On vivait tous dans une maison durant le tournage du film et le compositeur faisait aussi partie de l’aventure. Il a composé durant tout le long du projet, de la période de tournage jusqu’au montage final. Lui aussi revenait à Falkenberg et cela l’a beaucoup inspiré.
Pourquoi le montage a-t-il pris trois ans ?
En fait, il s’est fait sur trois ans. J’avais plus de cent heures de rushes et il me fallait faire un gros travail de montage. Comme nous avons autofinancé le film, il me fallait aussi travailler après le tournage pour pouvoir vivre. Lors du premier montage, je suis arrivé à trente minutes de film quand j’ai réalisé que ce n’était pas du tout ce que je souhaitais montrer au public. J’ai donc laissé reposer un peu le projet avant de reprendre à nouveau le montage. Au bout de deux ans, un producteur a découvert le projet et a souhaité participer au film en finançant toute la post-production qui a pris au final un an.
On peut voir des images d’archives filmées en 8 mm. D’où vient cette vidéo ?
Il s’agit réellement d’images prises par les parents de John et Holger durant leur jeunesse. Ils ont aimablement accepté de montrer ces images. Je ne sais toujours pas pourquoi ils ont accepté mais c’est vraiment généreux de leur part.
Comment pourriez-vous décrire la ville de Falkenberg ?
C’est une ville touristique. Vous y allez en été pour nager dans l’océan et vous vous allongez à la plage. La ville est en revanche totalement endormie en hiver.
Vous y retournez tout de même encore aujourd’hui ?
Oui, j’y ai d’ailleurs un mariage en juin prochain !
Votre vision de Falkenberg a-t-elle changé ?
Elle est complètement différente. Il s’agit d’une petite ville charmante pour moi maintenant. Je n’arrive plus à y trouver de forts sentiments émotionnels. Ils résident dans le film. Mais j’aime y retourner tout de même de temps en temps.
Le film a-t-il été sélectionné dans plusieurs festivals ?
Le film a été présenté à Venise et Toronto et a tourné pendant deux ans dans d’autres festivals. Ce fut une expérience parfois difficile car je ne savais pas quoi attendre du public mais ce fut incroyable de pouvoir le montrer à des spectateurs différents. Dans l’ensemble, les réactions ont été similaires et j’en suis très heureux car ce film est pour moi universel.
Propos recueillis par Edouard Brane
Adieu Falkenberg
Un film de Jesper Ganslandt
Sortie le 12 mai 2010
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