Adama, mon Kibboutz, de Dror Shaul
Au fil des saisons, un an de la vie de Dvir va s’écouler sur fond de couleurs sépias, de paysages changeants, de lieux et de personnages qui deviennent vite familiers.
Une réalité cruelle
A travers les yeux du jeune garçon, c’est la vie du Kibboutz que l’on découvre : une vie dictée par un monde d’adultes, une vie d’enfermement, une vie qu’il commence à percevoir dans ses aspects les plus cyniques. L’envers du décor de ce lieu qui prône l’égalité et la solidarité s’ avère une réalité cruelle faite de mensonge et de non-dits. C’est le rejet par la communauté du compagnon de sa mère, un non-juif venu de Suisse, qui va plonger cette femme fragile et déjà veuve dans une détresse qui deviendra folie. Dvir assiste impuissant à l’internement par la force de celle-ci, à l’acharnement d’une communauté qui n’aime pas la différence et la condamne dans la plus grande hypocrisie. Dvir déchante. Cette hypocrisie, c’est celle de ses éducateurs qui prônent les relations sexuelles au sein du mariage et qu’il surprend dans un champ, ce sont ces hommes qui condamnent la conduite de sa mère et se glissent dans son lit les nuits d’ivresse, ce sont ses grand-parents qui tentent de le faire sourire en l’éloignant de sa mère, c’est ce voisin respecté qui se livre à des activités zoophiles.
Face à la grande détresse psychique de sa mère et en l’absence d’un père qu’il n’a pas connu, Dvir tente seul de l’aider et de survivre. En prenant la mesure de cette dure réalité et malgré tous ses efforts pour guérir sa mère du mal qui la ronge, il finira pas comprendre qu’une seule possibilité est envisageable : fuir. Fuir, c’est justement ce qui a conduit son père au suicide, victime d’un environnement qui le muselait. L’enfermement est aussi bien psychique que physique et peut conduire à la mort. La caméra ne sortira d’ailleurs à aucun moment du Kibboutz, s’arrêtant à l’arrêt de bus, lieu de tous les déchirements et de tous les espoirs.
Au-delà d’une mise en scène réaliste de la vie d’un Kibboutz, le réalisateur pose la question de la survie de l’individu au sein de la communauté. Comment des personnalités peuvent y éclore et s’épanouir librement quand tout est mis en place pour les façonner ?
L’individu et la vie en communauté
La construction individuelle au sein du Kibboutz est au cœur du propos. Malgré l’amour d’une mère, d’un homme, d’un frère, d’un fils, d’une amie, c’est l’affirmation du moi qui y est mise en danger. La scène d’ouverture met en scène cette dépersonnalisation : une femme, face à une rangée de biberons de lait est chargée de déterminer grâce à un tableau électrique d’où viennent les pleurs des bébés dont elle est chargée. Ces nouveaux-nés ne sont qu’une sonnerie et un numéro de chambre. Les enfants ne vivent pas avec leurs parents et sont immergés dans une vie de groupe dès leur naissance, et cette dépersonnalisation deviendra presque négation de l’identité. En témoigne également un épisode de vie de classe où Dvir et ses camarades sont punis pour avoir chahuté et crié, y compris son ami pourtant muet. L’égalitarisme devient absurdité. L’innocence de l’enfance, l’amour et l’amitié permettent à Dvir de survivre et d’espérer, mais ce n’est plus le cas pour une mère dont l’épanouissement personnel a trop souvent été brimé.
Le penseur Noam Chomsky évoquait à propos des Kibboutz un « autoritarisme », une « incroyable pression du groupe », l’exclusion sociale et une « dynamique de conformisme » menant à la perte de jugement. Et justement, ce jugement tous ne l’ont pas perdu. Ce constat semble être celui du réalisateur, qui loin de blâmer les membres du Kibboutz et leur idéal, propose une vision singulière et réaliste de la vie en société. Il pointe avec justesse les contradictions d’un univers qui en enferme certains, mais qui attire des occidentaux libres et séduits par cette vie peu ordinaire.
Le réalisateur Dror Shaul se fait le témoin d’un monde fait de contradictions, d’un monde marqué par le bonheur de l’enfance et empreint d’une individualité cruelle. Le regard est critique sans être accusateur et pointe avec réalisme et poésie la détresse humaine que la vie en communauté a pu engendrer, loin du dessein des premiers Kibboutz.
Cassandre Bournat
Adama, mon Kibboutz, un film de Dror Shaul
Sortie le 16 décembre 2009
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