Waris Dirie
Quel effet ça vous fait de voir votre vie transposée sur grand écran ?
C’est irréel. Je vais souvent au cinéma et quand j’ai vu ce film sur ma vie, c’était étrange, bizarre. Je crois que je n’aime pas l’idée de me voir regarder ma vie.
Que pensez vous de la vision que Liya Kebede (la comédienne principale) et Sherry Hormann (la réalisatrice) proposent de vous ?
Liya a fait un travail formidable. Elle m’a étonnée. Je la connaissais comme mannequin mais je ne voulais pas prendre de décisions sur le film. Je n’avais qu’un désir, c’est que le spectateur en sorte tremblant, en colère et triste à tel point qu’il se sente obligé de faire quelque chose dans la seconde. Et cet esprit, le film l’a. Tout le reste ne me concerne pas.
Pensez vous qu’il y ait eu une évolution positive de la question de l’excision depuis votre enfance ?
Je ne vois aucune évolution. Je vois des changements, ce qui est bien même si ce n’est jamais assez puisque le problème est encore là. Le changement c’est que je suis devant vous aujourd’hui, que l’Afrique me regarde. Mais laissez-moi vous dire que cela doit aller plus vite que précédemment, que tout ça doit être arrêté, que c’est un crime à l’encontre des filles et des femmes. C’est une souffrance qui les suit toutes leurs vies et que vous ne pouvez même pas imaginer. Et je suis triste de me voir assise ici à essayer de convaincre le monde que quelque chose de vraiment mal se passe. J’en ai juste assez et je suis tellement frustrée parce que je ne sais pas quoi faire de plus. Je me suis mise à nue, j’ai donné tout ce que j’avais. J’ai envie que les gouvernements, les politiques, l’Afrique prennent parti contre ce crime, qu’ils s’engagent pour que quiconque pratique l’excision soit puni immédiatement. C’est maintenant au reste du monde de prendre le relais. Je vous ai transmis mon savoir et mon âme pour vous montrer cette réalité. Déjà quinze pays africains disposent d’une loi contre ces mutilations. Mais il ne suffit pas de voter des lois il faut les appliquer et punir sévèrement ceux qui les transgressent.
Encore très jeune vous avez traversé le désert pour échapper à un mariage forcé, vous auriez même échappé à un lion. Depuis vous revendiquez une mission, celle de stopper les mutilations génitales féminines. Est-ce que votre carrière dans la mode n’a été qu’une étape de cette mission ?
Cette mission va au-delà de ce que j’ai déjà accompli et que je continuerais d’accomplir. J’ai encore tellement à faire. Les raisons qui ont fait que le Tout-puissant m’a permis de survivre à toutes ces épreuves sont ce but dans ma vie, je crois sincèrement que j’ai une mission à accomplir et que ce n’est que le début de l’aventure. Je suis plus que reconnaissante de pouvoir donner, voir que je peux aider les gens à quitter la souffrance quelle qu’elle soit. Je ne souhaite de mal à personne. L’amour et le respect c’est finalement tout ce dont nous avons besoin. Avec ça, on peut accomplir plus, se connaître mieux. La vie ne devrait pas être si compliquée, avec toute cette violence, ces manipulations, cette avidité, cette confusion… Mon souhait le plus cher, c’est de l’aide pour la jeunesse d’aujourd’hui, ceux que j’appelle la génération perdue parce qu’ils sont les héros de demain.
Vous parlez de racisme dans votre livre à paraître Black Woman White Country…
Effectivement ce sera dans ce nouveau livre. Il y a tant de choses que j’ai à dire au monde, des choses que je vois tous les jours et qui ne sont pas justes. Je demande et mérite amour et respect parce que c’est ce que je donne en retour. Mes sentiments parlent pour moi, je n’ai pas de mal à les exprimer (rires).
Vous êtes une sorte de rebelle… comment gérez vous ça ?
Mais vous ne m’avez pas encore vue à l’œuvre. Je compte bien mettre le feu à la planète et tout particulièrement l’Afrique (rires).
Entretien réalisé avec la complicité de Falila Gbadamassi pour Afrik.com
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Un film de Sherry Hormann
Avec Liya Kebede, Sally Hawkins et Timothy Spall
Sortie le 10 mars 2010
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