La Vie domestique – drame d’Isabelle Czajka
Quatre femmes, la quarantaine. Leur seul point commun : être arrivées dans cette banlieue chic de Paris. L’une attend un gamin, l’autre une réponse pour un job qui changerait sa vie, la troisième son mari qui ne rentre pas souvent… Une enfant disparaît…
La scénariste Isabelle Czajka a brossé quatre portraits fulgurants de lucidité et d’intelligence qu’elle articule autour de deux thématiques : l’enfermement et l’amour. Tendant un piège temporel (l’action se déroule sur 24 heures au cours desquelles un enfant disparaît alors qu’un autre massacre un canapé à coup de stylo. Mais la priorité sera accordée à celui des deux événements qui réellement rompt un équilibre dans cet ordre bien établi et assez égoïste des choses) comme pour mieux créer un état d’urgence, elle regarde ses personnages se débattre dans un autre enfermement, spatial, celui-là. Les maisons (qui témoignent d’un remarquable travail du décorateur), d’une froideur aseptisée qu’on n’ose toucher qu’avec les yeux vont catalyser à l’échelle individuelle cet enfermement au même titre que le quartier, malgré ses espaces verts (rapidement peu synonymes d’évasion…) embastillent cette communauté bourgeoise enferrée dans sa petite existence. La seule sortie consiste à s’enfermer dans un centre commercial ou une salle de cours, ouverture cependant vers un monde bruyant, polymorphe, en un mot vivant.
Mais ce couvercle qui pèse comme chape de plomb sur ces femmes ne fait naître aucune véritable empathie. On ne les envie pas certes, mais sans pour autant les plaindre. Un amour existe et la scénariste le distille habilement comme cimentant les couples. Avec indulgence, Juliette supporte les amis de son époux, lui-même pesant à force d’être brillant. Et un peu ridicule, bien sûr. Et du ridicule au rire, il n’y a qu’un pas que fait allégrement franchir un dialogue bourré de bons mots, de piques assassines, de compliments qui se muent en diatribes et qui désamorcent tout pathos. La cinéaste a par ailleurs eu l’idée géniale de faire vivre ses personnages sous les traits de quatre comédiennes au sommet : la trop rare Julie Ferrier, actrice caméléon par excellence, Natacha Reigner fragile dans sa force maternelle, la superbe Helena Noguerra dans une composition plus frivole et bien sûr, pilier de cette histoire l’incandescente Emmanuelle Devos, la comédienne à la filmo parfaite qui y ajoute ici un nouvel opus et pas des moindres. On vit cette « Vie domestique » comme une petite musique dont les tonalités nous renvoient à nos propres partitions, un zeste de folie en plus. A la fois drôles et tragiques, ces 24 heures de la vie de quatre femmes nous laissent juste, malgré un plan final impeccable, avec cette envie de passer en leur compagnie la semaine entière, le mois complet…
Franck Bortelle
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La Vie domestique
D’Isabelle Czajka
Avec Emmanuelle Devos, Julie Ferrier, Natacha Régnier, Helena Noguerra et Laurent Poitrenaux
Durée : 93 min.
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