Festival de cinéma en plein air de la Villette 2012 – Métamorphoses
Transformation imprévue, que cet artisan naïf et génial eut tôt fait de reproduire de façon organisée et systématique. Il multiplia les féeries, changea les fleurs en femmes et les femmes en étoiles, fit apparaître et disparaître le Diable ou les habitants de la Lune, ouvrant aux premiers spectateurs du XXe siècle les portes battantes de l’imaginaire. Mais le spectacle n’avait pas attendu l’invention des frères Lumière pour faire rêver ses clients : cent ans auparavant, en pleine Révolution, Robertson projetait ses fantasmagories lumineuses, transformant ses personnages dessinés en squelettes et saisissant d’un effroi délicieux le public du couvent parisien des Capucines. Plus que par l’observation du réel, c’est par les transformations qu’il lui a fait subir que le cinéma a imposé sa fascination de manière durable : il y a soixante ans déjà, plutôt que Le Voleur de bicyclette, Boris Vian préférait les rêves en carton-pâte et les monstres à huit pattes…
L’écran a pris le relais pour magnifier les métamorphoses imaginées par les écrivains. Alice, parvenue de l’autre côté du miroir des merveilles, se change en géante ou en souris, la Bête se transforme en prince pour plaire à la Belle et Mr. Hyde se met dans la peau du Dr. Jekyll. Ce sont là des choses familières pour le spectateur, agréables moyens d’échapper à la pesanteur des choses. Chacun a rêvé d’agir sur l’ordre du monde, de devenir en un éclair un super-héros, d’oublier, le temps d’une revanche virtuelle, la réalité et ses “terrifiants pépins” dénoncés par Prévert. Et il n’est rien de plus agréable que de frémir devant des dangers qui menacent, confortablement à l’abri dans sa chaise longue. Place donc à l’homme qu’un nuage radioactif va faire rétrécir à l’infini, aux habitants de Santa Mira devenus haricots géants après intervention martienne, au savant fou qui va se voir pousser des ailes de mouche, au marionnettiste miraculeusement glissé à l’intérieur de John Malkovich…
Mais le cinéma a su s’attarder sur d’autres métamorphoses, moins voyantes mais tout aussi véritables, qui concernent non plus l’apparence des êtres, mais leur moi profond. La transformation de Clint Eastwood, retraité américain fier de sa race et de sa Ford Gran Torino 1972 en protecteur de ses voisins coréens, ou le triomphe de Catherine Deneuve, épouse d’industriel longtemps tenue pour une potiche et qui révèle sa vraie nature, participent d’un mouvement similaire.
Certes, leur métamorphose s’effectue en douceur, mais ce n’est pas la rapidité qui importe. Seul le résultat compte. Et, bien que moins tapageuse, la transformation du lycéen banlieusard lentement touché par la grâce de Marivaux est aussi radicale que celle de Clark Kent enfilant sa cape de Superman – simple question de dimension. « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses » a écrit Paul Éluard. Le temps de vingt-cinq soirées d’été, entre Le Solitaire, métamorphose intime, et Hair, métamorphose utopique d’une société tout entière, le cinéma de la prairie va contredire la parole du poète.
Lucien Logette Conseiller artistique
Programme :
Juillet
- Mercredi 25 : Le Solitaire de Michael Mann
- Jeudi 26 : La Science des rêves de Michel Gondry
- Vendredi 27 : Chamonix de Valérie Mréjen + Gran Torino de Clint Eastwood
- Samedi 28 : Alice au pays des merveilles de Tim Burton
- Dimanche 29 : Les Passagers de la nuit de Delmer Daves
Août
- Mercredi 1er : La Merditude des choses de Felix Van Groeningen
- Jeudi 2 : Good bye, Lenin ! de Wolfgang Becker
- Vendredi 3 : C’est plutôt genre Johnny Walker de Olivier Babinet + A History of Violence de David Cronenberg (Int -12 ans)
- Samedi 4 : Volte/Face de John Woo (Int -12 ans)
- Dimanche 5 : Chérie, je me sens rajeunir de Howard Hawks
- Mercredi 8 : L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold
- Jeudi 9 : Looking for Eric de Ken Loach
- Vendredi 10 : Papier glacé de Jean-Luc Perreard + District 9 de Neill Blomkamp
- Samedi 11 : Potiche de François Ozon
- Dimanche 12 : Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schatzberg
- Mercredi 15 : Un homme, un vrai d’Arnaud & Jean-Marie Larrieu
- Jeudi 16 : Poetry de Lee Chang-dong
- Vendredi 17 : Souffle de Delphine & Muriel Coulin + Virgin Suicides de Sofia Coppola
- Samedi 18 : L’Étrange Histoire de Benjamin Button de David Fincher
- Dimanche 19 : La Mouche noire de Kurt Neumann (Int -16 ans)
- Mercredi 22 : Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze
- Jeudi 23 : L’Esquive d’Abdellatif Kechiche
- Vendredi 24 : Comment on freine dans une descente d’Alix Delaporte + L’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel
- Samedi 25 : Superman de Richard Donner
- Dimanche 26 : Hair de Milos Forman
Festival de cinéma en plein air de la Villette – Métamorphoses
Du 25 juillet au 26 août 2012
Projection à la tombée de la nuit
Parc de la Villette
211, avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
A découvrir sur Artistik Rezo :
– les festivals de l’été 2012
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