Les Yeux de Bacuri – drame de Maria de Medeiros
En portugais brésilien, Les Yeux de Bacuri s’appelle : Repare bem. Strictement : répare bien, dans le sens physique mais aussi moral. Eduardo Leite « Bacuri » , c’est le surnom de ce jeune et bel activiste des années 1970, capturé et torturé alors que la dictature militaire brésilienne bat son plein. Mais le film ne nous parle pas directement de la grande Histoire, il va falloir y rentrer doucement, précautionneusement. D’abord par un extrait d’Une journée particulière, film d’Ettore Scola (1977), qui évoque la motée angoissante du fascisme. Pourquoi commencer par cet angle ? Parce que la compagne de Bacuri, Denise Crispim, a hérité de l’appartement où le film de Schola a été tourné, en réparation des mauvais traitements qu’elle a subi. Joli clin d’œil de l’Histoire.
Dans ce quotidien d’une mère et de sa fille, réfugiées en Europe, qui en Italie, qui en Hollande, la mère se souvient, la fille peint et restaure des tissus, les répare, les recoud. Intimité étrange, lointaine, face-à-face progressif, il faut batailler pour s’intéresser pas à pas à ces destins frappés de tragédie.
De cette famille militante depuis des générations, où les femmes sont ouvrières, où les hommes luttent, naît une sensation d’éclatement : la vision de la lutte, entre la mère torturée, fille de révolutionnaire, et sa fille orpheline de père, quasi-posthume, frêle et douce, ne peut être pratiquement qu’antagoniste : tant de souffrances, cela est-il utile ?
Alors que la mère, Denise, a contribué à la séquestration d’un consul japonais afin d’exiger le retour de camarades emprisonnés, se faisant elle-même séquestrer et torturer (enceinte !) par la suite, la jeune femme, Eduarda, tente tente laborieusement de reconstituer une mémoire arrachée : une photo, un pull… sont tout ce qui lui reste du père disparu. Le film traite de la difficulté à faire face : à une mère, dure et héroïque, à un père, absent et sanctifié, mais mort. Afin de vivre heureux, il faut réparer ce qui a été brisé. Et aussi sortir de ce rapport froid, idéologique, qui peut remplacer les sentiments quand la vie a été trop cruelle.
Ce film, réalisé à la demande de la commission d’Amnistie et Réparation du ministère de la Justice, qui se consacre à la réparation des victimes de la dictature des années de plomb, cherche un distributeur.
Mathilde de Beaune
Les yeux de Bacuri
De Maria de Medeiros
Avec Denise Crispim, Eduarda Ditta et Crispim Leite
Durée : 95 min.
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