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Sacha Guitry

17 mai 2013
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Sacha Guitry

Alexandre Guitry, dit « Sacha », naît à Saint-Pétersbourg en 1885. L’enfant doit son prénom à son parrain, le tsar Alexandre III, admirateur de son père. Car Lucien Guitry, est un tragédien de renom et fréquente les plus grands artistes comme Sarah Bernhard. Il donnera d’ailleurs à son fils l’opportunité de jouer à la cour. Les parents de Sacha divorcent et l’enfant découvre la France à l’âge de cinq ans. Le rejeton n’est pas scolaire. C’est le moins qu’on puisse dire; il s’avère même un véritable cancre à l’école. Renvoyé d’établissement en établissement, il redouble dix fois sa sixième. Un calvaire qui prend fin à ses 18 ans, alors qu’il se consacre enfin à sa véritable vocation : le théâtre. Il signe sa première pièce, La Page (1901), et fait ses premiers pas sur les planches, sous le pseudonyme de Jacques Lorcey.

Sacha Guitry connaît une réussite fulgurante. Il est remarqué à seulement 20 ans, avec sa deuxième pièce, Nono (1905). Il se brouille bientôt avec son père dont il épouse l’ex maîtresse, Charlotte Lysés, en 1907. L’écrivain aborde différents genres et signe des comédies musicales, drames, revues historiques ou opéras-bouffes. La Comédie française lui commande bientôt des pièces. Les succès s’enchaînent avec les œuvres Le veilleur de nuit (1911), Faisons un rêve (1916), Debureau (1918), Mon père avait raison (1919), Pasteur (1919), Mozart (1925), Désiré (1927) ou Le Nouveau Testament (1934). Le théâtre de Sacha Guitry s’inscrit dans la veine du boulevard. Successeur de Courteline ou Feydeau, il affranchit le Vaudeville des conventions de son époque, avec esprit et virtuosité technique. Il marie richesse de l’écriture, jeux de langage et grande rigueur dans la construction. Pessimisme ironique et nihilisme teintent ses œuvres, qu’il s’agisse de comédies ou de biographies sérieuses.

Tantôt traîné dans la boue, tantôt porté aux nues, une seule chose est certaine; Sacha Guitry ne laisse pas indifférent. L’artiste affiche une personnalité complexe et n’est pas toujours compris. Réputé pour sa désinvolture et son orgueil, il s’attire bon nombre d’ennemis et détracteurs. Il est blâmé pour sa « superficialité », ou pour sa prétendue misogynie. A la fin de la seconde guerre mondiale, le dramaturge est mis en examen, accusé de collaboration avec l’Allemagne, malgré son patriotisme et sa contribution à la délivrance de prisonniers de guerre et déportés. Cet épisode le marquera profondément. Son public en revanche, toujours fidèle, réserve triomphe sur triomphe à son œuvre. Les foules se passionnent pour ce grand orateur et ses cinq mariages successifs.

L’homme de théâtre se découvre cinéaste, malgré l’hostilité qu’il affichait dans un premier temps à l’égard du grand écran. Après une suite de portraits filmés, Ceux de chez nous (1918), consacrés à de grands personnages du patrimoine français (Sarah Bernhard, Claude Monet, Auguste et Jean Renoir…), il écrit Un roman d’amour et d’aventures (1918). Mais il faudra attendre 1935 pour le voir s’intéresser de plus près au cinéma et créer des histoires originales. Les films Pasteur (1935) et Bonne chance ! (1935) voient alors le jour. En 1936, Le roman d’un tricheur triomphe. Sacha Guitry filme également ses mises en scènes de théâtre. Féru d’histoire, il se lance encore dans des superproductions historiques, Si Versailles m’était compté (1954), ou des biographies, Le diable boiteux (1948). Il produit encore Assassins et voleurs (1957), une farce noire, ou Donne-moi tes yeux (1943), film documentaire sur l’Occupation. Le cinéaste qui s’offre des rôles importants dans ses films, s’entoure d’une pléiade de grands artistes et de talents prometteurs tels Fernandel, Jean Gabin, Jean Marais, Raimu, Michel Simon, Louis de Funes, Gaby Morlay, Arletty, Michèle Morgan..

Malade d’un cancer, Sacha Guitry s’éteint en 1957, à Paris. Il laisse derrière lui pas moins de 124 pièces de théâtre et une quarantaine de films. Les cinéastes de la Nouvelle Vague réhabilitent bientôt son œuvre cinématographique, considéré comme révolutionnaire. François Truffaut déclare à propos : « il n’a plus d’ennemis, puisqu’on lui reprochait avant tout d’être vivant.» Et son théâtre, incontournable, figure aujourd’hui parmi les plus joués en France.

Jeanne Rolland

Théâtre (sélection)

  • 1901 : La Page 
  • 1905 : Nono 
  • 1911 : Le Veilleur de nuit 
  • 1916 : Faisons un rêve 
  • 1918 : Debureau
  • 1919 : Mon père avait raison 
  • 1919 : Pasteur 
  • 1925 : Mozart 
  • 1927 : Désiré 
  • 1934 : Le Nouveau Testament 
  • 1937 : Quadrille

Cinéma

  • 1936 : Faisons un rêve
  • 1936 : Le Roman d’un tricheur 
  • 1936 : Mon père avait raison
  • 1937 : Les Perles de la couronne 
  • 1937 : Désiré
  • 1938 : Quadrille
  • 1938 : Remontons les Champs-Elysées
  • 1939 : Ils étaient neuf célibataires 
  • 1947 : La Poison 
  • 1948 : Le diable boiteux
  • 1953 : La Vie d’un honnête homme
  • 1953 : Si Versailles m’était conté
  • 1955 : Si Paris nous était conté
  • 1955 : Les Trois font la paire 
  • 1957 : Assassins et voleurs 

Citations

  • « On accepte l’idée qu’un homme sans valeur peut gagner de l’argent, mais qu’un homme de valeur parvienne à s’enrichir, on ne lui pardonne pas ! »

  • « Ô privilège du génie ! Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »

  • « Le peu que je sais, c’est à mon ignorance que je le dois. » (Toutes réflexions faites)

  • « Article 1 : le tabac est un poison. Article 2 : tant pis. »

  • « On n’est pas infaillible parce qu’on est sincère. » (Quadrille)

  • « On les a dans ses bras (les femmes) – puis un jour sur les bras – et bientôt sur le dos. » (N’écoutez pas, mesdames !)

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[Visuel : French actor, director, screenwriter and playwright Sacha Guitry (1885-1957). Date :  1931. Source : Bibliothèque nationale de France. Author : Agence de presse Meurisse‏. Domaine public. This image (or other media file) is in the public domain because its copyright has expired. This applies to Australia, the European Union and those countries with a copyright term of life of the author plus 70 years.]
 

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