Zoer : “Chacun de mes projets doit être porteur de sens”
Zoer est un artiste français mordu d’automobiles et de couleurs. De ses deux passions naissent des œuvres d’art des plus intéressantes.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours et votre obsession originelle pour les voitures ?
J’ai toujours aimé dessiner des voitures et des embouteillages depuis le plus jeune âge. Je demandais à ma mère de m’emmener dans des casses, des garages. Elle s’en est inquiétée et lors d’un rendez-vous chez le pédiatre, celui-ci l’a rassurée en lui assurant que je commençais à “constituer mon vocabulaire formel” et une esthétique propre. Pendant le lycée, j’ai commencé le graffiti : j’en ai fait pendant plus de dix ans. Parallèlement, après le baccalauréat, j’ai étudié le design industriel. J’ai alors réalisé que si j’aimais dessiner des voitures, je n’aimais pas cet objet en ce qu’il mettait en avant le statut social et l’apparence et qu’il était consommateur d’énergie et de matière. J’ai donc abandonné l’idée de devenir designer dans le domaine automobile. J’ai travaillé pendant plusieurs années au service de l’industrie ferroviaire : la conception d’un train véhicule à mon sens davantage des valeurs d’avenir.
Votre style est très coloré. Comment cela vous est venu ?
J’ai voyagé au Mexique où la peinture et le dessin sont des enseignements fondamentaux, la peinture murale y est très représentée. Ce pays m’a profondément inspiré. Je commençais alors à remettre en question l’utilisation de la bombe de peinture. Son caractère d’objet “tout fait” ne me permettait pas de comprendre la couleur. Son émissivité agressive ne correspondait pas à la façon dont je voulais intervenir dans la ville vis-à-vis des passants. Au pinceau ou au rouleau, tout est très calme. La peinture prend plus de temps et de logistique mais je peux ainsi en amont voir comment je vais construire mes couleurs et mon image. Très vite, les projets artistiques se sont multipliés, j’ai peu à peu quitté l’industrie pour me consacrer entièrement à la recherche artistique. J’utilise aujourd’hui mes outils de designer pour envisager une approche plastique plus large. Lorsqu’une question est posée, la réponse peut revêtir des formes très variées : la peinture n’est pas mon seul mode d’expression, je peux convoquer le volume, l’installation, la vidéo ou le son. La résolution doit être porteuse de sens quant à la question de départ.
Pouvez-vous nous parler de Tracks, ce projet dans lequel justement couleurs et formes se mélangent ?
Tracks est d’abord une réflexion autour de la dichotomie peinture/sculpture. J’ai réalisé une maquette de voiture à une échelle proche de 1. J’ai associé à ce volume des séquences colorées liées à la vitesse : je souhaitais donner l’impression d’une course de rallye qui défile à toute allure et où l’on ne verrait que des éclairs colorés faisant fondre le volume des voitures.
Votre recherche de la couleur s’est poursuivie notamment avec le projet impressionnant de Solara.
En 2016, j’ai découvert la plus ancienne casse de France qui réunissait de très anciens modèles. Avec le temps, j’ai fait connaissance avec le propriétaire, Michel, 80 ans, qui m’a informé de la nécessité de mise en conformité environnementale de son terrain afin de pouvoir cesser son activité. Or, le processus de dépollution dans son cadre réglementaire constitue une ineptie : à savoir transporter des hectares de terre à plusieurs centaines de kilomètres pour pouvoir la brûler, puis la ramener sur place. Cette solution est très coûteuse pour le propriétaire et ne fait que déplacer le problème. En 2019, j’ai mis en place avec Camille Leflon, le projet Solara. Nous souhaitions avant tout réaliser une œuvre vue du ciel, qui rende compte de l’impact collectif de l’utilisation individuelle de la voiture et de son cycle de vie. Question à laquelle Michel a réfléchi en œuvrant toute sa vie à l’économie de la pièce détachée et à la réparation. La voiture constitue un des objets industriels phares du 20e siècle et à mon sens un élément du patrimoine. Ce projet constitue la photographie d’une époque industrielle. Nous souhaitions ainsi muséifier les voitures pour illustrer un changement de paradigme. Mes recherches sur la couleur et le rejet de toute forme figurative ont fait naître l’idée d’un nuancier : 144 couleurs représentant 144 propriétés, individualités, familles ou métiers. À partir de ce projet et afin d’aborder la problématique écologique, j’ai organisé une collecte de fonds pour lancer des recherches sur la phytoremédiation des sols (extraction des métaux par les plantes). Grâce à la confiance de plus de 180 personnes, une cagnotte a été constituée pour financer les premières phases de recherche. Le laboratoire Econick, expert dans le domaine de l’agromine, a accepté de nous accompagner et délivre actuellement ses premiers résultats, en ayant localisé des espèces de plantes capables de dépolluer spécifiquement ce terrain. Nous soumettrons ensuite les résultats aux organismes réglementaires afin de faire valider le protocole. La réalisation de l’œuvre fut une très belle surprise pour le propriétaire. Je souhaiterais désormais une dépollution douce et non contraignante financièrement pour lui de son terrain.
Pouvez-vous nous dévoiler vos futurs projets ?
Je veux tout d’abord mener à bien le projet Solara. Puis continuer à peindre et à apprendre notamment dans le cadre de résidences. De manière générale, chacun de mes projets doit être porteur de sens.
Retrouvez le travail de Zoer sur son site en cliquant ici.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
À découvrir sur Artistik Rezo :
Zoer – Solara : une œuvre solidaire au service de l’environnement, de Nicolas Gzeley
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