Yoann Bac : entre réel et virtuel
Entre peinture, fond vert et incrustation numérique, les toiles de Yoann prennent vie et nous transportent dans une autre dimension. Rencontre avec un artiste innovant qui n’a pas fini de vous surprendre.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Yoann Bac, j’ai 22 ans, bientôt 23, je suis étudiant en design graphique à l’école Duperré et j’ai une pratique plastique qui tourne autour de la peinture et de la vidéo.
À quand remonte ta passion pour la peinture ?
Je pense que c’est venu au fur et à mesure, mais j’ai toujours été très manuel. Quand j’étais petit, j’adorais dessiner, peindre et faire de l’aquarelle chez ma grand-mère. D’ailleurs, j’ai retrouvé ma première toile il y a peu : un dessin de Pinocchio, c’était assez mignon ! C’est par la suite, au collège, que j’ai été influencé par des amis qui faisaient un peu de graffiti. C’est à ce moment que j’ai commencé à remplir des carnets de dessins et à peindre sur toile. Tout part de là.
Comment qualifierais-tu ton art ?
Je pense que je suis un peu dans cette optique de vouloir créer quelque chose de nouveau et de vouloir réinventer les outils que j’ai entre les mains. J’ai pas envie de rester cloisonné dans mon confort, j’ai envie de m’amuser, de mélanger, de collaborer, d’essayer de nouvelles choses.
Comment as-tu eu l’idée d’incorporer le digital dans ton travail ?
Je fais de la vidéo depuis mon enfance. Quand j’étais petit, j’avais un pote qui faisait du skate, je le filmais et je faisais un peu de montage. J’ai toujours été un peu geek sur les bords par rapport à la vidéo, et j’ai toujours peint à côté. Pendant très longtemps, j’ai fait les 2 très distinctement et à l’école, on a un studio photo, des fonds verts et c’est là que cette couleur m’a passionné. Je me suis dis que le vert pouvait me permettre de mixer le cinéma et la peinture et ça peut être fou de penser une peinture dans une dualité de réalité et de virtualité.
Au delà d’être cinéphile, j’ai un rapport particulier au cinéma. Pour moi, amener la technique du fond vert qui appartient au cinéma et à la télévision à la peinture est une démarche de passionné de ces deux univers. C’est aussi venir amener des effets spéciaux dans la peinture et aller au-delà de la surface de la toile. Dit comme ça, ça fait un peu surréaliste, mais c’est ma démarche de base. Avec cette technique, je peux m’amuser à incruster et à mettre du rythme dans une peinture qui, elle, reste statique.
Que représente le fond vert pour toi ?
Quand je peins mes fonds verts, ce que j’aime c’est aussi le rapport à la surface et à l’écran, parce que je vois la toile comme un écran, où je viens composer dedans, créer des perspectives et le fond vert me permet de créer une perspective numérique qui est complètement folle.
Ce sont des techniques qui pendant très longtemps ont été inaccessibles et spécifiquement dédiées au cinéma. Aujourd’hui, tout est devenu super accessible. Par exemple, quand tu vas sur les réseaux, il y a un filtre fond vert ou tu te filmes et tu peux incruster ce que tu veux. Je trouve ça fou, drôle, décalé et intéressant et l’idée d’assumer le fond vert qui de base est fait pour ne pas être visible, c’est ça qui me fait kiffer.
Comment fais-tu pour digitaliser tes œuvres ?
Dans mon travail c’est tout un processus où je vais peindre en vert et ensuite, je vais penser à la relation qui va exister entre la peinture et l’incrustation vidéo en utilisant le logiciel after effect, pour créer les effets spéciaux.
Peux-tu nous parler de tes affiches dans le métro ?
C’est paradoxal, parce que dans le métro parisien, quand il n’y a pas de publicité sur les panneaux, ils mettent des affiches vertes. Pendant le 1er confinement, il y a eu une crise de la publicité et il y avait ces affiches vertes dans pratiquement chacune des stations. C’est à ce moment que je me suis dis qu’il fallait utiliser ces fonds verts et en faire quelque chose. J’ai longtemps eu une pratique du graffiti, que je pratique encore un peu aujourd’hui, et j’aime l’idée de montrer mon travail et d’être dans la rue de manière anonyme, simplement pour l’amour de l’instant.
Je me suis alors dit que j’allais prendre des éléments de mes toiles et aller les recréer sur les fonds vert du métro. J’aime beaucoup ce côté performatif, le fait de préparer mes affiches, de me réveiller tôt quand le métro ouvre et d’y aller avec mon pinceau, mon pot de colle, de faire des grands gestes rapides et efficaces, parce que je n’ai pas le temps, c’est pas légal… Quand je me rends compte que mes collages restent 2/3 semaines, que les gens s’arrêtent, prennent des photos, se questionnent, cela me rend fier.
Recherches-tu à faire passer un message à travers tes peintures ?
J’ai l’impression que mes peintures par leur simplicité et leur efficacité représentent notre génération, notre vie et notre rapport au virtuel. Je n’y pense pas forcément quand je peins, mais le fait de peindre un ordinateur, ou un selfie dans le miroir est quand même révélateur. Et même, ce côté cafetière à piston, c’est ce qui me représente, c’est la simplicité.
Qui sont les personnes que tu peins ?
Ce sont souvent mes amis, ce sont eux qui m’inspirent, avec qui je vis aussi, je suis étudiant donc forcément je passe toute ma vie avec eux. Je fais aussi des autoportraits mais j’en fait peu. C’est vrai que quand on est seul chez soi, et qu’on a pas forcément le temps d’aller prendre un copain en photo ou de le faire poser, l’autoportrait est une facilité, mais aussi un exercice de confrontation avec soi-même.
J’aime aborder les sujets de mes peintures avec du second degré. Par exemple, dans l’exposition ERROR 4H04, on peut voir un copain à moi qui flotte au dessus d’une plage avec une plante et un ventilateur. Je trouve ça très drôle, j’aime peindre avec légèreté, sans me prendre la tête. Je m’inspire aussi de ce qui m’entoure, parfois d’une musique, d’une soirée, d’un voyage ou encore d’un festival et quand je rentre à Paris avec cette nostalgie, je me dis qu’il faut que je pose ça sur une toile.
Quel est ton environnement de travail ?
Je peins toujours tout seul, chez moi dans mon studio d’étudiant. Il y a cette intimité quotidienne entre moi et mon travail : je vis, je dors et je mange avec mes toiles. Le matin, quand je me réveille j’ai envie de changer quelque chose, donc tout de suite, je mets de la musique, mon pantalon de peinture, je prends mon chevalet, enfin c’est très rapide et spontané comme manière de faire. Quand je pense à une toile, je commence par faire des croquis, des dessins et très souvent je fais un aperçu sur photoshop en plaçant mes éléments pour avoir une vision globale.
Une de tes œuvres qui a beaucoup d’importance pour toi ?
C’est une toile dont je suis assez fier qui s’appelle Chauffer dans la noirceur. L’anecdote c’est que j’ai rencontré au début de mes études à Paris un ami originaire de Normandie et il m’a toujours parlé de ce festival comme une sorte de pèlerinage. Il y a 2 ans et demi, je suis parti pendant 1 semaine faire ce festival, idéalement placé derrière les dunes, au bord de la mer. Et pendant cette semaine en camping avec tous mes potes, j’ai vécu des moments merveilleux, et j’étais dans un lâcher prise complet au sens où on vivait juste au rythme du festival, c’était incroyable ! Quand je suis rentré, j’ai eu envie de peindre, et ça s’est fait directement, sans croquis, juste au feeling, c’était spontané. Elle m’a quand même pris 3 mois de travail mais je trouve qu’elle inspire le vrai et l’authenticité, et quand je la vois, ça me rappelle toujours de bons souvenirs.
Quels sont tes prochains projets ?
Cette année, je passe mon diplôme et pour mon projet de fin d’année je me suis lancé dans la réalisation d’un court-métrage. J’ai écrit le scénario, j’ai story boardé chaque plan et je vais peindre tous les décors et travailler les incrustations. C’est beaucoup de travail, mais je suis bien entouré, je fais tout en “famille”, avec des amis qui sont acteurs, d’autres qui font de la musique, des stylistes, des décorateurs… En ce moment je suis à 200% dedans, c’est un défi ambitieux mais je suis déterminé !
Où peut-on te suivre et acheter tes œuvres ?
En ce moment on peut acheter mes œuvres jusqu’au 30 mai à la Galerie 193, à Paris, pour l’exposition ERROR 4H04 en collaboration avec Artenders. Sinon, on peut passer directement par moi, mon Instagram c’est un peu comme un portfolio. J’y mets mes toiles au fur et à mesure, j’aime partager, si je fais une œuvre c’est pour qu’elle soit vue, appréciée et qu’elle fasse plaisir aux gens.
Propos recueillis par Agathe Bourdeauducq
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