Yelow : “Toutes les surfaces sont exploitables dans la peinture, il n’y a pas de limites”
Entretien avec Yelow, un artiste peintre autodidacte influencé par son parcours de graffeur, toujours à la recherche de nouvelles techniques. La peinture n’a pour lui pas de limites, il nous explique sa démarche artistique au cours de cet échange.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Cédric Tran, je suis originaire de la région parisienne. J’ai un peu bougé et j’habite désormais à Marie-Galante, île de l’archipel guadeloupéen, depuis 4 ans. J’ai découvert la peinture à travers le graffiti au début des années 90. Mon nom d’artiste est aujourd’hui Yelow mais ça n’a pas toujours été le cas. À mon retour d’Angleterre, j’ai décidé de changer de nom et tout le monde m’appelait “Nejau” à l’époque, j’ai donc choisi de prendre le nom Yelow. Yelow avec un seul “L” pour l’esthétique, c’était mieux pour le graff.
Comment décrirais-tu ton travail ?
Ma peinture est le reflet de ma personnalité, c’est-à-dire qu’elle est apaisante, pas trop dans la critique mais plus dans l’émotion. Je marche à l’instinct et avec mes sentiments du moment. Globalement, je peux dire que mon environnement me conditionne. Aujourd’hui j’habite à Marie-Galante, qu’on désigne souvent comme la Guadeloupe d’il y a 30 ans, c’est très calme, très roots, et je pense que ça se ressent dans mes toiles. Mon travail est coloré car j’ai appris la peinture dans la rue donc toutes mes références couleurs viennent du graffiti. Cette influence se retrouve également dans la construction de mes œuvres. Par exemple, quand je fais un portrait c’est statique, donc j’ai besoin d’apporter du mouvement.
Tu peins sur des surfaces très diverses, peux-tu nous expliquer ce choix ?
J’ai commencé à travailler sur d’autres supports que les murs quand je suis arrivé à Marie-Galante car on ne peut pas graffer n’importe où et ayant toujours besoin de m’exprimer, le basculement vers la toile et le pinceau s’est fait tout naturellement. Puis, j’ai rapidement été frustré à cause de la taille du support de création. Les toiles me semblaient trop petites et la forme rectangulaire contraignante, j’ai alors essayé de travailler sur des grandes planches de contreplaqué. J’y ai trouvé une grande liberté et suite à cela, ces planches m’ont offert une autre possibilité : des formats inédits. J’ai commencé à les découper à la scie sauteuse pour créer de nouvelles formes et de nouveaux supports créatifs. D’ailleurs aujourd’hui, je peins rarement sur des toiles. Je vais toujours plus loin, mes supports de création peuvent être des planches, des tables, des murs. L’autre jour, j’étais dans un restaurant et j’ai aperçu des lattes rotatives qui laissent passer le vent et la lumière, j’ai eu envie de peindre sur ce genre de support. En suivant cette nouvelle idée, j’ai peint deux portraits sur un support similaire. Cela permet une lecture inédite car lors de la rotation des huit lattes, un nombre impressionnant de combinaisons est proposé au public. Toutes les surfaces sont exploitables dans la peinture, il n’y a pas de limites.
On retrouve souvent des femmes, des animaux, des végétaux et des formes géométriques dans tes œuvres. Pourquoi ?
Tout d’abord, c’est vrai que les 9/10 de mes travaux sont des portraits de femmes. Je ne cherche pas à sacraliser la femme mais je trouve qu’un portrait féminin m’aide plus facilement à partager les émotions qu’un portrait masculin. Ensuite, tout ce qui est végétal et animal s’explique simplement car je recherche l’équilibre. Un équilibre d’abord dans la composition de l’œuvre, un équilibre de construction mais si on va plus loin, je recherche l’équilibre qu’on retrouve sur la terre. Nous sommes tous liés, si on retire un élément, l’équilibre n’est plus là. Nous avons besoin de la faune et de la flore. Pour le moment, je travaille surtout l’oiseau car j’aime bien son côté majestueux et l’idée de liberté qu’il véhicule, mais ça ne veut pas dire que je me limite à cet animal. Dans le futur, je peux travailler d’autres animaux. Enfin, la géométrie vient du graffiti et ce sont des éléments qui me permettent de contrebalancer avec le côté statique du portrait.
Pourquoi intègres-tu des mots dans tes portraits ?
On retrouve des mots surtout dans mes premiers portraits car je suis toujours influencé par le graff, où les mots et le lettrage sont primordiaux. En les insérant dans mes portraits, ça me permet de partager des idées importantes, mes valeurs. Comme expliqué précédemment, mon art est le reflet de ma personnalité et je veux vraiment véhiculer des choses positives. Je ne suis pas pour l’intellectualisation de l’art, j’aime faire des choses simples et lisibles. Jecomplètement veux que tout le monde puisse s’approprier ce travail.
Quels sont tes futurs projets ?
J’ai un gros mur à peindre pour un festival et c’est un défi car c’est la première fois que je vais peindre au pinceau sur une aussi grande surface et lâcher complètement la bombe. Sinon ma première exposition solo, Dames de Cœur, aura lieu du 23 avril au 8 mai à la galerie L’Art s’en Mêle. Ensuite, j’aimerais bien monter une expo où les artistes travailleraient en binômes pour favoriser le partage et l’échange dans le monde artistique. Ce que j’aimais dans le graffiti, c’était cette idée de challenger l’autre : chacun a son style, son univers, et il le montre aux autres pour échanger. Personnellement, ça m’a beaucoup appris. C’est dommage qu’on ne retrouve pas ça dans la peinture. J’ai donc cette volonté de mettre en place cet échange en confrontant des visions et des univers différents. Ce qui est intéressant c’est de découvrir et de faire des concessions, apprendre avec les autres. On gagne toujours à échanger avec les autres, j’aime cette notion de partager et de recevoir en même temps.
Retrouvez Yelow sur son site internet, et son compte Instagram.
Propos recueillis par Roxane Thomoux
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