Xie Lei et la vibration lumineuse d’une Mort heureuse à la galerie Semiose

Sous la verrière de la galerie Semiose, jusqu’au 15 mars, l’artiste Xie Lei nous invite à imaginer une “Mort heureuse”… réveillant l’absurde et l’oxymore existentiel à la manière d’Albert Camus… un sublime équilibre d’ombre et de lumière… un sursaut de vie.

L’espace devient cénotaphe et c’est bien dans cette obscure clarté des toiles de Xie Lei que se révèlent les corps et la lumière dans toute leur splendeur… comme des apparitions oniriques aux airs presque fantomatiques. Il y a quelque chose de l’ordre du passage et du voyage introspectif dans cette mort qui se veut heureuse… comme un moment fugitif entre la disparition et l’apparition. Il s’agit de voir au-delà de l’être et des choses… par un effet de transparence identitaire et matériel. Être plus qu’un corps éphémère… plus qu’une identité figée.

Cette sensation vaporeuse s’empare du spectateur comme une expérience de hors-corps ou de prise de conscience. L’anonymat des figures et des lieux leur procure une forme d’universalité. Les camaïeux de bleus, vert ou jaune, favorisent à la fois le sentiment de pesanteur et d’apesanteur comme un esprit vagabond qui chercherait à s’échapper… comme une étoile filante… un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur… une force irrépressible et incendiaire.

Intimation, 2024, Huile sur toile, 30 x 40 cm © Pauline Assathiany / Courtesy Semiose, Paris

Concentrées et puissantes dans l’exploitation du contraste entre le noir et la couleur, la transparence et l’opacité, la lumière et l’ombre, la présence et l’absence, le visible et l’invisible, le corps et l’esprit… les œuvres résonnent par leur éclat et nous plongent dans un état paradoxal entre la perte et la retrouvaille… entre la mort… et la vie.

Résonance, 2024, Huile sur toile, 140 x 170 cm © Pauline Assathiany / Courtesy Semiose, Paris

Corps solitaires ou enchevêtrés, étreintes ou luttes… l’exaltation des passions humaines en petits et grands formats s’exprime dans des couleurs naturelles et changeantes. D’abord les petits formats comme un gros plan sur un morceau de vie ou un morceau de soi… intimes dans leur dimension comme dans leur traitement… font ressortir les mains de manière signifiante et saisissante. Le geste dépasse le simple cadre de l’œuvre et interpelle silencieusement… comme un lien psychologique invisible et délicat de la main inconnue qui viendrait s’emparer du regard étranger… une relation secrète entre l’œuvre et le visiteur.

Protection I, 2024, Huile sur toile, 140 x 170 cm © Pauline Assathiany / Courtesy Semiose, Paris

Le jaillissement de lumière et d’énergie vitale apparaît comme une radiation du plus profond des entrailles du corps comme d’un monde intérieur délivré. Il se retrouve sur les grandes toiles où le rythme régulier des formats et des compositions offre un cycle narratif grandeur nature envoûtant. L’exposition devient alors une expérience quasi à taille humaine de cette mort heureuse… une expérience personnelle et explosive, presque mystique, qui plonge le spectateur dans l’observation de l’autre, indéfini… et finalement de sa propre condition humaine.

Expectation, 2024, Huile sur toile, 140 x 170 cm © Pauline Assathiany / Courtesy Semiose, Paris

Quant à l’huile, elle dépose à la surface de l’œuvre ce reflet brillant et une sensation charnelle à la fois belle et cruelle. La texture conserve en elle la mémoire de ces traces de pinceaux et de ces empreintes déposées par l’artiste comme autant d’indices d’une vie indélébile et éternellement… heureuse.

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Anna Remuzon