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Xare : “J’aimerais créer une fondation d’art urbain en France ou en Guadeloupe”

D.R.

L’artiste distille son parcours de graffeur de signatures personnelles et remonte le fil du temps de la scène artistique urbaine.

Xare, pourrais-tu te présenter ainsi que ton parcours ?

J’ai grandi dans le 18ème à Paris, une des places fortes du graffiti au le début des années 1990 où l’on retrouvait déjà des pochoirs de Mosko et des blockstyles des pionniers sur la Petite Ceinture tels que Bando, Boxer, et des FatCap, plein au boulevard Ney des 93NTM, RCA, CMP et CF…
Mon grand frère, Bozy, était déjà dans le mouvement hip-hop/graffiti, il bougeait pas mal avec les HMC, les K36 et les Basalt. Les Basalt (Shuck One, Banga et Bobo) innovèrent avec les sound system de Guy Môquet avant que l’Hôpital Éphémère devienne la place incontournable d’une époque et de toute une génération puisque, entre les fêtes organisées et les rave parties, certains y ont trouvé la lumière comme Jonone et Bando, précurseurs du graffiti “bankable” à Paris. À force de voir tous ces noms souvent hauts perchés dans les rues ou à l’éponge sur les rames des lignes 4 ou 13, j’ai décidé de me lancer, lentement mais sûrement, car il fallait rester incognito. Actif depuis 1994, j’ai fait mon petit bonhomme de chemin avec de multiples rencontres, des courses-poursuites dans les tunnels du métro, et des soirées au clair de lune en attendant le départ d’un maître-chien. Aujourd’hui, mes œuvres sont exposées et mis en lumière dans des galeries, c’est plutôt flatteur pour un tagueur. J’ai aussi la particularité d’avoir travaillé 10 ans pour une maison de vente aux enchères, n°1 sur le marché de l’art urbain contemporain, avec de nombreuses belles ventes et actions record comme la vente de la Rolls Royce d’Eric Cantona peinte par Jonone sur le plateau du Grand Journal, depuis exposée à la Piscine Molitor.

Ta création graffiti est prolifique, tu utilises différents supports… une préférence ?

Je suis un peu curieux de nature donc j’aime beaucoup l’innovation, peut-être à cause de la réflexion qu’elle engendre, j’aime sortir de ma zone de confort. J’ai pu me prêter au jeu en peignant une voiture, des vélos, des panneaux de signalisations, des baskets, des bouteilles de vins lors d’une exposition collective à St Tropez au Château Saint Maur et surtout une tête de mirage en collaboration avec Banga, qu’on ne présente plus.

Pourrais-tu expliquer tes techniques  ?

La peinture est pleine de secrets, de découvertes qui riment souvent avec les mots expérience et patience. Je peins essentiellement avec des bases acrylique, de la peinture aérosol, beaucoup de marqueurs à l’huile et à l’eau… et évidemment d’autres mélanges d’encres et de pigments dont je ne dévoile pas la composition. Plus jeune, on a passé du temps avec les casseroles pour que nos encres deviennent les plus tenaces au nettoyage.

D.R.

D’où vient ton inspiration ? Qu’est-ce qui te stimule ?

Xare est devenu le blaze que je pose dans la rue depuis mes 14 ans, la plupart de mes pièces dans la rue n’ont pas survécu ni aux temps ni aux services de nettoyages, c’est ainsi que je pense mes œuvres, comme des petits morceaux de murs avec des couleurs se chevauchant comme après le passage de plusieurs générations de messages. Rien de plus stimulant que le regard d’autrui porté sur vos œuvres et la réflexion due au mouvement des couleurs et du message dévoilé ou non.

Qu’est-ce qui te différencie de la scène parisienne du graffiti ?

La scène graffiti parisienne comporte beaucoup de similitudes, notamment au niveau des techniques, avec beaucoup de répétitions et de dripping pour certains. Depuis plusieurs années maintenant, j’ai inséré dans mes œuvres des bandes (Stripes), que j’appelle mes chemins de vie, car elles traversent mes œuvres en continu avec ni début ni fin. Plus ma peinture évolue plus ces lignes de vies deviennent omniprésentes et se mêlent aux lettres et autres traits de peinture, tel un patchwork de couleurs.

D.R.

Quel est ton terrain d’expression préféré ?

Le métro, de loin ! Mais bon… on n’a pas le droit.

Comment défendre la création des artistes graffiti aujourd’hui ?

Cette question ne devrait même pas se poser. Aujourd’hui le street art, ou art urbain, est en plein boom, mais tout cela n’est que le fruit du mouvement graffiti initié à New York par les Dondi, Lee Quinones, Daze, Toxic Crash, Futura, Part et Kool Kor pour ne citer qu’eux, leurs “Whole Cars” ont fait le tour du monde et sont mis en avant dans de célèbres vidéos (Wild Style, Spray Can Art) et seront consacrés dans l’ouvrage de Martha Cooper et Henry Chalfant, Subway Art, véritable best-seller sur la naissance du graffiti.
J’ai eu la chance de peindre à Bruxelles avec Kool Kor qui y réside depuis plusieurs années. Là-bas il est élevé au rang de star (n’oublions pas qu’il a côtoyé Basquiat), son travail est exposé dans les rues de la capitale belge, avec des textes explicatifs pour les non-initiés. En France, mis à part Jonone on en est loin, ce n’est pas demain que tu verras une œuvre de Bando ou Boxer mise en lumière en pleine rue. Les mêmes street artistes n’ayant jamais pratiqué de l’illégal, connaissent ces noms, connaissent ces bouquins comme des comptines pour enfants car c’est la base, on ne devrait même pas l’expliquer. Certains artistes que nous croisons tous les jours dans le monde de l’art urbain ont été vandales par le passé, je pense bien sûr à Jonone, André, Zevs, José Parla, Kaws, Mist, Kongo ou encore Seth.

Quel est le projet qui te tient à cœur et que tu aimerais réaliser ?

J’ai perdu ma sœur il y a 2 ans d’un cancer foudroyant, elle avait 42 ans. Elle aimait l’art en général, l’art africain et surtout mes peintures. J’aimerais créer une fondation dédiée à l’art urbain et contemporain à son nom, à Paris ou bien en Guadeloupe, là où j’ai toute ma famille et une attache particulière.

Veux-tu nous parler de tes prochains projets ?

Je travaille beaucoup en atelier ces derniers temps sur de nouveaux travaux, certainement pour un nouveau solo show en 2021.

Propos recueillis par Eleftheria Kasoura

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