Valérie Bach : “Être galeriste, ce n’est pas simplement être dans un bureau derrière un ordinateur”
Rencontre avec Valérie Bach de la Patinoire Royale, à Bruxelles, située dans un lieu classé monument historique. Une galerie dont le choix repose sur la matérialisation d’un goût mais aussi l’envie de présenter des expositions plus historiques, belges et internationales.
Quelle est l’identité artistique de votre galerie ?
Je n’aime pas parler d’identité, je pense que notre métier ce sont des rencontres, des affinités avec des artistes, avec certains types d’art. Je dirais que la galerie est construite autour de trois axes distincts : la femme artiste, la monumentalité et une esthétique forte. Le choix résulte de la matérialisation d’un goût. La spécificité de la Patinoire Royale découle de sa monumentalité : un lieu de 3000 m2, qui possède deux, trois ou quatre possibilités d’exposition avec le rez-de-chaussée, le premier étage, la grande nef et la verrière. Grâce à cet espace, nous avons la chance de pouvoir faire des expositions comme celle consacrée à Carlos Cruz-Diez, qui avait créé un énorme labyrinthe ou celle consacrée à Joana Vasconcelos. Par ailleurs, nous avons également choisi de présenter des expositions historiques qui mettent en exergue des mouvements et des courants de l’art moderne. Nous avons présenté la figuration narrative, l’art cinétique et depuis quelques années, nous nous sommes focalisés sur la Belgique. Nous avons mis en place une première exposition, “Sculpting Belgium”, avec des sculpteurs belges de 1945 à 1985, comme Pol Bury. Ensuite, nous avons organisé une grande exposition sur la peinture, “Painting Belgium”, avec par exemple Pierre Alechinsky et Bram Bogart. À chaque fois, il y a plus de quarante artistes, ce sont de grandes expositions, très muséales.
Pourriez-vous nous parler d’un artiste qui est représenté par votre galerie ?
Une artiste que j’aime beaucoup, qui nous fait voyager jusqu’à Los Angeles : Gisela Colon. Une artiste solaire, avec qui nous avons la chance de travailler depuis deux ans. Elle travaille des formes bombées thermomoulées. Son travail est futuriste, il semble sorti d’un film de science-fiction. Un travail qui oscille entre l’art cinétique, qui joue avec les variations de couleurs en fonction de l’angle de vue et ce que l’on appelle le “Light and Space Movement”, qui est né dans le sud de la Californie dans les années 60, avec des artistes comme Larry Bell et John McCracken. Ses sculptures sont très innovantes, de par leur forme et de par leur fabrication tenue secrète. Gisela Colon repousse les limites de la technologie et de la science. Elle crée cette méthode unique pour imprégner ses œuvres de lumière, de terre et de couleurs. Un vocabulaire singulier très organique et féminin qui me fascine.
Compte tenu de la crise sanitaire à laquelle nous faisons face, quelles alternatives avez-vous mises en place pour maintenir le lien entre la galerie et les visiteurs, les potentiels acheteurs ?
Je dirais que tout d’abord, contrairement à d’autres, notre première réaction fut de nous taire. Le monde était à l’arrêt, je ne suis pas certaine que les collectionneurs et amateurs avaient besoin d’entendre parler d’art. Et puis, depuis quelques semaines, on commence à réapparaître, parce que l’on sent que les gens en ont besoin et nous également. On publie des talks avec nos artistes sur Instagram. On prépare aussi une vidéo pour nos cinq ans, que nous devions fêter en avril, qui reprend toutes les expositions. Elle défilera sur un support vidéo que l’on projettera en continu dans la patinoire. On organise également la prochaine exposition sur l’art cinétique avec trois artistes : Pol Bury, Roger Vilder sous l’impulsion d’un grand commissaire d’exposition parisien, Serge Lemoine, et le collectif belge LAb[au]. Lorsqu’on le pourra, on continuera à faire des visites privées parce que les gens apprécient cela, de plus la Patinoire Royale s’y prête, et avec Constantin Chariot, nous avons envie d’être pédagogue, de raconter des histoires. Être galeriste, ce n’est pas simplement être dans un bureau derrière un ordinateur. Si c’est uniquement du virtuel, cela ne m’intéresse pas. Le contact humain, pour autant, n’empêche pas le virtuel.
Pourriez-vous nous en dire plus sur l’exposition engagée “American Women”, qui était présentée à la galerie, avant sa fermeture temporaire liée aux raisons sanitaires que nous connaissons ?
C’est une exposition que nous avons montée avec Marie Maertens, une journaliste et commissaire d’exposition parisienne que j’aime beaucoup. Dans la lignée de “Painting Belgium”, nous nous sommes dit : pourquoi est-ce que nous ne ferions pas d’autres pays que la Belgique ? De cette réflexion a immergé une exposition féminine, non pas féministe. La commissaire d’exposition précise : “Ce n’est pas une exposition féministe, ce sont des artistes femmes qui parlent d’elles, de leurs problématiques et de leurs rapports à la société, au politique, mais c’est aussi le regard que porte sur elles les hommes. C’est un dialogue entre différentes générations… “. Une exposition engagée de femmes qui ont des choses à dire et qui s’expriment dans différents domaines : politique, sexuel, corporel et identitaire. Marie Maertens est allée chercher des jeunes artistes très en vue et d’autres moins, mais qui vont le devenir, et y a intégré des artistes historiques comme Kiki Smith.
Plus d’informations sur le compte Instagram et le site internet de la galerie.
Propos recueillis par Juliette Dutranoix
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