Trois œuvres ayant fait débat dans l’Histoire de l’Art #1
Les peintres qui ont participé à l’Histoire de l’Art n’ont pas toujours été applaudis, ni valorisés pour la création de leurs œuvres. Certains tableaux auront plus ou moins plu à la critique et à la population. Dans ce premier article, nous revenons sur trois toiles qui ont fait débat dans le milieu artistique, en vous expliquant pourquoi…
1- Napoléon sur le champ de bataille d’Eyleau, d’Antoine Jean Gros
Quatre ans après la première peinture représentant l’empereur, Bonaparte visitant les pestiférés de jaffa, c’est à un autre toile que s’attelle Antoine Jean Gros en 1908.
À l’issu d’un concours, ce dernier est chargé de peindre Napoléon sur le champ de bataille d’Eyleau. En pleine guerre entre la Prusse et la France, Antoine Jean Gros nous dépeint la scène d’un champ de bataille, dans laquelle est représenté Napoléon 1er et ses troupes.
L’horreur du tableau nous parvient dès le premier plan, avec un amas de corps gisant sur le sol (qui d’ailleurs a dû inspirer Géricault et Delacroix…). Le tableau est oppressant par la foule de personnes et le profond réalisme. Le fond de la toile n’est pas moins sinistre avec ces couleurs hivernales de paysage enneigés et ternes.
Pourquoi la toile a-t elle fait débat ?
Les candidats du concours s’étaient vus remettre des instructions précises (aspects de la composition, dimensions…) Mais après l’exposition de ce tableau au Salon de Peinture de 1808, les espions de la police et la critique lui reprochèrent une dilection pour les détails de carnage, d’horreur, et ainsi de rendre la guerre impopulaire :
” les artistes ont accumulé tous les genres de mutilation, les variétés d’une vaste boucherie, comme si ils eussent à peindre précisément une scène d’horreur et de carnage et à rendre la guerre exécrable “
En effet, le premier plan est très choquant, cela n’a jamais été égalé dans aucune oeuvre Napoléonienne, mettant en disgrâce le statut de l’empereur. Cependant et paradoxalement, la critique reviendra sur ses propos, en félicitant Gros pour avoir si bien, au final, saisit les regrets de l’empereur.
Expliquons ce retour en arrière : on peut toutefois voir que l’empereur est ici représenté comme un homme bienveillant, certes provoquant la perte d’un grand nombre d’hommes, mais non dénué de compassion. Par son geste de la main et ses yeux implorant le ciel, c’est comme si il demandait pardon aux défunts soldats russes. Plus tard, Napoléon écrira même à sa chère femme Joséphine : “mon amie, la victoire est restée mais j’ai perdu bien du monde. La perte de l’ennemi plus grande encore ne me console pas.”
2- Frozen Assest, de Diego Rivera
En 1931, Diego Rivera arrive à New York et est choqué par la précarité qui frappe la ville. Suite au crack boursier, auquel n’a pas échappé “la ville qui ne dort jamais”, les hommes sont démunis, des familles perdent leur maisons et la famine gronde.
Dans Frozen Assets (avoirs gelés), Rivera a associé son appréciation de l’architecture de New York à une forte critique des inégalités économiques de la ville. Cette fresque sur ciment est présentée en trois parties. Les couleurs grisonnantes émanant de l’oeuvre évoquent la fatalité de la période. Diego Rivera utilise ces tons ternes afin de démontrer sa tristesse face aux conséquences de la Grande dépression. La partie centrale nous montre des hommes au chômage, sans abri, dormant dans un hangar. La puissance des néons braqués sur ces corps est déconcertante, et le tout forme une ambiance glauque.
Pourquoi la toile a-t elle fait débat ?
Ici, le peintre a clairement voulu montrer du doigt l’injustice à New York, la réalité de la ville, malgré son statut “développé”. Le débat sur cette oeuvre vient directement de la différence des trois parties du tableau. En effet, la partie avec le hangar se retrouve prise entre deux entités : les gratte ciels supposant le travail, l’économie etc… et les banques qui abritent l’argent des clients aisés.
En représentant ces sans abris entreposés dans cette salle obscure , Diego Rivera montre qu’il y a encore beaucoup de gens sans emploi vivant dans des conditions difficiles. C’est une description puissante des inégalités économiques. Frozen assets a donc marqué une partie de la population, par sa vision contestataire, et a semé quelques discordes : pour l’historien de l’art Terry Smith, c’est “une pure provocation”.
3- Mao, d’Andy Wharol
Nous connaissons tous les fameux tableaux d’Andy Wharol, peints en série avec des tons différents : pour les plus célèbres, citons Marilyn, les Canettes Campbell ou encore Les Flowers. Ceux dont vous ignorez peut être l’existence sont les portraits de Mao Zedong.
Marquant le retour à la peinture de Wharol, ces tableaux sont peints en 1972-73. Ils font référence au portrait officiel du dictateur chinois de l’époque et auraient été inspirés par la visite du président Américain Richard Nixon en Chine en 1972, qui fut extrêmement médiatisée.
À l’origine, le portrait est très sobre, neutre, sans aucune expressivité. Ici, Mao est “colorié” de couleurs vives, joviales. L’artiste a même pris soin d’appliquer du fard à paupière sur ses yeux, et de colorer ses joues rebondis d’un rose bonbon… Certains emprunteront l’expression de “drag queen en col Mao”. La couleur s’oppose ici à la froideur et remet en question le sérieux du personnage, qui est tourné en dérision.
Pourquoi la toile a-t elle fait débat ?
Ce qui était une image de propagande va devenir, sous les traits de l’artiste, une image dénuée de toute “aura”. En effet, les couleurs joviales contrastent avec la figure classique et grisâtre du communiste chinois. De plus, Wharol reproduit avec un procédé capitaliste (produire en série) une figure communiste. Ainsi, il propose aux collectionneurs d’art d’acheter et de voir un symbole communiste, qu’ils avaient en horreur. Mais cela n’empêchera pas la maison de vente Sotheby’s, en 2017, de céder ce portrait de Mao pour 12,7 millions de dollar.
Propos de Charlotte Gaillard
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