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Tiffany Bouelle : “Sortir de la toile me permet de m’exprimer différemment”

© Jeanne Perrotte

Son inspiration et sa créativité viennent d’abord de la vie et de l’envie de la partager ; la talentueuse artiste-peintre et styliste nous plonge dans son univers coloré et subtil.

Tiffany, pour ceux qui ne vous connaissent pas, pourriez-vous vous présenter ?

Je suis née à Paris et j’ai grandi dans le 11ème arrondissement. Ma mère est japonaise et mon père français : j’ai eu la chance de grandir au sein de deux cultures très créatives et enrichissantes. J’aime profondément la peinture, mais sortir de la toile me permet de m’exprimer différemment. Dernièrement, j’ai commencé à faire des vidéos, des performances, de la sculpture, des installations en volume pour des “Party Block” et des collaborations en tant que designer ou artiste pour des marques éthiques.

Quel est votre parcours ?

J’étais dans un lycée parisien d’arts appliquées dans lequel je ne me plaisais pas tellement. J’ai ensuite été prise dans l’école Duperré en section mode et cela m’a naturellement mené à un poste de styliste. Je dis naturellement car ma mère est styliste et c’est un peu comme ces histoires “d’avocat” de père en fils, j’ai voulu offrir à mes parents ma propre fierté pendant quelques années. J’ai toujours aimé dessiner, fabriquer des absurdités, peindre sur mes objets. La différence depuis quelques années est que j’apprends à utiliser plein de matériaux différents et que je change de techniques très fréquemment pour stimuler ma créativité et rendre chaque projet connecté aux mediums que j’utilise. Par exemple, pendant ce confinement j’ai dilué du charbon, des cendres pour allonger mon encre noire et mon projet parle du minimalisme.
J’ai abordé la peinture sur toile pour la première fois il y a deux ans, car je manquais d’espace auparavant et je n’imaginais pas mes dessins sur des grands formats. Je rêvais d’être illustratrice pour des livres jeunesse et il m’arrivait de commencer des bandes dessinées que je ne terminais jamais. C’était d’ailleurs mon premier sujet d’exposition. J’avais dessiné, en 2014, après avoir enseigné le dessin dans une école maternelle pendant deux ans, un personnage qui portait le nom de mon frère Ulysse. L’exposition regroupait une vingtaine de goodies entièrement conçus à la main avec mon « super héro » en mascotte des packagings. C’est après cette exposition que j’ai signé mon premier contrat de collaboration avec LVMH pour une collection de sacs et pochettes avec « Ulysse ». Le rêve s’étant réalisé pour mon super héro, je me suis penchée sur la peinture que je n’osais pas toucher par crainte certainement de ne pas savoir comment aborder les plus grands formats et c’est comme ça que j’ai découvert l’abstraction.

Comment décrirez-vous votre travail ?

Pudique, car il traite souvent de sujets sensibles liés à l’intimité, à l’intériorité. Coloré et texturé puisque j’aime utiliser des médiums différents. Positif puisque je souhaite soulever des sujets gardés soigneusement dans le silence.

Quel courant artistique vous définit le mieux ?

Je ne saurais vous dire ! De mon point de vue tous les mouvements ont leurs richesses et je trouve cela bizarre de dire que mon travail est aussi bien que des artistes qui ont représenté un mouvement.

D’où puisez-vous vos inspirations ?

La société, les émotions, le climat, et ensuite je mêle mes sujets avec des textures au sol, des murs, des nervures dans la nature… j’absorbe artistiquement l’environnement dans lequel je suis.

La diversité de votre travail et les divers supports utilisés ont généré de belles collaborations.  Quelles sont vos expériences ?

C’est formidable de rencontrer des créatifs, des entrepreneurs et de former des équipes pour créer. Cela m’apporte une énergie fondamentale pour rythmer avec mes heures de peintures. J’ai rencontré cette année un bouquet de femmes courageuses, indépendantes absolument divines ! Marie Stéphanie Servos, fondatrice de Femmes d’Art, m’a donné, pour la première fois, la parole sur mon travail, Orlena Mia, fondatrice de Croque Madame Show, un média d’informations dédié aux femmes, avec qui j’échange souvent, Margaux Grippon fondatrice de OKAN Studio m’a proposé de dessiner et modéliser un bijou pour sa marque, APNÉE swimwear réserve de belles surprises et enfin je réalise de très grandes peintures pour l’hôtel Rochechouart dans le 9ème arrondissement de Paris, pensées par les architectes Festen dont la direction artistique est gérée par Romain Chirat.

© Charlotte Robin

Pourriez-vous nous parler de votre projet « Rencontres » ?  

Le projet « Rencontres » est le résultat de plusieurs années de recherche documentaire et d’interviews que j’ai menés à travers des réseaux sociaux avec des femmes sur des sujets sensibles comme la perception de leur corps en corrélation avec le regard porté par la société étroitement liée à leur culture ou religion selon le pays. Je me suis rendue en Inde, au Japon et en France pour travailler avec les femmes, in situ, l’objectif étant de traduire sur le plan pictural et esthétique leur intériorité, sensibilité et pensées refoulées. Ces interviews ont pris la forme d’une performance collaborative dans des lieux choisis par ces femmes. Par exemple, j’ai fait des tracés sur le toit d’un orphelinat ou sur le sol d’une école à Hyderabad. Les fragments linéaires que je dessine sont une abstraction de parties de leur corps, une silhouette, une épaule, un buste… et chaque couleur renvoie à la femme avec laquelle je me suis entretenue dans un lieu spécifique. C’est aussi dans ce projet que j’ai commencé à utiliser des supports issus de l’artisanat indien, le khadi, par exemple, un linge tissé à la main me servant de grand format. Ce travail m’a permis de réaliser une traduction concrète de thèmes sensibles que j’ai voulu adresser en contextualisant le plus possible tout en restant sur une démarche de message universel. Mes dessins et tableaux en sont le résultat.

Combien de temps vous consacrez à vos projets ?

Je souhaite continuer mon projet “Rencontres” que je développe depuis plusieurs années et chaque projet demande un temps de recherches et d’esquisses, mais à vrai dire, je n’ai aucune idée du temps que cela me prend à chaque fois, je ne compte pas les heures !

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ? 

Je continue à faire mes recherches pour la pièce que je prépare pour l’hôtel Rochechouart et en même temps je conçois un sac pour une jeune marque de maroquinerie de luxe. Pendant ce confinement j’ai également participé à une customisation d’une veste mise en vente aux enchères pour “Moose Knuckles“, et j’ai offert mes dessins à “Collab for Love” afin de récolter des fonds pour les Hôpitaux de Paris.

Un projet que vous aimeriez réaliser dans l’avenir ?

J’aimerais réaliser des installations immersives et j’espère pouvoir intégrer une résidence à Brooklyn.


Propos recueillis par Eleftheria Kasoura

“Collab’for Love”, vente aux enchères pour la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France, jusqu’au mercredi 6 mai

Retrouvez toute l’actualité sur le site de Tiffany Bouelle.

À lire également sur Artistik Rezo : Collab’ for love : Des enchères caritatives via Instagram mobilisent les jeunes artistes par Anouchka Derouault

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