Tieri Trademark : « Je sculpte en hommage aux graffeurs »
Tieri Trademark : « Je sculpte en hommage aux graffeurs » Exposition Inside # 2 by L’Appartement Vernissage le 13 mai 2017 de 18h à 22h www.l’appartement.com |
Le 13 mai 2017
Tieri, quel est ton parcours ? Né en 1965 en région parisienne, je suis témoin des premiers graffitis sur la ligne Saint-Lazare dans les années 1980. Je passe alors mon temps à les décrypter le long de la voie. Je me suis toujours dit qu’il fallait garder une trace de tout ça. C’est seulement lorsque j’acquiers un appareil photo, un vieil Olympus Om10, que tout commence, avec mes premières photos de rue, à Pau, puis à Toulouse, à l’époque où la Truskool, Miss Van et les Hanky Panky Girls sévissaient en toute quiétude. Comment es-tu entré dans le monde des graffeurs ? C’est venu petit-à-petit, photo après photo, avec le soutien de certains, comme Sade qui me « protège » pour obtenir la confiance du milieu. Il y a vingt ans, personne ne traîne dans les rues et les usines en prenant des photos des tags et des graffitis ! Aujourd’hui, il y a même un nom pour cela : l’Urbex. Grâce à cette démarche, présenté par Olymp, j’intègre en 1999 le Tdm crew, à Montpellier… en tant que photographe ! Quelle est la réaction du crew ?
Qu’est-ce qui t’a intéressé dans la photo de rue ? Explorer les villes, les usines désaffectées, c’est à la fois dangereux et grisant, à la recherche de l’endroit parfait pour photographier un tag ou un pochoir, se servir du contexte et de l’éclairage pour immortaliser un geste, une histoire. Photographier des sujets éphémères donne une responsabilité à chaque cliché. Qu’as-tu appris avec eux ? Le plaisir de peindre sans contrainte, sans enjeu, avec humilité, dans un contexte où tout reste à faire, sans business établi. Comment le photographe devient-il sculpteur ?
Tieri Trademark : quel drôle de nom ? Au départ, je me nommais Tieri, puis j’ai voulu ajouter un « nom de famille ». Mon crew, Tdm, est aussi l’abréviation de « Trademark », qui peut être traduit par « marque de fabrique », ce qui correspond tout-à-fait à mon travail. Un nom sur-mesure. Si tu devais qualifier ta démarche ? Je sculpte en hommage aux graffeurs : c’est un remerciement empli de respect. J’utilise le même outil, mais de manière différente. C’est ma façon de faire du graffiti. Comment travailles-tu ? D’abord, je ramasse des bombes. Puis je passe à l’acte, en atelier : je dessine une esquisse de la pièce, ça me libère l’esprit. Ensuite, je m’assure que les sprays ne sont plus sous pression, je les vide et je retire l’étiquette publicitaire, pour n’avoir plus que la bombe brute. Après, je les mets en forme, une à une, à l’aide d’un marteau – mon seul outil – et je les assemble, au fur et à mesure, pour que tout s’imbrique. Je choisis chaque bombe en fonction de sa teinte, plus ou moins rouillée, pour qu’au moment de la patine finale, les différences de ton ressortent. Je crée aussi une caisse sur-mesure, en bois de palette, qui fait partie intégrante de l’œuvre. Comment t’approvisionnes-tu ? Principalement par les graffeurs, mais je suis exigeant : je n’utilise que les sprays « oldschool » avec étiquettes collées ! Je fais une « récolte » environ trois fois par an dans des terrains où je les laisse vieillir volontairement, pour avoir des « tons » de rouille différents. De quelle pièce es-tu fier ?
Certains disent que tu es le César du Street Art ? Ahah ! La comparaison revient souvent, évidemment. L’influence est flagrante, et j’en suis fier. César et Arman ont bousculé le monde de la sculpture classique en permettant aux amateurs d’art de voir le « beau » dans le rebut industriel. C’est ce que je m’efforce de faire ressentir aussi, en toute humilité. Qu’est-ce qui t’influence ? Le travail du temps sur la matière, la lumière, l’humeur, la vie, les rencontres. Des artistes comme Soulages, Tanc, Tilt, Taku Obata, Mr Bmx me donnent envie d’aller plus loin. Et tes collaborations ? Je propose à des noms de la scène graffiti de « customiser » une de mes sculptures et sa boîte ! C’est un régal de constater l’engouement d’artistes aussi différents que Mr Plant ou Hopare : c’est mon jam personnel. N’as-tu pas envie d’intervenir dans la rue ?
Quelle est ta prochaine actu ? De nouvelles collaborations… Une expo à partir du 13 mai à Saint-Etienne avec Heng et Clément Verdiere. Le Wild Summer Festival en juin à Montpellier, avec, en prévision, une installation avec mes amis Mr. Bmx et Hazo. Quel serait ton lieu d’exposition rêvé ? Je suis très satisfait des lieux où j’ai exposé : en particulier L’appartement, à Marseille – un lieu sublime – et la galerie 36ème Art à Saint-Dié-des-Vosges – tenue par un couple adorable. Deux autres lieux m’attirent : l’espace Cobalt à Toulouse, où a lieu le festival Mister Freeze, et la CollabGalerie en Allemagne. Quels nouveaux territoires as-tu envie d’explorer ? Je suis en pleine réflexion aussi sur la taille et l’abstraction : je pense à une sculpture à taille humaine, toute en puissance, sans véritable représentation, simplement des confrontations de matières, de torsions et d’angles. Une sculpture qui vous toucherait et vous bousculerait par son aspect irréel. Propos recueillis par Clotilde Bednarek [Crédits Photo 1 : © Frédéric Montandon / Photo 2 à 5 : © Tieri Trademark] |
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