Ticklecosmos : “L’abstrait m’a servi de thérapie”
Rencontre avec Ticklecosmos, une jeune artiste pétillante de 22 ans qui se fait progressivement un nom dans le monde de l’art. La talentueuse bretonne s’est notamment fait connaître par son art abstrait au DéDalE (Vannes) mais ce n’est pas son seul atout puisqu’elle réalise aussi des illustrations pour bandes dessinées. Elle évoque ici ses différents projets, ses inspirations et ses deux univers artistiques.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Anna Morel, je suis originaire d’Auray dans le Morbihan, et mon nom d’artiste est Ticklecosmos. Je fais de la peinture abstraite et de l’illustration. Depuis toute petite, je dessine et je peins. J’ai pris des cours de dessin de mes 6 à 12 ans. J’ai passé un bac de marchandisage visuel dans un lycée d’art, puis j’ai commencé les Beaux-Arts de Lorient mais j’ai arrêté au bout d’un an pour voyager. Ensuite, j’ai fait une année de fac d’arts plastiques à Rennes et j’ai arrêté encore une fois car je n’aimais pas l’école (rires). Aujourd’hui, je me suis mise à mon compte mais ce n’est pas forcément évident.
Dans tes œuvres abstraites, il y a énormément de couleurs. Pourquoi ce choix ?
Quand j’étais petite, je faisais beaucoup d’abstrait et j’avais besoin de retrouver ce côté enfantin. Je trouvais ça sympathique de replonger dans mon enfance et de retranscrire les couleurs. En fait, je faisais de l’illustration et plus vraiment d’abstrait. Puis je m’y suis mise en septembre 2019 pour penser à autre chose, me vider la tête, car c’était une période compliquée pour moi. Ça m’a fait beaucoup de bien de ne plus réfléchir. Quand tu fais de l’illustration tu as besoin que ce soit parfait, alors que l’abstrait ça vient d’un coup, c’est plus libre. L’abstrait m’a servi de thérapie.
Tu as une salle dédiée à ta peinture abstraite au DéDalE. Comment en es-tu arrivée là ?
J’y suis allée au culot. J’ai visité DéDalE (ndlr : lieu d’exposition éphémère en totale immersion à Vannes dans le Morbihan, regroupant de nombreux artistes de street art notamment) en octobre 2019 avec ma mère. En rentrant, je leur ai envoyé un mail avec tous mes dessins d’abstrait que j’avais réalisés au préalable. Je ne pensais pas du tout que j’allais être prise. Je n’ai pas été payée mais ils m’ont acheté tout le matériel donc il fallait se mettre d’accord sur la peinture. Cette salle avait été repeinte car elle ne plaisait pas au public. J’ai proposé mon dossier à temps et ils m’ont dit que ça correspondait à ce qu’ils voulaient faire. Si j’avais proposé de l’illustration, je ne pense pas qu’ils auraient accepté alors que là, c’était plus leur domaine. Quand j’ai vu la salle blanche, je ne savais pas ce que j’allais faire. Je me suis dit que j’allais me laisser guider et les idées sont venues petit à petit. J’ai commencé en mai et j’ai fini en juillet mais je n’y allais pas tous les jours. L’arche par exemple, n’était pas du tout préméditée. C’est le photographe qui m’avait dit que ce serait sympa d’en faire une pour que les gens se prennent en photo et j’ai bien aimé l’idée. C’était un petit coup de chance parce que ça m’a rapporté beaucoup de choses positives.
Tu fais aussi des illustrations, peux-tu nous en parler?
J’en fais depuis que je suis ado, c’est un style à trouver. Je fais plus dans la bande dessinée et j’espère en faire plus tard mais c’est étape par étape. Par exemple, si je te montre des illustrations que je faisais il y a deux ans, il y a une énorme évolution. Pour la technique, j’utilise de l’aquarelle, de l’acrylique, et je fais aussi du digital painting sur Photoshop, avec une tablette graphique. C’est ce que je fais actuellement parce que la colorimétrie est plus nette qu’avec de l’aquarelle mais c’est moins simple à faire. Je ne les publie que sur mon compte Instagram personnel car je suis encore frileuse pour l’illustration. Comme je ne suis pas satisfaite à 100% de ce que je produis, je veux que ce soit parfait avant de faire des partenariats. Mais ce serait mon plus grand rêve.
Quelles sont tes principales inspirations ?
Pour mes illustrations, il y a Noel Badges Pugh et Caspar David Friedrich, et pour l’abstrait, il y a Keith Haring, ectomorphe et Guillaume & Laurie.
Quelle est l’œuvre dont tu es la plus fière ?
En abstrait, c’est la première œuvre que j’ai faite en octobre 2019. C’est une énorme feuille dans ma chambre. En fait quand j’ai commencé, je voulais directement faire sur de grandes surfaces car sur du A5 c’est joli mais ça ne rend pas pareil. J’y suis allée progressivement, d’abord sur du A4, ensuite du A3, puis j’ai collé des feuilles A3 ensemble et maintenant je fais ça sur des murs. J’ai essayé beaucoup de styles différents mais je lâchais au bout d’un mois parce que ça ne me correspondait pas. Quand j’ai commencé ce que je fais maintenant, je pensais aussi m’en lasser rapidement et finalement, je ne lâche toujours pas au bout d’un an et demi. C’est vrai que ça commence à marcher et même si ce n’est pas trop fructueux, j’espère en vivre décemment.
Quels sont tes projets futurs ?
Pour l’abstrait, j’aimerais continuer à vendre des dessins, faire des expositions, peindre des murs chez des gens, fabriquer et vendre du textile. En ce moment je suis inscrite à la Mission Locale, ils m’aident à trouver du travail en attendant que je puisse vivre de mon art. Ils me guident aussi dans mes projets artistiques en me proposant différentes missions de bénévolat par exemple et ils me conseillent pour créer mon statut d’auto-entrepreneur. Aujourd’hui, je vends des tote bags. C’est une entreprise qui les fabrique, mais plus tard j’aimerais bien que ce soit moi qui le fasse. J’essaie de faire un site le plus rapidement possible mais je n’ai pas encore énormément de ventes et un site demande beaucoup de temps et d’organisation. Donc pour l’instant, je vends avec une boutique ETSY. Il faut être très bon en communication et ce n’est pas forcément mon fort. Il faut également être très actif sur Instagram et c’est triste parce que c’est un peu superficiel, puis il y a énormément de concurrence. Il faut donc sortir des choses originales. Pour le côté illustrations, j’aimerais aussi travailler dans la presse et la bande dessinée, mais dans plusieurs années. J’aimerais lier les deux, abstrait et illustrations, mais comme ce sont des univers différents, il faut souvent en privilégier un. Donc en ce moment, c’est l’abstrait.
Comment la COVID-19 impacte t-elle tes projets ?
L’année 2020 c’est une année nulle et géniale à la fois. C’est là où tout commence pour moi grâce à DéDalE, c’était une énorme ouverture. J’ai fait une collaboration avec Vangart, une marque de vêtements qui fait des petites collaborations avec des artistes et il y a eu 8 exemplaires d’un sweat avec mes motifs. Ce n’est pas beaucoup mais c’est toujours ça. J’ai fait quelques expositions, mon réseau se développe de plus en plus et je commence à vendre aussi. Si je n’avais pas fait DéDalE, tout aurait pris beaucoup plus de temps. J’ai pu rencontrer plein d’artistes sur place, c’était la première fois que j’en rencontrais autant sur un même projet. Mais il y a aussi eu beaucoup de choses que je devais faire et qui ont été annulées. Par exemple, il y avait une exposition prévue en Italie en novembre 2020 pendant qu’on était confinés. Je devais y aller parce que c’est important de voir ses expositions, mais je n’ai pas pu m’y rendre, c’est dommage.
Pour finir, aurais-tu trois mots pour définir tes projets ?
Pour mon art abstrait, je dirais du lâcher-prise, un retour à l’enfance et une thérapie. Aujourd’hui c’est ça mon fil conducteur, mais peut-être que plus tard ça m’évoquera autre chose. Pour l’illustration, ce serait sentiments, émotions et mélancolie. Je veux que mon projet de bande dessinée parle vraiment des émotions, de ce qu’on peut ressentir. Ce ne seront pas des couleurs criardes comme l’abstrait mais ce sera plus doux, des couleurs plus légères.
Retrouvez Ticklecosmos sur son compte Instagram.
Propos recueillis par Marie Houssay
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