Théo Haggaï : “Je fais de l’humanisme à la Keith Haring”
Théo Haggaï, 29 ans, est un artiste français qui investit l’espace urbain de ses dessins frappants tant par leur esthétique que par leur message de solidarité. N’hésitez pas à aller admirer ses œuvres qui mêlent politique et rêverie dans l’Est parisien.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Mes parents comédiens ont nourri mon envie de m’exprimer artistiquement. J’ai commencé par la photographie puis rapidement s’est imposée l’envie de peindre. Après le bac, j’ai suivi une MANAA puis un BTS en communication visuelle qui m’a permis de découvrir mon goût pour le dessin, d’abord en gribouillant dans mon coin puis en développant un premier style en découvrant Basquiat, Keith Haring et Pollock. J’aime l’énergie purement corporelle et sensorielle de la création picturale, avoir de l’encre et de la peinture sur les mains.
Comment qualifieriez-vous votre style actuel ?
Humaniste. En 2013, j’ai déménagé à Lyon où j’ai commencé à développer et construire, d’une part des silhouettes que j’appelle des “rêveurs” et qui représentent toute personne physique sans distinction particulière afin que tout le monde puisse s’y identifier, et d’autre part, des mains qui se serrent. Ces deux éléments sont devenus récurrents et constituent de véritables signes distinctifs dans ma pratique actuelle. Avec l’apparition des mains et des “rêveurs” qui illustrent l’entraide, m’est venue naturellement l’envie de descendre dans la rue et de m’adresser au plus grand nombre afin de véhiculer ces valeurs de solidarité. Je ne souhaitais pas m’adresser uniquement aux publics des institutions culturelles et des galeries, cela n’aurait pas eu de sens. J’ai commencé réellement à dessiner dans l’espace urbain à Lyon. C’est ainsi que j’ai développé un art de rue.
Vous parlez d’art de rue. Vous identifiez-vous comme street artist ?
Je suis un artiste qui, potentiellement et en fonction de mes envies, peut intervenir dans la rue. Je ne ressens pas la nécessité de m’inscrire dans un mouvement précis. Pour moi, la rue, c’est à l’envie, plutôt en plein jour, pour le plaisir et le hasard des rencontres, l’occasion de participer, à mon humble manière, à la discussion publique du devenir et des espoirs de l’humanité.
Vous travaillez donc également en intérieur. Quelles différences voyez-vous entre vos dessins d’intérieur et d’extérieur ?
Outre leur taille, j’ai tendance à créer en intérieur sur des petits formats des dessins plutôt torturés et chaotiques alors que mes dessins de rue ne véhiculent que des messages positifs. Pour l’instant. De plus, si j’utilise la couleur, à petite dose, sur des petits formats destinés à l’intérieur, je ne le ferai pas dans l’espace urbain : le contraste du noir et blanc dans la rue est plus impactant pour le passant.
Dans un environnement urbain gris, on pourrait penser qu’au contraire, des œuvres en couleur attireraient davantage l’attention.
Le contraste noir/blanc et les différentes épaisseurs de traits que j’utilise retiennent l’attention y compris sur un fond gris. Pour ce qui est de la couleur, je ne saurais pas pourquoi j’utiliserais telles couleurs dans l’environnement urbain, il faudrait que la couleur ait un rôle dans la lecture du dessin et pour le moment je ne l’ai pas trouvé. Par ailleurs, quand bien même j’attache une importance à l’esthétique de mon dessin, mon intention est avant tout politique à travers le message de solidarité qu’il véhicule. Aussi, le dessin doit être en noir et blanc, “brut”, sans aucune distraction de couleurs, pour que le message passe au premier plan. Mes dessins sont avant tout politiques même s’ils recèlent une part de poésie avec notamment ces “rêveurs”. À cet égard, on m’arrête souvent dans la rue pour me dire que je fais du Keith Haring ce qui me fait plaisir puisque je me revendique d’une certaine manière de son école. Je fais de l’humanisme à la Keith Haring : mon travail véhicule les mêmes messages de solidarité et mes dessins évoquent les siens notamment dans la répétition des motifs, la couleur et la notoriété en moins (Rires).
Où pouvons-nous retrouver votre travail ?
À Lyon, il reste quelques pièces, mais aujourd’hui dans l’Est parisien. Je suis monté à Paris car la scène artistique y est foisonnante, il y a de la place pour tout le monde et j’avais envie d’y tenter ma chance. Y trouver ma place et vivre dignement de mon travail, comme tout être humain qu’on respecte, serait une grande fierté pour moi.
Pour plus d’informations sur Théo Haggaï, cliquez ici.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
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